Les AGF pionnières de l’assurance au Viêt-nam

Dossier : VIÊT-NAMMagazine N°525 Mai 1997
Par André RENAUDIN (76)

En juil­let et août 1996, le Nord Viêt-nam a été dure­ment touché par deux typhons. Le bilan est lourd : plus de 200 morts et 281 mil­lions de US $ de dom­mages. La plu­part n’é­taient pas assurés.

Si l’as­sur­ance n’est pas la clef de tous les prob­lèmes, au moins elle soulage et per­met à des familles de se trou­ver à l’abri du besoin.

Car le coeur du méti­er d’as­sureur est bien celui-là : pro­téger les biens et les per­son­nes, au Viêt-nam comme ailleurs.

Certes dans un pays en développe­ment, on com­prend toute l’im­por­tance, mais aus­si toute la dif­fi­culté d’ex­ercer ce métier.

Ce pari ambitieux et pas­sion­nant, les AGF l’ont fait depuis plus de trois ans. Elles ont été le pre­mier assureur européen à s’im­planter au Viêt-nam dès décem­bre 1993 sous forme de bureau de représen­ta­tion par la déci­sion du 29 décem­bre 1993 n° 814/TM-GP-CATBD.

En fait, à se réim­planter. Car notre entre­prise est liée par l’his­toire au Viêt-nam en rai­son de sa présence pen­dant près de quar­ante ans en Indo­chine. Comme cer­tains s’en sou­vi­en­nent encore rue de Riche­lieu, le Viêt-nam représen­tait une par­tie impor­tante des activ­ités du groupe à l’in­ter­na­tion­al. Dans les années 1930, une agence des Assur­ances Générales Acci­dents est ouverte au Viêt-nam. Au cours des années 1950, les pre­miers expa­triés sont envoyés à Hanoi et Saigon. En 1960, les Assur­ances Générales Incendie pren­nent une par­tic­i­pa­tion dans la VAR (Viet­nami­enne d’As­sur­ance et de Réas­sur­ance) et res­teront présentes jusqu’en 1973. Mais l’his­toire et le lien affec­tif n’ont pas seuls motivé un retour en 1993.

Dans le cadre de la stratégie sélec­tive de développe­ment du groupe dans les pays émer­gents, le Viêt-nam est apparu comme un marché d’avenir où les AGF ont, notam­ment en tant que com­pag­nie française, un rôle à jouer.

Le secteur de l’as­sur­ance est à l’im­age de l’é­conomie du pays : en transition.

Beau­coup reste à faire. Le Viêt-nam ne s’est pas encore doté d’une loi sur l’as­sur­ance. Un règle­ment et quelques cir­cu­laires con­stituent aujour­d’hui le corps des règles applic­a­bles. La loi est bien en ges­ta­tion et il fau­dra sans doute quelques années encore avant qu’elle ne soit votée.

De même, le min­istère des Finances, autorité de tutelle des com­pag­nies d’as­sur­ances, a récem­ment con­sti­tué un embry­on de com­mis­sion de contrôle.

Un pro­jet de Fédéra­tion des com­pag­nies d’as­sur­ances viet­nami­ennes est à l’étude.

Enfin, le niveau de développe­ment de l’é­conomie viet­nami­enne ne pro­pose pas de véhicule financier per­me­t­tant aux com­pag­nies de plac­er leurs primes et de pro­pos­er des pro­duits d’as­sur­ance-vie ayant des ren­de­ments attrayants pour les assurés.

Organ­is­er un marché d’as­sur­ance, tel est l’en­jeu auquel sont con­fron­tées les autorités vietnamiennes.

On estime que le ratio Primes/PIB est de l’or­dre de 0,3 % en 1995 alors qu’en Thaï­lande il est de plus de 2 %. En 1995, 100 mil­lions de US $ de primes brutes ont été émis au Viêt-nam, la moitié provenant des risques liés à l’in­vestisse­ment étranger.

On avance le chiffre de 20 mil­liards de US $ d’in­vestisse­ments étrangers cumulés, accep­tés entre 1986 et 1996. Dans les faits, il sem­blerait que seule­ment 6 mil­liards aient été investis jusqu’à aujour­d’hui. D’autre part, le min­istère des Finances viet­namien estime que seule­ment 30 % des investisse­ment étrangers sont assurés auprès des com­pag­nies locales. En effet, les investis­seurs assurent leurs act­ifs en dehors du pays.

Une régle­men­ta­tion ren­dant oblig­a­toire l’as­sur­ance auprès d’une com­pag­nie dûment habil­itée à souscrire au Viêt-nam s’ac­com­pa­g­n­erait d’une nette aug­men­ta­tion du vol­ume des primes con­servées dans le pays.

Les entre­pris­es locales, dans leur grande majorité, ne sont pas assurées. On estime que seule­ment 25 % des sociétés d’É­tat con­tractent une assur­ance. Seules l’as­sur­ance auto et l’as­sur­ance acci­dent du tra­vail sont obligatoires.

Enfin, l’as­sur­ance des par­ti­c­uliers est qua­si­ment inex­is­tante. Les Viet­namiens nan­tis ne font pas con­fi­ance aux com­pag­nies locales et perçoivent l’as­sur­ance auto-moto comme une taxe sup­plé­men­taire. Si, aujour­d’hui, le pays est pau­vre, les aggloméra­tions viet­nami­ennes sont incon­testable­ment des pôles de crois­sance et de richesse.

Hanoi et Hô Chi Minh Ville totalisent près de 10 mil­lions d’habi­tants soit plus de 13 % de la pop­u­la­tion avec un revenu par habi­tant deux fois supérieur à celui de l’ensem­ble du pays. La nou­velle classe moyenne des villes aspire à de meilleures con­di­tions de vie et à se pro­téger con­tre les aléas en s’as­sur­ant. Con­scientes de ce besoin crois­sant en assur­ance-vie et assur­ance san­té, les com­pag­nies viet­nami­ennes com­men­cent à pro­pos­er ce type de pro­duits. L’as­sur­ance de per­son­nes devrait donc con­naître un développe­ment cer­tain dans les années à venir.

Le nom­bre sans cesse crois­sant de sociétés présentes a provo­qué une rapi­de évo­lu­tion du panora­ma de l’as­sur­ance. Pen­dant près de trente ans, l’as­sur­ance était le mono­pole de la com­pag­nie d’É­tat Baovi­et, départe­ment du min­istère des Finances, créée en 1965. Baovi­et est de loin la plus impor­tante des com­pag­nies en ter­mes de part de marché (de l’or­dre de 90 %), de per­son­nel (près de 1 000 per­son­nes) et de réseau de dis­tri­b­u­tion (50 suc­cur­sales sur l’ensem­ble du territoire).

Entre 1994 et 1995 les autorités ont “éclaté” ce mono­pole en créant plusieurs com­pag­nies : Baom­inh anci­enne suc­cur­sale de Baovi­et à Hô Chi Minh Ville, Vinaré la com­pag­nie de réas­sur­ance nationale, Petrolimex Joint Stock Insur­ance Com­pag­ny (PJICO), Petro Viet­nam Insur­ance Com­pa­ny (Petrov­ina), Bao­long. Toutes appar­ti­en­nent directe­ment ou indi­recte­ment à l’É­tat. Ces com­pag­nies d’as­sur­ances sont faible­ment cap­i­tal­isées — 10 mil­lions de dol­lars pour Baovi­et, leader du marché et 2 à 4 mil­lions de dol­lars pour les autres — ce qui ne leur per­met pas d’avoir une réten­tion sub­stantielle des risques. Elles sont donc amenées à forte­ment sol­liciter le place­ment en réassurance.

À ce jour, il n’ex­iste donc pas de com­pag­nie d’as­sur­ances privée au Viêt-nam. On peut imag­in­er, dans un avenir encore incer­tain, une “action­nar­i­sa­tion” (le terme de pri­vati­sa­tion n’é­tant pas util­isé) de cer­taines d’en­tre elles.

En 1993, date de l’ou­ver­ture pro­gres­sive du secteur de l’as­sur­ance, de nom­breuses com­pag­nies étrangères se sont pressées à la porte de ce marché encore vierge. Six com­pag­nies étrangères étaient présentes au Viêt-nam en décem­bre 1993 ; il y en a près d’une trentaine aujourd’hui.

Les com­pag­nies japon­ais­es sont large­ment représen­tées : sept d’en­tre elles dis­posent de bureaux de représen­ta­tion et la pre­mière société d’as­sur­ance en parte­nar­i­at qui devrait être pleine­ment opéra­tionnelle en jan­vi­er 1997 com­prend une com­pag­nie japon­aise (Tokio Marine), une com­pag­nie anglaise (Com­mer­cial Union) et Baoviet.

Le deux­ième pro­jet de société mixte est prévu entre deux com­pag­nies japon­ais­es : Mit­sui, Yasu­da et la deux­ième com­pag­nie d’as­sur­ances viet­nami­enne Baom­inh. D’autres pro­jets de parte­nar­i­ats, à plus longue échéance, sont en préparation.

Cepen­dant, deux groupes d’as­sur­ance ont choisi de s’im­planter sans parte­naire local : AIG et les AGF.

La puis­sante com­pag­nie améri­caine AIG (Amer­i­can Inter­na­tion­al Group), forte de son suc­cès sur le marché chi­nois, presse les autorités viet­nami­ennes pour obtenir une licence lui per­me­t­tant de s’im­planter sous la forme d’un investisse­ment à 100 % étranger. La stratégie améri­caine con­siste à pro­pos­er un investisse­ment dans le secteur des infra­struc­tures, pro­jet por­tu­aire de 600 mil­lions de dol­lars au nord du pays, con­tre une licence com­pos­ite, vie et non-vie, dans le secteur de l’as­sur­ance. Bien qu’elle ait été la pre­mière com­pag­nie étrangère en juil­let 1993 à ouvrir un bureau de représen­ta­tion au Viêt-nam, elle attend tou­jours son agrément.

Les AGF, face à leurs con­cur­rents japon­ais et anglo-sax­ons, veu­lent pro­mou­voir une con­cep­tion française de l’as­sur­ance pro­pre à intéress­er les Viet­namiens : défense des intérêts des assurés, impor­tance de la coopéra­tion entre les com­pag­nies d’as­sur­ances. La notion de ser­vice pub­lic a forte­ment mar­qué leur tra­di­tion d’as­sureur. Aujour­d’hui pri­vatisées avec une oblig­a­tion de résul­tat vis-à-vis de leurs action­naires, elles gar­dent cette image ras­sur­ante et pro­tec­trice mise en avant pen­dant leur pri­vati­sa­tion. Entre les géants japon­ais et anglo-sax­ons, elles pro­posent une alter­na­tive aux autorités.

Antoine Jean­court-Galig­nani a été le pre­mier prési­dent d’une com­pag­nie d’as­sur­ances française à se ren­dre au Viêt-nam dès octo­bre 1994. De même plusieurs dirigeants ont pu con­stater au cours de leurs dif­férentes vis­ites le poten­tiel de développe­ment de ce pays dans le long terme.

Jusqu’à présent, les activ­ités de la com­pag­nie sont lim­itées puisqu’en tant que bureau de représen­ta­tion elle n’a pas la pos­si­bil­ité de souscrire directe­ment des affaires. Elle tra­vaille en revanche en étroite col­lab­o­ra­tion avec les com­pag­nies d’as­sur­ances viet­nami­ennes. Elle leur apporte un sup­port en réas­sur­ance pour des risques indus­triels et elle développe en parte­nar­i­at avec l’une d’en­tre elles des pro­duits d’as­sur­ance pour la clien­tèle étrangère.

Les risques viet­namiens sont ain­si réas­surés par la fil­iale de Sin­gapour et par la plate-forme grands risques récem­ment ouverte en Asie. Le bureau de représen­ta­tion inter­vient sur le ter­rain en con­tact avec les clients, les courtiers et les com­pag­nies d’as­sur­ances viet­nami­ennes. Notre com­pag­nie réas­sure de nom­breux pro­jets de con­struc­tion notam­ment dans le secteur hôte­lier, Hyatt, Mar­i­ott, ou encore le groupe sud-coréen Dae­woo, dans le secteur indus­triel, Elf, Rhône-Poulenc, clients tra­di­tion­nels du groupe, mais aus­si les sucreries de Bour­bon, l’u­sine d’eau minérale de Vit­tel du groupe Nestlé et enfin dans le secteur des infra­struc­tures le pre­mier port en eaux pro­fondes des Potass­es d’Al­sace ou encore le pro­jet de cen­trale élec­trique taiwanais…

Par­al­lèle­ment, à l’ini­tia­tive de la Fédéra­tion française des Sociétés d’As­sur­ance, l’as­sureur français par­ticipe finan­cière­ment et par l’en­voi d’ex­perts à un vaste pro­jet de for­ma­tion des cadres du min­istère des Finances et des com­pag­nies vietnamiennes.

La struc­ture en place est sou­ple et réduite, jouant la flex­i­bil­ité avec une équipe en majorité viet­nami­enne : le bureau est com­posé d’une expa­triée et de qua­tre Viet­namiens dont un cadre qui a béné­fi­cié d’une for­ma­tion à Paris et au siège région­al de Singapour.

Bien que les autorités viet­nami­ennes aient opté pour une ouver­ture par étapes : déman­tèle­ment du mono­pole, créa­tion de nou­velles com­pag­nies locales, sociétés en parte­nar­i­at avec des com­pag­nies étrangères et enfin sociétés à 100 % étrangères, notre objec­tif demeure une implan­ta­tion sous forme de com­pag­nie détenue à 100 %.

Croissance du marché vietnamien de l'assuranceVoici en quelques lignes un bilan de notre expéri­ence, certes encore mod­este mais qui, dans un avenir proche, devrait pren­dre plus d’am­pleur. La dif­fi­culté majeure réside dans l’in­cer­ti­tude à laque­lle sont en per­ma­nence con­fron­tés les investis­seurs étrangers : incer­ti­tude quant à la régle­men­ta­tion, à l’évo­lu­tion du marché et à l’ob­ten­tion d’un agré­ment. Les autorités viet­nami­ennes encour­a­gent les sociétés en parte­nar­i­at afin de béné­fici­er immé­di­ate­ment du savoir-faire et des cap­i­taux étrangers sans réelle­ment céder le ter­rain. Les frus­tra­tions et les espoirs déçus ne doivent pas décourager. La patience, la longévité et la per­sévérance sont des qual­ités toutes asi­a­tiques qu’il faut appren­dre, par­fois mal­gré soi.

La stratégie de développe­ment à l’in­ter­na­tion­al de l’en­tre­prise est essen­tielle­ment fondée sur la crois­sance externe. À ce titre, l’im­plan­ta­tion au Viêt-nam est orig­i­nale. Il ne s’ag­it pas de repren­dre une société exis­tante, de faire une alliance for­cée avec un parte­naire local, mais de créer. De même que les autorités, dans le cadre de l’é­conomie de marché, met­tent en place une régle­men­ta­tion, une autorité de con­trôle, une asso­ci­a­tion pro­fes­sion­nelle, il s’ag­it d’éla­bor­er de toutes pièces une com­pag­nie d’as­sur­ances en util­isant les dif­férents savoir-faire du groupe.

La valeur ajoutée de cette expéri­ence viet­nami­enne, c’est d’ap­pren­dre à déclin­er le méti­er d’as­sureur dans un envi­ron­nement en tout point dif­férent de celui des marchés tra­di­tion­nels des assureurs, aujour­d’hui sat­urés. Le Viêt-nam, tout comme l’ensem­ble des pays asi­a­tiques, représente un avenir pour les assureurs.

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