La clé de voûte de l’économie durable

Dossier : L'industrie chimique, un renouveauMagazine N°664 Avril 2011
Par Jean PELIN (71)

REPÈRES

REPÈRES
Portée par de nou­velles attentes socié­tales, par la raré­fac­tion des matières pre­mières fos­siles, l’in­dus­trie chim­ique aspire à être totale­ment ” durable “. Cette chimie du XXIe siè­cle est surnom­mée “chimie verte “, une expres­sion qui est par­fois trompeuse car cette chimie ne se car­ac­térise pas unique­ment par l’u­til­i­sa­tion de matières pre­mières d’o­rig­ine végé­tale. L’u­til­i­sa­tion d’én­er­gies renou­ve­lables, l’é­co-con­cep­tion de pro­duits plus sûrs, répara­bles, réu­til­is­ables ou biodégrad­ables et l’ef­fi­cac­ité énergé­tique de ses procédés font aus­si par­tie de ses pri­or­ités. Tous les indus­triels de la chimie, sans excep­tion, sont engagés dans le mou­ve­ment. Les principes de la ” chimie verte ” sont le bon sens.

Une oblig­a­tion européenne
Le règle­ment Reach en vigueur depuis 2008 instau­re une oblig­a­tion d’en­reg­istrement pour toutes les sub­stances pro­duites ou importées dans l’U­nion européenne à plus d’une tonne par an. Il implique pour les indus­triels l’élab­o­ra­tion de dossiers relat­ifs aux impacts tox­i­cologiques et éco­tox­i­cologiques de leurs pro­duits et une infor­ma­tion des util­isa­teurs, par le biais de fich­es de don­nées de sécu­rité har­mon­isées, sur les mesures à pren­dre pour utilis­er les pro­duits chim­iques de façon opti­male et en maîtrisant les risques.

Une feuille de route de la chimie durable
Innover néces­site des tal­ents, du courage, mais aus­si un réseau et une analyse de son envi­ron­nement. L’U­nion des indus­tries chim­iques a dévelop­pé, via SusChem France, une ” feuille de route” de la chimie durable en France et un réseau d’ac­teurs de l’in­no­va­tion en chimie sur tout le ter­ri­toire, pour aider cette chimie à grandir et prospér­er, grâce au sou­tien des pou­voirs publics français et européens.

Les inno­va­tions primées chaque année, depuis 2006, par le prix ” Pierre Poti­er “, lancé par l’U­nion des indus­tries chim­iques (UIC), balisent l’évo­lu­tion de la chimie “durable”, encore appelée “chimie verte”. Ont été récom­pen­sées en cinq ans une ving­taine d’en­tre­pris­es ayant mis au point des procédés ou pro­duits chim­iques inno­vants, au béné­fice du développe­ment durable.

Quelques exem­ples : un solvant non tox­ique et biodégrad­able, un polymère fait à par­tir d’huile de ricin ou encore un procédé de traite­ment des déchets dan­gereux qui trans­forme la matière organique exclu­sive­ment en eau, par un procédé de com­bus­tion froide.

Vers l’économie ” circulaire”

Une muta­tion indus­trielle priv­ilé­giant le recy­clage et les matières pre­mières renouvelables

Ces inno­va­tions ne sont que la par­tie émergée de la chimie durable. Or c’est une muta­tion indus­trielle glob­ale qui se pré­pare, avec la volon­té de nous affranchir des réserves de matières pre­mières fos­siles et de fonder une économie ” cir­cu­laire ” qui priv­ilégie le recy­clage et l’u­til­i­sa­tion de matières pre­mières renouvelables.

Cette révo­lu­tion sera col­lec­tive car la mise en place d’une fil­ière de recy­clage forte en France et le développe­ment de la chimie du végé­tal néces­si­tent que tous les acteurs (du recy­clage, de la fil­ière agri­cole, de la chimie et ses clients) tra­vail­lent ensem­ble et trou­vent les mesures et les out­ils pour ren­dre ces fil­ières com­péti­tives et pérennes.

La simplification réglementaire

© ARKEMA

Dans ce con­texte, la régle­men­ta­tion doit devenir une alliée plutôt qu’un hand­i­cap. L’UIC milite depuis de nom­breuses années con­tre le “fardeau” régle­men­taire auquel nos indus­triels sont soumis, avec des textes français et européens par­fois redon­dants et dif­fi­ciles à met­tre en œuvre. Nous avons été récem­ment enten­dus puisque, dans le cadre des États généraux de l’in­dus­trie, une mis­sion sur la sim­pli­fi­ca­tion régle­men­taire a imag­iné une série de mesures, de bon sens et réal­istes, qui per­me­t­tront de met­tre un terme, en France, à un proces­sus d’in­fla­tion régle­men­taire incontrôlé.

Cette mis­sion, présidée par Madame Lau­re de La Raudière, députée d’Eure-et-Loir, a remis ses con­clu­sions à l’au­tomne dernier et celles-ci sont mis­es en œuvre. C’est un nou­veau ” pacte économique ” qui pour­rait s’établir entre les entre­pris­es des secteurs dits “risqués ” (instal­la­tions classées pour l’en­vi­ron­nement) et les ser­vices décon­cen­trés de l’État.

C’est aus­si évidem­ment au niveau européen qu’il con­vient d’a­gir. Le règle­ment Reach est un règle­ment très ambitieux, sans équiv­a­lent à ce jour dans le monde et qui devrait pou­voir servir de ” label ” à la chimie du XXIe siè­cle. Ce pari est loin d’être gag­né puisque, d’une part, la com­plex­ité et les coûts de la mise en oeu­vre peu­vent inciter cer­tains indus­triels à localis­er leurs activ­ités de pro­duc­tion hors de l’U­nion européenne et que, d’autre part, il reste à con­va­in­cre les grandes zones économiques de met­tre en place des régle­men­ta­tions sim­i­laires (USA, Chine, Inde, Brésil).

Les qua­tre axes prioritaires
  • L’in­té­gra­tion de la chimie dans les fil­ières aval, ou com­ment la chimie et l’in­dus­trie chim­ique tra­vail­lent en étroite col­lab­o­ra­tion avec les fil­ières des chaînes de valeur applica­tives pour dévelop­per les pro­duits du futur et apporter des solu­tions aux grands défis économiques et envi­ron­nemen­taux aux­quels font face ces indus­tries clientes.
  • Le développe­ment de la chimie du végé­tal, ou com­ment une nou­velle chimie à par­tir de matière végé­tale peut se dévelop­per, notam­ment sur des seg­ments pour lesquels la chimie clas­sique ne peut plus apporter de solu­tions (pas de recy­clage pos­si­ble, inter­dic­tion de pro­duits sous l’in­flu­ence de la régle­men­ta­tion Reach, etc.).
  • Le développe­ment du recy­clage, ou com­ment la chimie et l’in­dus­trie chim­ique peu­vent apporter des solu­tions et con­tribuer active­ment à la con­struc­tion de fil­ières favorisant le développe­ment d’une économie circulaire.
  • L’amélio­ra­tion de la dura­bil­ité intrin­sèque de la chimie, ou com­ment l’in­dus­trie chim­ique se trans­forme de manière volon­taire (mais aus­si sous con­trainte), pour faire face à ses pro­pres défis envi­ron­nemen­taux et sociétaux.

De nom­breuses autres régle­men­ta­tions touchent aujour­d’hui le secteur de l’in­dus­trie chim­ique sans que l’on puisse véri­ta­ble­ment éval­uer leurs béné­fices sur la san­té et l’en­vi­ron­nement. Il est impératif de pou­voir estimer cet impact, notam­ment en inté­grant tous les aspects du développe­ment durable (y com­pris le volet social) dans des études systémiques.

Il faut inté­gr­er tous les volets du développe­ment durable, y com­pris le volet social

L’innovation, levier de compétitivité

Si une sim­pli­fi­ca­tion de la régle­men­ta­tion doit pou­voir nous faire gag­n­er des points de com­péti­tiv­ité, l’in­no­va­tion est, elle aus­si, pri­mor­diale. Les indus­triels de la chimie en France doivent innover en matière de procédés de fab­ri­ca­tion, de diver­si­fi­ca­tion de leurs ressources, d’ap­proche des marchés.

Des besoins de compétences

Deux­ième en Europe
L’U­nion des indus­tries chim­iques (UIC) a pour mis­sion de pro­mou­voir l’in­dus­trie chim­ique en France. Elle en est le porte-parole. L’in­dus­trie chim­ique en France est le 2e pro­duc­teur européen, le 5e pro­duc­teur mon­di­al. Avec un chiffre d’af­faires de 67,6 mil­liards d’eu­ros en 2009 et 178000 salariés, elle est un des tout pre­miers secteurs indus­triels en France.

La chimie durable ce sont aus­si, et surtout, des hommes et des femmes, qui s’in­ve­stiront dans un secteur d’avenir aux per­spec­tives con­sid­érables ; c’est ce qu’ont mis en évi­dence les travaux de “Pipame” (Pôle inter­min­istériel de prospec­tive et d’an­tic­i­pa­tion des muta­tions économiques), chargé d’analyser les muta­tions économiques.

Les besoins en com­pé­tences nou­velles peu­vent ain­si se résumer en qua­tre points : l’in­té­gra­tion de la chimie dans les fil­ières aval ; le développe­ment de la chimie du végé­tal ; le développe­ment du recy­clage ; l’amélio­ra­tion de la dura­bil­ité intrin­sèque de la chimie.

La protection de l’environnement

L’in­dus­trie chim­ique entend démon­tr­er, par des actes et des réal­i­sa­tions con­crètes, qu’elle con­tribue à la pro­tec­tion de notre envi­ron­nement, et à la réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre.

Un secteur économique dynamique, con­fi­ant dans l’avenir et innovant

C’est donc un secteur économique dynamique, con­fi­ant dans l’avenir et inno­vant, qui pré­pare sa révo­lu­tion. Les ini­tia­tives menées par l’UIC et son réseau en régions, en parte­nar­i­at avec d’autres acteurs de l’é­conomie durable, ont fait naître un mou­ve­ment prometteur.

Nous pou­vons faire de l’in­dus­trie chim­ique en France un mod­èle à suiv­re en Europe et dans le monde. Il nous fau­dra pour cela mobilis­er beau­coup d’én­ergie, de force de con­vic­tion pour faire évoluer les com­porte­ments et le cadre de jeu, mais nous y sommes fin prêts, forts de nos récents suc­cès, notam­ment avec SusChem qui regroupe de plus en plus d’acteurs.

Les douze principes de la chimie verte
  1. Lim­iter la pol­lu­tion à la source.
  2. Économiser les atomes.
  3. Con­cevoir des syn­thès­es chim­iques moins dangereuses.
  4. Con­cevoir des pro­duits chim­iques plus sûrs.
  5. Réduire l’u­til­i­sa­tion de solvants organiques.
  6. Amélior­er l’ef­fi­cac­ité énergé­tique des réactions.
  7. Utilis­er des matières pre­mières renouvelables.
  8. Réduire les pro­duits dérivés des réac­tions chimiques.
  9. Utilis­er la catalyse.
  10. Pren­dre en compte la dégra­da­tion finale des sub­stances dès leur conception.
  11. Met­tre au point des méth­odes de con­trôle pour prévenir la pollution.
  12. Dévelop­per une chimie tou­jours plus sûre afin de prévenir les accidents.

Poster un commentaire