Gaz à effet de serre et » marchés du carbone »

Dossier : L'industrie chimique, un renouveauMagazine N°664 Avril 2011
Par Benoît LEGUET (97)

REPÈRES

REPÈRES
Comme nombre d’ac­ti­vi­tés humaines, le sec­teur de la chi­mie contri­bue aux émis­sions de gaz à effet de serre (GES). CO2, N2O, divers com­po­sés fluo­rés tels que le SF6 et les familles de per­fluo­ro­car­bures (PFC) et hydro­fluo­ro­car­bures (HFC) sont en effet des gaz à effet de serre. Les pro­cé­dés de l’in­dus­trie chi­mique contri­buent à 3,1 % des émis­sions de GES euro­péennes (voir figure 1), hors pétro­chi­mie et uti­li­sa­tion d’éner­gie dans le sec­teur de la chimie.

La chi­mie repré­sente 1,6 % du PIB euro­péen, mais sa part dans les émis­sions de gaz à effet de serre (GES) atteint 3,1 % du total. Cette dif­fé­rence s’ex­plique par le pou­voir de réchauf­fe­ment1 des dif­fé­rents GES émis par le sec­teur (voir figure 2 et tableau 1). L’é­mis­sion d’une tonne de N2O cor­res­pond ain­si à l’é­mis­sion de 310 tonnes de CO2.

Quotas européens et projet Kyoto

Tableau 1

Les GES émis par le sec­teur de la chi­mie ont un pou­voir de réchauf­fe­ment élevé

GES Pou­voir de réchauf­fe­ment à cent ans
CO2 1
CH4 21
N2O 310
HFC De 140 à 11 700
PFC De 6 500 à 9 500
SF6 23 900
Les 6 GES – ou familles de GES – régu­lés par le pro­to­cole de Kyo­to n’ont pas le même pou­voir de réchauf­fe­ment. Le pou­voir de réchauf­fe­ment du CO2 à cent ans vaut par conven­tion 1, le pou­voir de réchauf­fe­ment des autres GES est éva­lué par rap­port à cet étalon.
Source : GIEC, 1995.

L’U­nion euro­péenne a mis en place, depuis 2005, un sys­tème paneu­ro­péen de quo­tas de GES négo­ciables. Ce sys­tème pla­fonne les émis­sions de GES des prin­ci­paux sites indus­triels euro­péens, repré­sen­tant 40% des émis­sions euro­péennes. Cette poli­tique publique euro­péenne donne un prix au quo­ta de CO2 – envi­ron 15 € la tonne en mars 2011 – et donc une inci­ta­tion à réduire les émis­sions, mais ne touche aujourd’­hui que très mar­gi­na­le­ment le sec­teur de la chi­mie : les ins­tal­la­tions cou­vertes au niveau euro­péen dans le sec­teur sont les ins­tal­la­tions de com­bus­tion de plus de 20 MW et les raf­fi­ne­ries. Quelques pays ont par ailleurs inclus de façon uni­la­té­rale des ins­tal­la­tions émet­trices de N2O.

Au niveau inter­na­tio­nal, le pro­to­cole de Kyo­to a mis en place deux méca­nismes qui per­mettent à des opé­ra­teurs rédui­sant leurs émis­sions de béné­fi­cier de « cré­dits car­bone » valo­ri­sables sur le sys­tème euro­péen de quo­tas négo­ciables. Ces méca­nismes dits » de pro­jet « 2 per­mettent à une entre­prise de finan­cer une par­tie de ses efforts de réduc­tion des émis­sions. L’es­sen­tiel des réduc­tions d’é­mis­sions géné­rées par ces pro­jets pro­vient des indus­tries chi­miques, et devrait pro­duire jus­qu’en 2012, pour le sec­teur des réduc­tions d’é­mis­sions, 855 Mt d’é­qui­valent CO2 (voir figure 3), soit un reve­nu de l’ordre de 13 mil­lions d’euros.

Les enjeux pour l’après 2013

À par­tir de 2013, le pano­ra­ma bros­sé ci-des­sus chan­ge­ra substantiellement.

L’é­mis­sion d’une tonne de N2O cor­res­pond à l’é­mis­sion de 310 tonnes de CO2

D’une part, cer­tains sous-sec­teurs de la chi­mie, et en par­ti­cu­lier les ins­tal­la­tions euro­péennes de pro­duc­tion d’a­cide adi­pique et d’a­cide nitrique, seront inclus dans le sys­tème d’é­change de quo­tas. L’en­jeu pour ces sous­sec­teurs est aujourd’­hui, après avoir négo­cié leur dota­tion ini­tiale de quo­tas, d’a­mé­lio­rer leurs tech­no­lo­gies pour réduire leurs émis­sions. Par ailleurs, les « cré­dits car­bone » issus de réduc­tion d’é­mis­sions de N2O liées à la pro­duc­tion de l’a­cide adi­pique et de HFC 23 ne seront plus valo­ri­sables sur le sys­tème euro­péen de quo­tas négo­ciables. Il fau­dra donc trou­ver de nou­velles pistes de réduc­tion (nou­veaux pro­cé­dés, recy­clage chi­mique du CO2, effi­cience énergétique).

Il fau­dra trou­ver de nou­veaux leviers pour inci­ter à réduire les émissions

Il fau­dra éga­le­ment trou­ver des nou­veaux leviers de finan­ce­ment pour inci­ter à réduire les émis­sions. C’est l’un des enjeux des négo­cia­tions cli­ma­tiques inter­na­tio­nales, ryth­mées par les confé­rences de l’O­NU comme celles de Copen­hague en décembre 2009 et de Can­cun en décembre 2010. Par­mi les options sur la table : un accord mon­dial qui cou­vri­rait l’en­semble du sec­teur de la chi­mie. Au vu de la diver­si­té des pro­duits de l’in­dus­trie chi­mique, le pro­gramme est ambi­tieux. Autre option, plus vrai­sem­blable : l’é­mer­gence dans dif­fé­rentes régions du monde de sys­tèmes de quo­tas négociables.

1. Pour pou­voir com­pa­rer les dif­fé­rents GES, on uti­lise un éta­lon, » l’é­qui­valent CO2 « , qui per­met de com­pa­rer le pou­voir de réchauf­fe­ment d’un GES don­né à celui de la même masse de CO2.

2. Le « méca­nisme pour un déve­lop­pe­ment propre » concerne les réduc­tions d’é­mis­sions dans les pays en déve­lop­pe­ment ; la » mise en œuvre conjointe » concerne les réduc­tions d’é­mis­sions dans les pays développés.

Pour en savoir plus :

Les publi­ca­tions de CDC Cli­mat Recherche : www.cdcclimat.com

Club Ten­dances Car­bone : www.cdcclimat.com/Le-Club-Tendances-Carbone.html

Figure 1

La chi­mie, sec­teur émet­teur de GES

La chi­mie ne contri­bue qu’à 3 % des émis­sions euro­péennes de GES. En ajou­tant le sec­teur du raf­fi­nage et de la pétro­chi­mie, on atteint 6 % des émis­sions européennes.
Source : CCNUCC, don­nées de 2008.
Figure 2

Les pro­cé­dés émet­teurs de GES dans l’in­dus­trie de la chimie

Le sec­teur de la chi­mie – hors pétro­chi­mie, émet­trice de CO2 – émet essen­tiel­le­ment du N2O, des HFC et des PFC, à tra­vers un petit nombre de procédés.
Source : CCNUCC, don­nées de 2008.
Figure 3

Cré­dits car­bone géné­rés par les dif­fé­rents sec­teurs dans le cadre du pro­to­cole de Kyo­to (en mil­lions de tonnes d’é­qui­valent CO2)

La chi­mie béné­fi­cie aujourd’­hui des méca­nismes du pro­to­cole de Kyo­to : 23 % des réduc­tions géné­rées par ces méca­nismes jus­qu’en 2012 devraient l’être via des pro­cé­dés chi­miques, essen­tiel­le­ment la réduc­tion d’é­mis­sions de N2O et de HFC (res­pec­ti­ve­ment 356 et 484 mil­lions de tonnes d’é­qui­valent CO2).
Source : UNEP Risoe, 2011.

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