BEI ingénieurs

La BEI, une banque d’ingénieurs au service des priorités de l’UE

Dossier : La Haute fonction publique de l'ÉtatMagazine N°776 Juin 2022
Par Ambroise FAYOLLE (ENA91)

En rela­tion avec notre dossier relatif à la haute fonc­tion publique, voici un exem­ple mon­trant le rôle que les ingénieurs peu­vent jouer dans un domaine où on ne les attendrait pas néces­saire­ment : celui de la banque européenne d’investissement (BEI), au ser­vice des poli­tiques de développe­ment au niveau européen, qui a besoin de hautes com­pé­tences pour financer la tran­si­tion énergé­tique ain­si que l’innovation dans des secteurs indus­trielles stratégiques.

Du finance­ment d’éoliennes flot­tantes au large du Por­tu­gal, au prêt à l’entreprise famil­iale Flo­ri­mond Desprez dans les Hauts-de-France pour ses recherch­es de semences résis­tantes au change­ment cli­ma­tique, en pas­sant par le sou­tien à la grande cen­trale d’énergie solaire de Ouarza­zate au Maroc, les pro­jets financés par la Banque européenne d’investissement (BEI) se car­ac­térisent par leur diver­sité. Toutes ces opéra­tions récentes ont néan­moins un point com­mun : l’importance jouée dans cha­cun de ces dossiers par les équipes d’ingénieurs de la BEI. En tant qu’institution de finance­ment de l’Union européenne, la BEI sou­tient des pro­jets favorisant les pri­or­ités et les objec­tifs de l’Union. À l’objectif his­torique de développe­ment et de cohé­sion économiques au sein de l’UE se sont pro­gres­sive­ment ajoutées d’autres pri­or­ités, comme la lutte con­tre le change­ment cli­ma­tique, l’amélioration de la san­té, le ren­force­ment de l’autonomie stratégique de l’Europe ou encore le sou­tien au développe­ment des pays émer­gents, par­ti­c­ulière­ment sur le con­ti­nent africain. Pour répon­dre à ces mul­ti­ples défis, la BEI s’appuie sur des équipes haute­ment qual­i­fiées, où les ingénieurs ont une place absol­u­ment cen­trale, au côté d’économistes, de financiers… La volon­té de la BEI de ren­forcer son action en faveur du cli­mat et de l’innovation tend à accroître encore la place des ingénieurs en son sein.

La BEI allie à la dimension commerciale une approche technique

La BEI s’appuie sur un vaste réseau d’ingénieurs, essen­tielle­ment au siège de la banque à Lux­em­bourg, mais aus­si dans ses mul­ti­ples bureaux extérieurs, pour iden­ti­fi­er les pro­jets à financer, men­er la phase d’instruction et super­vis­er leur mise en œuvre. Cette dimen­sion com­mer­ciale alliée à une approche tech­nique la dis­tingue des autres insti­tu­tions de finance­ment et lui vaut d’être sou­vent con­sid­érée comme une banque d’ingénieurs. Les ingénieurs de la BEI doivent faire preuve de poly­va­lence, pour tenir compte de la var­iété non seule­ment des acteurs soutenus par la BEI (col­lec­tiv­ités publiques, grandes entre­pris­es, PME, start-up, etc.) mais aus­si du degré de tech­nic­ité des pro­jets. Ils se doivent d’avoir une com­préhen­sion glob­ale d’un pro­jet, qui ne se résume pas à ses aspects tech­niques : la dimen­sion insti­tu­tion­nelle, l’éligibilité du pro­jet vis-à-vis des poli­tiques de prêts de la BEI, le mon­tage financier ou les impli­ca­tions sociales et envi­ron­nemen­tales sont autant de paramètres à pren­dre en con­sid­éra­tion, qui dessi­nent le por­trait d’un ingénieur au pro­fil plutôt général­iste et multidisciplinaire.


Repères

Le groupe BEI, com­posé de la BEI (banque européenne d’investissement) et du FEI (fonds européen d’investissement), sa fil­iale dédiée au finance­ment des PME, a signé en 2021 un mon­tant de 95 mil­liards d’euros de finance­ment, dont 13,9 mil­liards en France, un record. Ce vol­ume d’activité résulte des prêts, garanties et investisse­ments en fonds pro­pres que la BEI et le FEI accor­dent en direct ou par le biais d’intermédiaires ban­caires, tels que Bpifrance et la Caisse des dépôts et consigna­tions. L’avantage com­para­tif de la BEI, par rap­port à une banque com­mer­ciale, tient notam­ment à sa capac­ité à accorder des vol­umes de prêts impor­tants, sur des matu­rités longues et à des tar­ifs avan­tageux (sa nota­tion AAA lui per­me­t­tant d’emprunter aux meilleures con­di­tions de marché). La Banque se dis­tingue aus­si par la var­iété de ses offres de finance­ment, conçues pour s’ajuster pré­cisé­ment aux besoins de ses clients.


L’expertise technique de ses ingénieurs, une plus-value de la BEI 

Au-delà des avan­tages qu’elle four­nit sur le plan financier, l’expertise de ses ingénieurs per­met à la BEI d’apporter une plus-val­ue sur le plan tech­nique. Cela se man­i­feste par une assis­tance et des con­seils tout au long de la pré­pa­ra­tion et de la mise en œuvre des pro­jets. Les recom­man­da­tions pro­posées sont nour­ries par la con­nais­sance qu’ont les ingénieurs de la BEI de pro­jets com­pa­ra­bles financés au sein de l’Union européenne ou en dehors. La struc­tura­tion des équipes par grands secteurs d’activité (énergie, envi­ron­nement, trans­port, inno­va­tion, etc.), et non par pays, leur per­met en effet d’acquérir une vision glob­ale des ten­dances et bonnes pra­tiques de leur domaine de spécialité.

L’exigence et la rigueur démon­trées par les ingénieurs de la BEI lors de la phase d’instruction poussent les por­teurs de pro­jets, quelle que soit leur taille ou leur nature (publique ou privée), à éprou­ver la robustesse de leurs choix tech­nologiques. Les équipes de Flo­ri­mond Desprez, leader européen dans le domaine des semences, l’ont claire­ment exprimé lors de la sig­na­ture du prêt dont l’entreprise a béné­fi­cié en 2022 pour financer ses activ­ités de R & D : l’analyse réal­isée par les ingénieurs de la BEI leur est apparue comme une mise à l’épreuve par­ti­c­ulière­ment stim­u­lante, qui a influé pos­i­tive­ment sur la con­cep­tion de leur pro­jet. Dès lors, le fait de se con­former à ces critères exigeants et d’obtenir un finance­ment BEI s’apparente à un label de qual­ité, qui ren­force la crédi­bil­ité du pro­jet et génère un fort effet d’entraînement auprès des investis­seurs privés.

Le soutien à l’innovation de la BEI

Au-delà de sa capac­ité à apporter des finance­ments volu­mineux, notam­ment pour les grands pro­jets d’infrastructure, la BEI tend aujourd’hui à soutenir des pro­jets de plus faible enver­gure, plus inno­vants mais aus­si plus risqués. En 2021, l’innovation a représen­té près d’un quart des finance­ments du groupe BEI en France. Cela con­cerne de grandes entre­pris­es, l’équipementier auto­mo­bile Valeo ayant par exem­ple béné­fi­cié d’un prêt pour ses dépens­es de R & D dans la sécu­rité des véhicules, mais aus­si des start-up, à l’instar de l’entreprise toulou­saine Alteia qui a dévelop­pé, grâce aux finance­ments de la BEI, une solu­tion fondée sur l’intelligence arti­fi­cielle pour exploiter les images cap­tées par drone et satel­lite. L’expertise des ser­vices de la Banque est alors essen­tielle non seule­ment pour éval­uer le degré de matu­rité d’un pro­jet spé­ci­fique, mais aus­si pour iden­ti­fi­er les secteurs les plus inno­vants et les plus promet­teurs dans lesquels la BEI gag­n­erait à inten­si­fi­er ses investissements.

1 000 milliards d’euros de financements en faveur du climat sur 10 ans

En out­re, pour par­venir à s’affirmer comme la banque européenne du cli­mat, la BEI doit pou­voir s’appuyer sur une solide exper­tise dans le domaine de l’énergie, des trans­ports ou du développe­ment urbain. En cohérence avec les Accords de Paris, la BEI s’est engagée à con­tribuer à la mobil­i­sa­tion de 1 000 mil­liards d’euros de finance­ments en faveur du cli­mat et de l’environnement sur la décen­nie cru­ciale 2021–2030, et à porter la part de ses finance­ments verts à au moins 50 % d’ici 2025. En 2021, ce pour­cent­age s’est élevé à 43 % pour le groupe BEI, mais il est supérieur dans cer­tains pays, comme en France où plus des deux tiers du vol­ume de prêts ont été con­sacrés au finance­ment des éner­gies renou­ve­lables, au verdisse­ment de l’industrie, à l’amélioration de l’efficacité énergé­tique des bâti­ments, au développe­ment des mobil­ités durables ou encore à la réduc­tion des déchets plastiques.

Le besoin en ingénieurs qualifiés sur les thématiques environnementales

Davan­tage encore que le vol­ume de nos finance­ments verts, nous sommes atten­tifs à leur car­ac­tère inno­vant. En témoigne l’appui financier dont ont par exem­ple béné­fi­cié la start-up Car­bios pour sa solu­tion de recy­clage à 100 % des déchets plas­tiques ou le groupe Avril pour ses recherch­es en matière de pro­téines végé­tales. L’exemple de la tran­si­tion énergé­tique illus­tre aus­si par­faite­ment le rôle clef que l’innovation est sus­cep­ti­ble de jouer dans la réponse au défi cli­ma­tique. La BEI finance d’ores et déjà des pro­jets dans le secteur de l’hydrogène vert ou de l’éolien, notam­ment pour favoris­er l’essor des éoli­ennes flot­tantes. Mais d’autres sources d’énergie, comme le solaire, sont en pleine muta­tion et il sera essen­tiel de dis­pos­er d’ingénieurs haute­ment qual­i­fiés pour appréhen­der, par exem­ple, le fonc­tion­nement des cel­lules à hétéro­jonc­tion ou en pérovskites et éval­uer la per­ti­nence d’en financer le développement.

L’expertise tech­nique et sci­en­tifique est en out­re néces­saire pour accom­pa­g­n­er les con­trepar­ties de la BEI dans leurs efforts de verdisse­ment. Les acteurs publics, à l’instar des col­lec­tiv­ités locales, peu­vent béné­fici­er d’un accom­pa­g­ne­ment de la BEI via dif­férents out­ils. Le mécan­isme européen d’assistance tech­nique pour les pro­jets énergé­tiques locaux en est un, dont a béné­fi­cié récem­ment la com­mu­nauté d’agglomération du Pays basque. L’initiative d’assistance à l’investissement urbain en est un autre, grâce auquel la BEI accom­pa­gne, depuis jan­vi­er 2021 et en parte­nar­i­at avec la Banque des ter­ri­toires, 25 villes français­es dans la mise en œuvre de leurs pro­jets d’adaptation au change­ment cli­ma­tique. Les acteurs privés sont aus­si con­cernés, depuis que la BEI s’est engagée, lors de la COP 26 à Glas­gow, à apporter une assis­tance tech­nique à ceux de ses emprun­teurs qui ont amor­cé leur tran­si­tion écologique, afin de les aider à se met­tre en con­for­mité avec les Accords de Paris.

La nécessité d’une expertise en medtech et en technologies de pointe

La BEI a fait de la san­té un objec­tif à part entière. En France, par exem­ple, le mon­tant des investisse­ments en faveur des medtech, ces tech­nolo­gies inno­vantes appliquées au monde médi­cal, a forte­ment aug­men­té sur l’année 2021. La BEI a notam­ment financé plusieurs spé­cial­istes de la robo­t­ique chirur­gi­cale comme Robo­cath (robo­t­ique vas­cu­laire) ou Car­mat (cœur arti­fi­ciel), autant de pro­jets qui impliquent une maîtrise appro­fondie du secteur et appel­lent un recrute­ment de spé­cial­istes con­fir­més. De même, la BEI est amenée, pour con­tribuer à l’autonomie stratégique de l’UE, à inve­stir de plus en plus dans des secteurs tech­nologiques de pointe, comme les semi-con­duc­teurs ou les bat­ter­ies. Dans ce secteur, l’expertise de nos ingénieurs sera fon­da­men­tale pour éval­uer l’opportunité de soutenir le développe­ment de tel pro­jet de bat­ter­ies lithi­um-ion à élec­trolyte solide ou tel autre fondé sur la tech­nolo­gie sodi­um-ion, pour ne citer que quelques-unes des tech­nolo­gies actuelle­ment en cours de développement.

L’expertise technique de la BEI hors de l’Union européenne, en particulier en Afrique.

Alors que les finance­ments hors UE représen­tent env­i­ron 10 % de l’activité du groupe BEI, l’objectif est d’accroître l’impact de notre action en appui des Objec­tifs de développe­ment durable. La créa­tion, début 2022, de la branche BEI Monde et la mise en place de pôles régionaux dans cer­tains de nos bureaux hors de l’UE, en com­mençant par Nairo­bi au Kenya, sont les pre­miers jalons de cette stratégie. L’offre de la BEI dans les pays en développe­ment est une offre glob­ale, qui con­jugue apport de finance­ments et assis­tance tech­nique. Ce type d’accompagnement fait par­ti­c­ulière­ment sens pour le déploiement d’infrastructures et, de plus en plus, pour la lutte con­tre le change­ment cli­ma­tique. Avec le pro­gramme City Cli­mate Finance Gap Fund, qu’elle a créé en 2020, la BEI aide par exem­ple les villes des pays en développe­ment, en Afrique, en Asie et en Amérique latine, à plan­i­fi­er et met­tre en œuvre leurs pro­jets d’aménagement urbain résilients (mobil­ité durable, ges­tion de l’eau, val­ori­sa­tion des déchets, réseaux d’énergie, etc.). Ces per­spec­tives d’évolution appel­lent un ren­force­ment con­stant des capac­ités d’analyse tech­nique de la BEI, qui en font un pôle d’attractivité naturel pour tout ingénieur dis­posant d’une exper­tise ou d’une expéri­ence dans les secteurs pri­or­i­taires de l’UE.

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