Marie-Agnès Vibert-Poinsot, dessin Laurent Simon

Marie-Agnès Vibert-Poinsot (85), servir la nation

Dossier : TrajectoiresMagazine N°760 Décembre 2020
Par Pierre LASZLO

Les orig­ines lor­raines et famil­iales – elle naquit à Creutzwald en Moselle – de Marie-Agnès Vib­ert-Poinsot lui lais­sèrent un attache­ment à la terre et à l’agriculture, qui déter­mi­na sans doute sa car­rière : « Le cli­mat, la végé­ta­tion, chaque aspect, les plus hum­bles influ­ences de notre pays natal nous révè­lent et nous com­man­dent notre des­tin pro­pre. » Barrès

Une saga polytechnicienne

Son père Michel Poinsot (50), ingénieur des Mines de Nan­cy, tra­vail­la dans les houil­lères du bassin de Lor­raine, puis se recon­ver­tit dans l’immobilier social à la SCIC (société immo­bil­ière de la Caisse des dépôts). Il épousa Maryse Drou­et, au père agricul­teur, d’un vil­lage voisin du sien. Marie-Agnès est la troisième de qua­tre enfants, tous sci­en­tifiques. Sa sœur aînée Odile, pro­fesseure de math­é­ma­tiques, épousa Olivi­er Meyruey (78). Ils sont les par­ents de qua­tre enfants, dont 3 X (Clé­mence X‑IPEF, Éti­enne et Pierre-Yves) et une Agro (Sabine, IPEF).

Marie-Agnès épousa Lau­rent Vib­ert, ingénieur de recherche en astro­physique avec un doc­tor­at en physique des par­tic­ules. Leurs trois enfants sont eux aus­si des sci­en­tifiques. L’aînée, Car­o­line Vib­ert (2016), démarre une thèse de doc­tor­at en physique des matéri­aux à l’Andra (l’Agence nationale pour la ges­tion des déchets radioac­t­ifs). La sec­onde, Béa­trice, est à Chimie Paris­Tech et le dernier, Nico­las, entre en prépa.

Comme Marie-Agnès me l’exprima, avec la mod­estie et l’intériorité qui lui sont pro­pres, « une saga famil­iale poly­tech­ni­ci­enne, mais atyp­ique dans le sens où je n’ai jamais eu l’esprit de corps, sans doute pas assez. Et mon ambi­tion se lim­ite au fait de faire avancer les dossiers le mieux pos­si­ble aux dif­férents postes que j’occupe. »

L’attrait de la chimie

Après le sec­ondaire au lycée La Bruyère à Ver­sailles, elle fit sa pré­pa à Ginette : « La pureté des démon­stra­tions math­é­ma­tiques, l’algèbre vue comme un jeu, la recherche des méth­odes les plus élé­gantes étaient un vrai plaisir. » Un intérêt pour la chimie s’accentua en pré­pa, puis se dévelop­pa à l’X. Son stage d’option se fit à l’École poly­tech­nique fédérale de Zurich. Elle y syn­théti­sa des ana­logues de frag­ments de divers ARN, dans une per­spec­tive – restée actuelle – de lutte antivi­rale. Loin d’appliquer à cha­cune de ces pré­pa­ra­tions des recettes toutes faites, elle analysa à chaque fois le prob­lème et lui don­na une solu­tion réfléchie.

Ayant choisi le corps de l’Engref, Marie-Agnès Vib­ert-Poinsot pas­sa la sec­onde année à Berke­ley (mas­ter d’économie agri­cole) où sa facil­ité en économétrie impres­sion­na ; ain­si que son choix de car­rière : « Stu­peur des pro­fesseurs améri­cains, quand j’ai refusé la bourse de thèse qu’ils m’offraient, pour ren­tr­er en France dans l’administration. »

L’engagement au service du pays

Je suis témoin de son engage­ment et de ses dons de chercheuse en chimie, sa matière préférée. Qu’elle ait choisi de se met­tre au ser­vice de la nation plutôt que de la com­mu­nauté sci­en­tifique fut de sa part un choix éthique, autant qu’un engage­ment spon­tané, de grat­i­tude pour les études de haut niveau dont elle fut gratifiée.

D’où vingt-neuf ans d’expérience pro­fes­sion­nelle au ser­vice du min­istère de l’Agriculture, en ser­vice décon­cen­tré, en admin­is­tra­tion cen­trale et à l’étranger, dont trois postes de sous-direc­trice avant d’être nom­mée cheffe de ser­vice. À présent ingénieure générale des Ponts, des Eaux et des Forêts, elle dirige le ser­vice gou­ver­nance et ges­tion de la poli­tique agri­cole com­mune (PAC) à la direc­tion générale de la per­for­mance économique et envi­ron­nemen­tale des entre­pris­es (DGPE) (80 agents).

“Servir la nation plutôt que
la communauté scientifique : un choix éthique”

« J’ai par­ticipé aux négo­ci­a­tions pour l’entrée des pays d’Europe cen­trale et ori­en­tale dans l’UE. Les acteurs de l’agroalimentaire français craig­naient la con­cur­rence déloyale, comme ils avaient craint un peu plus tôt l’entrée de l’Espagne. J’ai mis fin pour la France au sys­tème agri­moné­taire, sys­tème très com­plexe qui con­sis­tait à com­penser les écarts de taux de change entre l’écu, mon­naie dans laque­lle cer­tains mon­tants étaient fixés au niveau européen, et les mon­naies des États mem­bres. J’ai par­ticipé aux négo­ci­a­tions du cadre financier pluri­an­nuel, qui fixe les mon­tants disponibles pour la poli­tique agri­cole com­mune, et la part qui revient à la France. »

« En tant que cheffe du ser­vice gou­ver­nance et ges­tion de la PAC à la DGPE, je suis respon­s­able de la bonne mise en œuvre de la PAC en France : accom­pa­g­ne­ment des exploita­tions agri­coles pour favoris­er un mod­èle agri­cole per­for­mant, respectueux de l’environnement, appui au développe­ment rur­al… 9 mil­liards d’euros de bud­get européen y sont con­sacrés chaque année, aux­quels vien­nent s’ajouter deux mil­liards de crédits nationaux, ain­si que des dépens­es fis­cales et sociales. »

Servir notre pays fut le choix de Marie-Agnès Vib­ert-Poinsot ; elle y excelle.

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