Kimialys : Des diagnostics plus fiables et accessibles, grâce à la chimie !

Dossier : Health techMagazine N°773 Mars 2022
Par Claude NOGUES
Par Cyril GILBERT

Claude Nogues, Direc­trice Sci­en­tifique, et Cyril Gilbert, CEO de Kimialys, répon­dent à nos ques­tions sur cette start-up française inno­vante qui trans­forme le monde du diag­nos­tic au ser­vice d’une meilleure fia­bil­ité et acces­si­bil­ité. Rencontre.

Quelle est la genèse de Kimialys ?

Claude Nogues : Kimialys s’appuie sur plus de dix années de recherche appliquée que j’ai menées avec mon équipe au Lab­o­ra­toire de Biolo­gie et Phar­ma­colo­gie Appliquée (LBPA) de l’ENS Paris-Saclay/C­NRS. S’en est suiv­ie une phase de mat­u­ra­tion à la SATT Paris-Saclay, entre 2017 et 2019, qui a per­mis de démon­tr­er le poten­tiel économique et le car­ac­tère indus­tri­al­is­able de la tech­nolo­gie (sta­bil­ité, répéta­bil­ité, repro­ductibil­ité). Afin de me con­cen­tr­er sur la dimen­sion sci­en­tifique de la future société (R&D, inno­va­tion), j’ai cher­ché un asso­cié pour pren­dre les rênes de la par­tie busi­ness. Début 2020, j’ai ain­si ren­con­tré Cyril grâce à l’association Find­Y­our­Co­founder, qui favorise les ren­con­tres entre les por­teurs de pro­jets à forte com­posante tech­nologique et des per­son­nes aux pro­fils com­plé­men­taires. Après six mois de tra­vail en com­mun sur dif­férents appels à pro­jets, la société Kimialys a finale­ment vu le jour en octo­bre 2020.

Aujourd’hui, l’ambition de Kimialys est de rendre les tests de diagnostic rapide fiables et accessibles au plus grand nombre. Pourquoi ? Quels sont les manques à ce niveau ? 

Cyril Gilbert : Notre ambi­tion est même plus large : repouss­er les lim­ites exis­tantes des bio­cap­teurs (diag­nos­tics, analy­ses in vit­ro) et ouvrir la voie au développe­ment de nou­velles appli­ca­tions en san­té humaine. Aujourd’hui de nom­breux cap­teurs biologiques reposent sur le principe suiv­ant : une bio­molécule (appelée lig­and) est fixée sur une sur­face et a pour rôle de cap­tur­er une molécule d’intérêt (cible). On peut aisé­ment com­pren­dre les deux points faibles d’un tel système :

  • sans con­trôle du lig­and en sur­face, l’efficacité de cap­ture de la cible en sur­face reste aléa­toire, ce qui dimin­ue la sen­si­bil­ité de détection ;
  • sans pro­tec­tion de la sur­face du cap­teur, des inter­ac­tions peu­vent sur­venir entre celui-ci et des molécules non ciblées, ce qui dimin­ue la spé­ci­ficité de détec­tion. Ce con­stat est d’autant plus vrai que le milieu biologique est com­plexe (échan­til­lon de sang ou de salive par exemple).

Les développeurs de tests diag­nos­tiques, et notam­ment de tests rapi­des, sont con­fron­tés à cette dou­ble équa­tion : opti­miser à la fois la sen­si­bil­ité et la spé­ci­ficité en milieu com­plexe. La solu­tion opti­male théorique est con­nue, mais dif­fi­cile à attein­dre en pra­tique : un traite­ment chim­ique qui per­met de con­trôler le lig­and tout en pro­tégeant la sur­face con­tre les inter­ac­tions non spé­ci­fiques, et ce dans n’importe quel milieu biologique. C’est juste­ment ce que pro­pose Kimialys.

Dans ce cadre, quelle est votre démarche ? 

C.N : Nous avons mis au point un pro­to­cole de traite­ment des bio­cap­teurs, qui per­met de con­trôler l’orientation, la den­sité et la répar­ti­tion des lig­ands en sur­face, tout en pro­tégeant de manière opti­male le reste de la surface.

Ce pro­to­cole breveté engen­dre un gain en sen­si­bil­ité pou­vant excéder un fac­teur 10, et per­met de réalis­er des détec­tions en milieu com­plexe là où l’état de l’art des bio­cap­teurs échoue. Par ailleurs, notre traite­ment de sur­face per­met de divis­er par deux la quan­tité de lig­ands néces­saires – un avan­tage non nég­lige­able pour le développe­ment et la pro­duc­tion de cer­tains tests diag­nos­tiques où les lig­ands représen­tent le prin­ci­pal coût de fabrication.

Quelles sont les perspectives qui découlent de vos travaux ? 

C.G : Les per­spec­tives à la fois de dif­fu­sion de notre tech­nolo­gie et d’impact en san­té humaine sont très larges, grâce à la ver­sa­til­ité de notre inno­va­tion, qui s’applique aus­si bien sur des bio­cap­teurs plans (puces, élec­trodes) que sphériques (nanopar­tic­ules).

Si notre tech­nolo­gie est aujourd’hui fonc­tion­nelle sur l’or, matéri­au très util­isé dans l’industrie du diag­nos­tic, son trans­fert sur d’autres matéri­aux (verre, mag­nétite, etc.) per­me­t­tra d’ouvrir de nou­veaux champs d’applications et d’assurer autant de relais de crois­sance à moyen et long termes.

Non seule­ment nous améliorons l’existant, en opti­misant aujourd’hui notre tech­nolo­gie pour les tests rapi­des (tests ban­delettes), point-of-care (au chevet du patient) ou pré-clin­iques (analy­ses biologiques in vit­ro) ; mais nous col­laborons égale­ment avec dif­férents parte­naires sur le développe­ment de méth­odes inno­vantes de détec­tion biologique qui s’appuient sur notre inno­va­tion. Notre tra­vail a donc une dou­ble portée : fournir notre tech­nolo­gie au plus grand nom­bre tout en étant asso­ciés au développe­ment de tests inno­vants et à forte valeur ajoutée.

Aujourd’hui où en êtes-vous ? 

C.G : Kimialys est une équipe de huit per­son­nes, dont cinq femmes doc­teures, expertes en physi­co-chimie appliquée à la bio-détec­tion. Notre lab­o­ra­toire est situé à l’École nor­male supérieure de Paris-Saclay, ce qui nous per­met de garder un lien solide avec l’excellence sci­en­tifique tout en prof­i­tant de la forte dynamique indus­trielle à l’œuvre sur le Plateau. Les avan­tages de notre tech­nolo­gie ayant été démon­trés sur de mul­ti­ples cas d’usage, deux types de clients nous font aujourd’hui confiance :

  • Les développeurs de tests de diag­nos­tiques rapi­des et tests point-of-care, cher­chant à amélior­er la sen­si­bil­ité et la repro­ductibil­ité de leurs tests en milieu biologique complexe ;
  • Les lab­o­ra­toires phar­ma­ceu­tiques et sociétés de recherche sous con­trat réal­isant des analy­ses in vit­ro d’interactions bio­molécu­laires, ren­con­trant prin­ci­pale­ment des prob­lèmes de spé­ci­ficité (bruit de fond) avec leurs biop­uces actuelles.
  • Nous pro­duisons nos pro­pres nanopar­tic­ules d’or, traitées avec notre chimie de sur­face brevetée et prêtes à l’emploi. L’enjeu actuel est d’en assur­er une pro­duc­tion de grade indus­triel, en vol­ume et qual­ité, pour per­me­t­tre leur inté­gra­tion dans les tests de nos clients. Nous réal­isons égale­ment le traite­ment de sur­faces planes (biop­uces, élec­trodes) dans le cadre de presta­tions de service. 
  • Au-delà de cette offre, nous codévelop­pons des tests de diag­nos­tics et détec­tion biologique inno­vants, en col­lab­o­ra­tion avec des parte­naires experts en biolo­gie médi­cale et instru­men­ta­tion. Dans ce cadre, nous nous posi­tion­nons sur trois pro­jets moyen et long ter­mes stratégiques pour la fil­ière san­té en France : 
  • Un test de détec­tion des anti­corps neu­tral­isants générés chez les patients traités par immunothérapie, en parte­nar­i­at avec l’Institut Gus­tave Roussy et l’Université Paris-Saclay ;
  • Un test de diag­nos­tic rapi­de et nomade, dévelop­pé sur SARS-CoV­‑2 mais ayant voca­tion à pou­voir être adap­té à tout type de mal­adie infec­tieuse, en parte­nar­i­at avec l’ENS Paris-Saclay et le CEA ;
  • Un sys­tème de con­trôle qual­ité en temps-réel et en ligne pour la pro­duc­tion de thérapies cel­lu­laires, en parte­nar­i­at avec la société Phase­Lab, le lab­o­ra­toire LRGP et le CHRU de Nancy.

Ces trois pro­jets, qui s’appuient sur notre tech­nolo­gie unique, béné­fi­cient du sou­tien de Bpifrance et du Secré­tari­at général pour l’investissement à hau­teur de 1,3 m€ sur les trois prochaines années.

Quelles sont les prochaines étapes ? 

C.G : Kimialys s’attaque à un dou­ble défi en 2022 : 

  • Réalis­er une lev­ée de fonds d’amorçage de 1,0 m€ durant le sec­ond trimestre, pour financer et accélér­er la mise à l’échelle de notre tech­nolo­gie d’ici fin 2023 ;
  • Déploy­er notre tech­nolo­gie auprès de développeurs de tests rapi­des, point-of-care et lab­o­ra­toires phar­ma­ceu­tiques, dont la demande crois­sante néces­site juste­ment que nous pas­sions rapi­de­ment à une pro­duc­tion de vol­ume industriel.

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