John Adams : Nixon in China

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°707 Septembre 2015Par : le Metropolitan Opera, New York, mise en scène Peter Sellars, direction John AdamsRédacteur : Marc DARMON (83)Editeur : 1 DVD ou 1 Blu-Ray Nonesuch

C’était il y a trente ans. La créa­tion d’un opé­ra poli­tique de trois jeunes rebelles, qui allait deve­nir l’opéra amé­ri­cain le plus impor­tant des trente der­nières années, qui allait lan­cer la car­rière, et le style, de John Adams et de Peter Sel­lars, être repris dans le monde entier, chose excep­tion­nelle pour un opé­ra contem­po­rain, et ter­mi­ner en apo­théose au temple de l’opéra, au Metro­po­li­tan Ope­ra de New York, sous la direc­tion du com­po­si­teur, en dif­fu­sion simul­ta­née dans les ciné­mas du monde entier.

On se sou­vient de l’événement à l’origine du livret de la poé­tesse Alice Good­man, un des évé­ne­ments qui ont fait l’histoire des cin­quante der­nières années au même titre que la chute du mur de Ber­lin ou le 11 sep­tembre 2001 : conseillé par Hen­ry Kis­sin­ger, Richard Nixon décide en 1972 de dés­équi­li­brer le tri­angle USA-URSS-Chine en réchauf­fant les rela­tions USA-Chine, et en ren­dant visite à Mao.

Le Timo­nier est déjà malade et assa­gi. Le livret en vers joue à loi­sir sur le choc des cultures et l’ambivalence des inté­rêts diver­gents de diri­geants (Mao et Nixon), de leurs conseillers (Kis­sin­ger et Chou En-lai) et de leurs épouses (l’élégante Pat Nixon et l’hystérique Mme Mao).

John Adams a une culture clas­sique. Pour son pre­mier opé­ra, il crée un style nou­veau et contem­po­rain (qui en fait n’évoluera plus beau­coup), mais reprend une forme clas­sique. Ain­si on retrouve les sté­réo­types de l’opéra : des chœurs et des airs, Mme Mao en sopra­no colo­ra­ture, comme la reine de la nuit, pour faire res­sor­tir son hys­té­rie, les per­son­nages pro­fonds et sérieux en bary­ton, et même un bal­let aux deux tiers de l’œuvre, comme dans le grand opé­ra fran­çais (Faust, les opé­ras de Meyer­beer, etc.).

L’appel à la paix de Nixon est qua­si du bel can­to. Le groupe des trois tra­duc­trices est une réfé­rence aux trois dames de La Flûte enchan­tée ou aux trois conseillers de Turan­dot.

La musique, répé­ti­tive, est acces­sible et superbe. Mais bien sûr il ne faut pas en attendre le même plai­sir « immé­diat » que dans Puc­ci­ni ou le bel can­to. Là il s’agit d’un spec­tacle total, où musique, livret et mise en scène (la même qu’à la créa­tion) sont indissociables.

En bonus, on retrouve les inter­views faites par le Met durant les entractes pour la télé­dif­fu­sion mon­diale. Entre autres, entre­tien pas­sion­nant avec Peter Sel­lars, au look tou­jours incroyable, avec le bary­ton James Mad­da­le­na, le même Nixon qu’à la création !

Si l’expérience vous a ten­té, et vous a plu, on vous conseille l’autre opé­ra évé­ne­ment de la même équipe Adams-Sel­lars-Good­man, La Mort de Klin­ghof­fer.

Klin­ghof­fer est l’otage juif assas­si­né lors de la prise d’otage de l’Achille Lau­ro. Même approche, même style, même effet. Il est dis­po­nible en vidéo dans un excellent film fait en 2003 pour la BBC (DECCA) tou­jours avec John Adams à la direction

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