GRIEG : Concerto pour piano-SAËNS : pour violon n°3

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°664 Avril 2011Par : Julia Fischer : Violon & PianoRédacteur : Marc Darmon (83)

On con­naît la jeune Julia Fis­ch­er comme une des toutes pre­mières vio­lonistes de sa généra­tion. On sait moins qu’elle est aus­si une pianiste de niveau inter­na­tion­al, ce que le pub­lic décou­vre grâce à ce disque événe­ment main­tenant disponible égale­ment en images grâce au DVD.

Coffret du DVD de Julia Fischer (violon et panio)Si on con­naît des pianistes (beau­coup) ou des vio­lonistes (moins) qui asso­cient des car­rières de soliste et de chef d’orchestre, si quelques vio­lonistes passent régulière­ment du vio­lon à l’alto, je n’ai pas sou­venir d’un enreg­istrement d’un artiste asso­ciant deux instru­ments aus­si dif­férents à un tel niveau de qual­ité artis­tique. Ce DVD est donc excep­tion­nel, réellement.

C’est après le gain du prix Menuhin, juste­ment avec le Con­cer­to de Saint- Saëns qu’on voit sur ce DVD, que cette jeune Alle­mande de moins de trente ans s’est ori­en­tée vers la car­rière de vio­loniste. Après déjà plus de quinze ans de car­rière, elle s’est dis­tin­guée par de nom­breux enreg­istrements très sou­vent primés. C’est en revanche en 2008 qu’elle se pro­duit pour la pre­mière fois comme pianiste, lors d’un con­cert à Franc­fort où elle joua le même soir les deux oeu­vres qui fig­urent sur ce DVD.

Le célèbre Con­cer­to de Grieg, en la mineur comme celui de Schu­mann, en trois mou­ve­ments lui aus­si, est un pili­er du réper­toire, com­posé en 1868.

En revanche le Troisième Con­cer­to pour vio­lon de Saint-Saëns est beau­coup moins con­nu, joué et enreg­istré. Naturelle­ment, le réper­toire des con­cer­tos pour vio­lon est plus restreint que celui des con­cer­tos pour piano (à titre d’exemple chez Beethoven et Mozart, il y a cinq fois moins de con­cer­tos pour vio­lon que pour piano). Ce réper­toire regorge pour­tant de vrais chefs‑d’œuvre mécon­nus, comme les Sec­ond et Troisième Con­cer­tos de Bruch qu’on ne joue jamais, ou les con­cer­tos de Saint-Saëns, dont le Troisième est toute­fois le plus célèbre.

Il est dif­fi­cile d’imaginer styles d’interprétation plus dif­férents que ce que nous mon­tre Julia Fis­ch­er dans ces deux oeu­vres roman­tiques. Sans l’image, ce serait dur de croire qu’il s’agit de la même artiste. Et même avec l’image, ce que l’on voit mon­tre en fait deux per­son­nal­ités très dif­férentes. La pianiste est très appliquée, avec un port du corps très droit et presque rigide, une tenue assez stricte, une tech­nique mod­èle, une vir­tu­osité, indis­pens­able dans Grieg, maîtrisée. La vio­loniste en revanche joue avec son corps, d’ailleurs dans une robe bien plus sen­suelle, avec une vir­tu­osité naturelle, un son superbe­ment col­oré, générant une émo­tion con­tin­ue. Ne nous méprenons pas, la per­for­mance pianis­tique est sans tache, et à niveau artis­tique inter­na­tion­al. Mais nous avons là une vio­loniste d’exception, qui réus­sit la prouesse d’une très bonne inter­pré­ta­tion au piano, et non le contraire.

La qual­ité du son est remar­quable, et toute la sen­su­al­ité, la couleur du vio­lon de Julia Fis­ch­er sont resti­tuées mag­nifique­ment. La réal­i­sa­tion est très intéres­sante, fine, var­iée, nous mon­trant bien les détails impor­tants, et à un rythme qui ne gêne pas l’écoute. L’image nous mon­tre un orchestre de jeunes (tous plus jeunes que la soliste, dirigés par l’excellent Matthias Pintsch­er, égale­ment com­pos­i­teur, qui a com­posé un con­cer­to pour Julia Fis­ch­er), et le pre­mier rang des vio­lons étant tenu par de jeunes femmes blondes égale­ment, nous voyons sou­vent à l’écran la soliste entourée d’autres vio­lonistes lui ressem­blant quelque peu, assez éton­nant. Et entre autres, le pre­mier vio­lon, une élève de Julia Fischer.

On l’a com­pris, pour le pro­gramme et l’événement excep­tion­nel que con­stitue cet enreg­istrement, nous le recom­man­dons chaudement.

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