C. GOUNOD : FAUST

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°663 Mars 2011Par : Angela Gheorghiu, Roberto Alagna. Mise en scène à Covent Garden de David McViccar. Direction Antonio PappanoRédacteur : Marc Darmon (83)

Faust de Goun­od est après Car­men l’opéra français le plus joué dans le monde. Vrai joy­au dans l’oeuvre de Goun­od dont les autres oeu­vres ne sont pra­tique­ment plus jouées. Le suc­cès de Faust tient à son inten­sité dra­ma­tique, avec une intrigue venue de Goethe bien plus riche que ce que l’on résume sou­vent, mais surtout à sa musique, qui rend excellem­ment les atmo­sphères (amour, côté satanique de Méphis­to) et qui est une suc­ces­sion impres­sion­nante de « tubes » : Ah, je ris de me voir si belle – Gloire immortelle de nos aïeux – Avant de quit­ter ces lieux – Salut, demeure chaste et pure – Le veau d’or est tou­jours debout – Anges purs, anges radieux.

Coffret du DVD de FaustOn ne sait ce qu’il faut van­ter le plus dans ce DVD, entre la dis­tri­b­u­tion incroy­able et idéale, et la mise en scène excep­tion­nelle de McVic­car, encore, dont décidé­ment la plu­part des pro­duc­tions sont à mar­quer d’une pierre blanche. Sou­venon­snous des Noces de Figaro et de Salomé, déjà à Covent Gar­den (La Jaune et la Rouge, n° 653, mai 2009).

Le cou­ple célèbre Alagna-Ghe­o­rghiu, à cette époque à leur apogée, est idéal en cou­ple Faust-Mar­guerite. Notre grand ténor Rober­to Alagna donne une grande leçon de chant et de dic­tion dans ses inter­ven­tions (un Salut, demeure chaste et pure à tomber). Angela Ghe­o­rghiu, pour une fois en blonde, nous génère des fris­sons en con­tinu pen­dant l’enchaînement de la Bal­lade du roi de Thulé et du célèbre Air des bijoux. Mais le reste de la dis­tri­b­u­tion est excep­tion­nel égale­ment : l’excellent Bryn Ter­fel en Méphis­to, notre mag­nifique Sophie Koch crevant l’écran en Siebel, Simon Keenly­side en émou­vant Valentin. Men­tion spé­ciale pour le Choeur de Covent Gar­den très présent, et la direc­tion dynamique d’Antonio Pap­pano un des tout meilleurs chefs lyriques actuels. Et naturelle­ment félici­tons l’ensemble des chanteurs pour leur français impec­ca­ble, con­tinû­ment intel­li­gi­ble, qui nous donne le plaisir de pou­voir nous pass­er par­faite­ment de sous-titres.

Mais l’opéra c’est aus­si du théâtre, et ici on peut être enchan­té. La mise en scène de McVic­car est per­pétuelle­ment inven­tive, vir­tu­ose et riche, il s’y passe tou­jours quelque chose d’intéressant et de cap­ti­vant. Citons à titre d’exemple le grand bal­let du dernier acte (La nuit de Walpur­gis), d’habitude un pas­sage con­venu issu d’une tra­di­tion du XIXe siè­cle bien vieil­lie, et qui représente ici un rêve de Faust : bal­let qui passe du plus grand clas­si­cisme, avec tutus, à une véri­ta­ble débauche dont est vic­time Mar­guerite enceinte sous les yeux d’un Faust plein de remords. Les très beaux décors du Paris d’avant Hauss­mann, les innom­brables cos­tumes très réus­sis (Méphis­to change de tenue sans arrêt, jusqu’à se trav­e­s­tir en Christ ou en cour­tisane) par­ticipent à faire de ce spec­ta­cle un des plus impor­tants des dix dernières années. Par­faite­ment filmé (vis­i­ble­ment sur plusieurs soirées, car la tenue des instru­men­tistes change d’une prise à l’autre), ce DVD est à con­seiller absolument.

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