Jean Gandois

Jean Gandois (49) une personnalité forte et contrastée

Dossier : TrajectoiresMagazine N°758 Octobre 2020
Par Robert RANQUET (72)

Né le 7 mai 1930 à Nieul (Haute-Vienne), Jean Gan­dois entre à l’X en 1949 et en sort dans le corps des Ponts et Chaussées. De 1954 à 1960, il est embauché par les Travaux publics de Guinée, puis au Brésil et au Pérou en tant qu’expert pour les pro­grammes routiers. En 1961, il ren­tre dans le groupe Wen­del où il devient en 1972 directeur général de Sacilor, puis prési­dent-directeur général de Sollac. 

Sur la voie royale de l’industrie

C’est le début d’une voie royale qui va l’amener à occu­per des postes-clés dans l’industrie. En 1976, il entre chez Rhône-Poulenc, à la demande du prési­dent Renaud Gillet, pour en devenir le directeur général, puis prési­dent-directeur général. Il quitte le groupe en 1982 et exerce jusqu’en 1986 l’activité de con­sul­tant inter­na­tion­al. En 1986, il devient prési­dent-directeur général de Pechiney, qu’il quitte en 1994 pour pren­dre la prési­dence du Con­seil nation­al du patronat français (aujourd’hui le Medef). 

Lors de l’alternance de 1997, il s’oppose vio­lem­ment à l’adoption de la loi sur les 35 heures portée par son anci­enne col­lab­o­ra­trice Mar­tine Aubry, qu’il avait con­nue à Pechiney. Affir­mant avoir été berné par le Pre­mier min­istre, qui lui aurait assuré qu’il n’y aurait pas de loi oblig­a­toire sur le sujet, il quitte sur-le-champ le som­met social et démis­sionne avec fra­cas de la prési­dence du CNPF, où Ernest-Antoine Seil­lière lui suc­cédera. Il déclarait à cette occa­sion : « Je suis plutôt un négo­ci­a­teur qu’un tueur. Je ne pense pas avoir le pro­fil néces­saire pour défendre les entreprises. »

Un homme aux multiples visages

Prési­dent de Cock­er­ill-Sam­bre depuis 1987, il exerça de mul­ti­ples autres fonc­tions : prési­dent d’honneur du Medef, il a aus­si été admin­is­tra­teur de plusieurs sociétés dont BSN, Com­pag­nie finan­cière de Paris, Lyon­naise des eaux, Val­lourec, Cie française Philips, Hewlett-Packard France. Il fut égale­ment mem­bre du con­seil de sur­veil­lance de Peu­geot S.A. Il fut égale­ment censeur d’Eurafrance et admin­is­tra­teur de l’Institut Curie. De nom­breux poly­tech­ni­ciens ont eu l’occasion de tra­vailler à ses côtés. C’est le cas de Richard Armand (57), qui fut mem­bre du comité exé­cu­tif de Pechiney qu’a présidé Jean Gan­dois, de son arrivée en 1986 à son départ en 1994, et qui nous donne son témoignage : 

« Jean Gan­dois est de ces per­son­nal­ités fortes et con­trastées que l’on ne peut décrire qu’en les effleu­rant. Dans un monde qui n’était pas tou­jours favor­able à l’industrie, il a relevé des défis ambitieux au point d’excéder par­fois les forces du groupe qu’il dirigeait. Il avait gardé de son Lim­ou­sin natal une authen­tic­ité ter­ri­enne, voire bour­rue, dont il craig­nait peut-être qu’elle le desservît dans les sphères cod­i­fiées du pou­voir. Son dehors fier et nerveux cachait une pro­fonde sim­plic­ité. Le prési­dent, qui dans la journée avait incar­né la stat­ue du com­man­deur, n’hésitait pas à chanter le soir avec ses col­lab­o­ra­teurs. Quand il quit­tait l’habit de son rôle, il rede­ve­nait lui-même. 

Après avoir peut-être claqué la porte d’un min­istre, il savait s’excuser auprès d’une secré­taire d’avoir un peu haussé le ton. Il aimait les feux de la rampe et le com­merce des grands qui attes­taient son rang, sa réus­site et sa répu­ta­tion, mais il affec­tion­nait les repas de chas­se. Per­son­nage aux yeux des uns, com­pagnon au cœur des autres, il aura sus­cité, selon les hommes et les cir­con­stances, la réserve ou l’élan, l’abandon ou la loy­auté, la révérence ou l’amitié. »

Jean Gan­dois est décédé à l’âge de 90 ans le 7 août dernier à Cer­don-du-Loiret, en Sologne. 

Au long de sa car­rière, il eut à affron­ter plusieurs tem­pêtes : celle qui sec­oua la sidérurgie française dans les années 1970, puis celle qui bal­lot­ta le secteur du tex­tile et de l’aluminium. Quelque­fois présen­té comme autori­taire, voire rude, mais aus­si adepte sincère du dia­logue social, il est sou­vent con­sid­éré comme un des derniers « grands cap­i­taines d’industrie de l’histoire économique européenne ». Il aura incon­testable­ment mar­qué l’histoire économique et indus­trielle récente de notre pays.

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