Jacques FRIEDEL (42), figure emblématique de la science française

Dossier : TrajectoiresMagazine N°698 Octobre 2014Par : Yves QUÉRÉ, membre de l’Académie des sciences

Grande famille que celle des Friedel, en lien fort avec l’École poly­tech­nique. En se can­ton­nant à une pure ver­ti­cal­ité, nous ren­con­trons suc­ces­sive­ment Georges (1885) le génial décou­vreur des cristaux liq­uides, Edmond (1914) grand minéral­o­giste, directeur de l’École des mines de 1944 à 1963, Jacques (42), Paul (76) et nul ne sait com­ment Charles (la célèbre réac­tion de « Friedel et Crafts »), père de Georges, a pu échap­per, dans les années 1850, à cette force du destin.

Une carrière de physicien

Jacques, ingénieur du corps des Mines, décidera à la sor­tie de l’École de se lancer, grâce au « décret Suquet », dans une car­rière de physicien.

C’est en Angleterre qu’il se rend, à Bris­tol, dans le lab­o­ra­toire de Nevill Mott, futur Prix Nobel de physique, pour entamer de bril­lante façon sa car­rière scientifique.

Il y établit, entre autres, la présence dans les métaux d’oscillations de la den­sité des élec­trons autour d’un atome « étranger ». Ce seront les « oscil­la­tions de Friedel », enseignées depuis lors dans tous les cours de physique des solides de par le monde. Ain­si explique-t-on la for­ma­tion de minus­cules paque­ts d’atomes de cuiv­re dans les alliages Al-Cu (les « dura­lu­mins »), et donc la rigid­ité de cet alliage en regard de celle de l’aluminium pur.

Le « style Friedel »

Ce sim­ple exem­ple illus­tre le remar­quable exploit de Jacques Friedel : celui d’avoir illus­tré simul­tané­ment, comme très peu ont su le faire, ces deux grands domaines de la physique des solides : celui de leurs pro­priétés élec­tron­iques et celui de leur com­porte­ment moléculaire.

Exploit qui devait faire de lui l’un des refon­da­teurs de la physique française d’après-guerre, à laque­lle il allait con­fér­er ce « style Friedel » si per­son­nel, où une théorie sub­tile se con­stru­it sur des mod­èles ana­ly­tiques sim­ples cap­tant l’essentiel.

Une autorité incontestée

Ayant rejoint l’Université, qu’il ne cesserait de défendre et d’illustrer, pro­fesseur à l’université Paris-XI, fon­da­teur avec André Guinier et Ray­mond Cas­taing du célèbre Lab­o­ra­toire de physique des solides d’Orsay, con­seiller au CEA, à l’IRSID et en d’innombrables insti­tuts de recherche fon­da­men­tale aus­si bien qu’industrielle, Jacques Friedel allait jouer un rôle con­sid­érable dans l’épanouissement de la sci­ence française des soix­ante dernières années.

Médaille d’or du CNRS (1970), mem­bre (1977) puis prési­dent (1992–1994) de l’Académie des sci­ences, mem­bre de nom­breuses académies étrangères, il exerçait une influ­ence allant bien au-delà du périmètre de sa discipline.

Proche de l’École

RECONNAISSANCE

Lorsque Pierre-Gilles de Gennes, qui avait été son élève, apprit que le prix Nobel de physique venait de lui être décerné, sa première réaction fut de déplorer que Jacques Friedel ne l’ait pas reçu avant lui.

Coau­teur d’un rap­port sur l’enseignement à l’X, il y prône pré­co­ce­ment la for­ma­tion par la recherche et le développe­ment des stages de fin d’études.

Mem­bre du Comité de recrute­ment des pro­fesseurs de physique, il veille sans cesse au souhaitable équili­bre entre théoriciens et expérimentateurs.

Mem­bre de son Con­seil sci­en­tifique au moment du démé­nage­ment de l’X à Palaiseau, il œuvre inlass­able­ment pour un ren­force­ment de la recherche à l’École.

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