Introduction

Dossier : UkraineMagazine N°547 Septembre 1999Par : François BARATIN (68), secrétaire général du Club de Kiev

À mon avis, les Français ont tort surtout parce que, sur de nom­breux points, l’Ukraine se rap­proche d’a­van­tage des pays d’Eu­rope cen­trale que de la Russie. Vis­itez Kiev, Lvov ou Odessa, vous vous sen­tirez pro­fondé­ment en Europe. Les Français con­nais­sent trop l’Ukraine à tra­vers le regard, for­cé­ment défa­vor­able, des Russ­es ; il faudrait la décou­vrir à tra­vers le nou­veau regard des Polon­ais qui dévelop­pent de façon impor­tante leurs échanges avec les Ukrainiens depuis quelques années.

C’est d’ailleurs la con­vic­tion de Mme E. Puis­sant qui vient de diriger pen­dant trois ans, avec ent­hou­si­asme et grande effi­cac­ité, le poste d’ex­pan­sion économique auprès de l’am­bas­sade de France à Kiev ; elle insiste sur le fait que, pour une entre­prise française, la Pologne con­stitue vraisem­blable­ment une bien meilleure base que la Russie pour s’im­planter sur le marché ukrainien.

L’Ukraine est un pays très attachant, aux dimen­sions de la France, rel­a­tive­ment très proche de nous (moins de 2000 km de nos fron­tières) ; ses habi­tants sont fran­cophiles et sou­vent même férus de cul­ture française. Con­traire­ment à de nom­breux obser­va­teurs, j’ai de l’ad­mi­ra­tion pour ce que les Ukrainiens ont réal­isé depuis leur toute récente indépen­dance. Avoir con­sti­tué un État autonome, main­tenu une cohé­sion sociale et poli­tique mal­gré une sit­u­a­tion dif­fi­cile, assuré la sécu­rité des biens et des per­son­nes, nor­mal­isé claire­ment ses rela­tions avec ses voisins : voilà un bilan déjà très posi­tif pour un pays dont l’indépen­dance est aus­si nou­velle. Sans doute, son évo­lu­tion vers une économie de marché est lente mais, comme l’écrit J.-L. Poget, elle est exsangue de ses élites et doit les reconstituer.

Tout le monde s’ac­corde pour recon­naître la qual­ité de la généra­tion mon­tante, celle qui n’a pas tra­vail­lé en régime sovié­tique et qui a aujour­d’hui moins de trente ans. Elle est bril­lante, active, motivée, ouverte sur le monde. Dans une quin­zaine d’an­nées, elle dirig­era le pays. On peut penser qu’alors il ne fau­dra pas dix ans au pays pour se redress­er vigoureuse­ment ; peut-être par­lera-t-on alors d’un mir­a­cle ukrainien ? Il est dans l’in­térêt com­mun d’en­cour­ager ce pays et de lui don­ner dès main­tenant des per­spec­tives. Son adhé­sion à l’U­nion européenne dans une trentaine d’an­nées a “la force de l’év­i­dence”. Affich­er dès main­tenant la voca­tion européenne de l’Ukraine ne peut qu’en­cour­ager les Ukrainiens à créer les con­di­tions favor­ables à cette adhésion.

En con­sti­tu­ant ce dossier, nous avons voulu insis­ter sur trois points :

  • s’im­planter sur le marché ukrainien prend du temps, néces­site de la per­sévérance, sup­pose de bonnes rela­tions avec des parte­naires ukrainiens et les prof­its ne vien­nent pas rapi­de­ment ; au demeu­rant, comme l’ex­pri­ment J. Mounier et E. Puis­sant, des places impor­tantes restent à pren­dre dans de bonnes con­di­tions : ne lais­sons pas nos grands parte­naires améri­cains, alle­mands et ital­iens les pren­dre toutes ;
  • le rôle struc­turant, pour l’é­conomie ukraini­enne, que jouent les entre­pris­es occi­den­tales quand elles s’im­plantent durable­ment dans ce pays ; les exem­ples du Crédit Lyon­nais et de Lac­tal­is sont par­ti­c­ulière­ment éclairants mais plusieurs autres exis­tent, notam­ment des PME dont nous regret­tons l’ab­sence dans ce dossier ; on ne peut pas se con­tenter de con­seiller : il faut être présent sur place pour organ­is­er le tra­vail ; selon moi, les sou­tiens publics à l’Ukraine devraient être essen­tielle­ment con­sacrés à soutenir nos entre­pris­es à s’in­staller en Ukraine ;
  • le car­ac­tère exem­plaire de la coopéra­tion fran­co-ukraini­enne qui vient d’aboutir au vote, par le Par­lement ukrainien, d’une loi sur les con­ces­sions de ser­vices publics et d’in­fra­struc­tures et que décrit ici J.-L. Poget ; au-delà de son inci­dence juridique, le rôle péd­a­gogique que joue une action col­lec­tive de ce genre est très posi­tif pour sécuris­er les activ­ités en Ukraine des investis­seurs étrangers ; cette action doit être pour­suiv­ie, notam­ment par la for­ma­tion des cadres munic­i­paux ukrainiens à la délé­ga­tion de ser­vices publics.


Avec nos cama­rades M. Mal­herbe et P. Ter­estchenko, nous avons créé le Club de Kiev pré­cisé­ment pour encour­ager, voire con­duire, des actions col­lec­tives sus­cep­ti­bles de dévelop­per les rela­tions économiques entre nos deux pays. En liai­son avec l’AC­FAU, com­mu­nauté française d’af­faires en Ukraine, nous met­tons en place une Cham­bre de com­merce fran­co-ukraini­enne pour dévelop­per cette poli­tique à plus grande échelle. J’e­spère que ce dossier sur l’Ukraine de La Jaune et la Rouge vous don­nera une idée réal­iste mais opti­miste sur ce pays riche de poten­tial­ités. Si vous souhaitez mieux le con­naître, nous sommes prêts à vous y aider.

Poster un commentaire