Gustav MAHLER : Symphonie n° 8, « des Mille »

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°705 Mai 2015Par : les orchestres de Los Angeles et Simón Bolívar, direction Gustavo DudamelRédacteur : Marc DARMON (83)Editeur : 1 DVD ou un Blu-Ray Deutsche Grammophon 0734890

C’est le concert clas­sique le plus impres­sion­nant qu’il soit don­né de voir. Une expé­rience unique, une pro­duc­tion excep­tion­nelle, dont le coût et la dif­fi­cul­té de réa­li­sa­tion sont tels qu’il est à l’abri de toute concur­rence pour long­temps. La nature de l’œuvre, sa com­plexi­té à être mon­tée, et le pro­jet fou de Duda­mel en font un évé­ne­ment total.

La Sym­pho­nie des Mille de Mah­ler est une œuvre par­ti­cu­liè­re­ment ori­gi­nale. Comme la seconde et la troi­sième sym­pho­nies de Mah­ler, elle uti­lise chœur et solistes, comme le fit Bee­tho­ven près d’un siècle aupa­ra­vant pour sa célèbre Neu­vième Sym­pho­nie.

Mais la struc­ture de la Sym­pho­nie des Mille ne prend pas un plan clas­sique en quatre ou cinq mou­ve­ments. La sym­pho­nie est divi­sée en deux grandes par­ties : la pre­mière est un arran­ge­ment d’un hymne latin médié­val (Veni Crea­tor), presque exclu­si­ve­ment vocal, l’hymne étant chan­té prin­ci­pa­le­ment par les chœurs.

La seconde par­tie qui dure approxi­ma­ti­ve­ment une heure reprend le texte de la scène finale du second Faust de Goethe.

La pre­mière repré­sen­ta­tion de cette sym­pho­nie eut lieu à Munich le 12 sep­tembre 1910. Les huit solistes, les chœurs com­pre­nant 850 chan­teurs (dont 350 enfants) et l’orchestre se com­po­sant de 170 ins­tru­ments (dont plus de 80 cordes) por­tèrent les effec­tifs de l’orchestre à près de 1 030 exécutants.

Pour cette rai­son, l’impresario de Mah­ler qua­li­fia l’œuvre de Sym­pho­nie des Mille, même si le com­po­si­teur n’approuvera jamais vrai­ment ce titre. C’est la der­nière œuvre de Mah­ler qui sera créée de son vivant.

La « Fon­da­tion d’État pour le Sys­tème natio­nal des Orchestres de la jeu­nesse et des enfants du Vene­zue­la » est plus connue sous le nom d’El Sis­te­ma. Son but est d’initier les enfants les plus dému­nis à la pra­tique de la Musique clas­sique, dès l’âge de 2 ans. Chaque enfant dési­reux d’apprendre à jouer reçoit un ins­tru­ment, se voit affec­ter un tuteur et peut com­men­cer la for­ma­tion musicale.

Les meilleurs jeunes issus de ces orchestres se retrouvent au sein de l’orchestre éten­dard du Sis­te­ma, l’Orchestre natio­nal des jeunes Simón Bolí­var du Vene­zue­la créé en 1975, et diri­gé depuis 1999 par le chef Gus­ta­vo Duda­mel, pur pro­duit du Sistema.

Gus­ta­vo Duda­mel réunit pour ce gigan­tesque pro­jet Mah­ler de début 2012 les deux orchestres dont il a la charge, l’Orchestre sym­pho­nique Simón Bolí­var du Vene­zue­la, et l’Orchestre phil­har­mo­nique de Los Angeles, au grand com­plet, ain­si que quatre chœurs et dix solistes, tota­li­sant plus de 1 500 musi­ciens de pre­mier plan.

Ima­gi­nez ce que cela repré­sente : un orchestre consti­tué, par exemple, de seize contre­basses, qua­torze trom­pettes, dix trom­bones, neuf cors, les bas­sons par quatre, les flûtes par cinq, plus de deux cents cordes. Et der­rière, les mille jeunes cho­ristes, pas­sion­nés, chan­tant par cœur, et por­tant tous une écharpe aux cou­leurs du Venezuela.

Pour ce concert don­né à Los Angeles puis à Cara­cas, Duda­mel a déci­dé de mélan­ger les orchestres. On voit lors de répé­ti­tions les ins­tru­men­tistes nord-amé­ri­cains se mêler aux jeunes véné­zué­liens, leur don­ner des conseils. Duda­mel com­mence ces répé­ti­tions avec un dis­cours intro­duc­tif tou­chant pour que cha­cun res­sente l’enjeu de ce qu’ils sont en train de pré­pa­rer, et rap­pe­lant la chance qu’il a eue avec le Sis­te­ma et sa mis­sion de le faire perdurer.

La réa­li­sa­tion est évi­dem­ment une prouesse. La mise en image et la prise de son étaient une gageure, réus­sie. Natu­rel­le­ment le film en HD, en Blu-Ray donc, est le seul qui per­mette de se rendre compte réel­le­ment du gigan­tisme de cette pro­duc­tion, et de son détail. L’image est par­faite et nous assis­tons à un spec­tacle qu’on n’oubliera pas.

À la même période, Duda­mel a réuni ses deux orchestres pour jouer éga­le­ment les autres sym­pho­nies de Mah­ler, avec un enjeu moins unique natu­rel­le­ment. Espé­rons tou­te­fois pou­voir en voir des enregistrements.

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