Giuseppe VERDI : Simon Boccanegra

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°684 Avril 2013Par : Scala de Milan, Placido Domingo, direction Daniel BarenboïmRédacteur : Marc DARMON (83)

Simon Boc­cane­gra est un opéra trop mécon­nu de la matu­rité de Ver­di. Après I due Fos­cari, un opéra de jeunesse qui met­tait en scène une dynas­tie de doges de Venise, Simon Boc­cane­gra racon­te le règne du pre­mier doge de Gênes, au XIVe siècle.

Ancien cor­saire, ce doge devra com­pos­er avec les représen­tants de la plèbe et les patriciens (sou­tenant les guelfes con­tre les gibelins, plutôt soutenus par les plébéiens). Un opéra plein de com­plot, de guerre de suc­ces­sion, d’empoisonnement et d’enfants cachés. Et un opéra réelle­ment his­torique, avec des per­son­nages ayant vrai­ment existé, dont Gabriele Adorno qui suc­cédera à Simon sur le trône de Gênes, pour sept ans, et la famille Grimal­di qui élève la fille du doge, famille par­ti­sane des guelfes, et déjà à l’époque une des plus impor­tantes de la côte méditerranéenne.

Coffret du Blue-Ray Simon Boccanegra de VerdiLa dis­tri­b­u­tion est réelle­ment très bonne, avec la fille de Simon jouée par la grande sopra­no alle­mande Anja Har­teros, et Fiesco le guelfe leader des patriciens chan­té par Fer­ruc­cio Furlanetto.

Mais le prix de cette pro­duc­tion vient du rôle-titre joué par Placido Domin­go, après une longue inter­rup­tion pour une grave opéra­tion, et l’extraordinaire direc­tion de Daniel Barenboïm.

Placido Domin­go aura été un des tout pre­miers ténors de ces cinquante dernières années. Avec plus de 100 rôles de ténor à son réper­toire, il a récem­ment décidé, sa voix brunis­sant, de chanter régulière­ment le rôle plus grave de bary­ton de Simon Boccanegra.

Et la réus­site est totale, car l’éclat et le bril­lant de sa voix sont tou­jours là, mais désor­mais pour faire ray­on­ner la chaude tes­si­ture du bary­ton ver­di­en. On a enten­du dans ce rôle de grands bary­tons à la voix émou­vante (dont notam­ment Thomas Hamp­son à Vienne), mais aucun dont la voix som­bre était para­doxale­ment aus­si lumineuse.

Le croise­ment d’une voix de bary­ton et du tim­bre, ici si recon­naiss­able, du ténor. On adore.

Le chef Daniel Baren­boïm est pour beau­coup, lui aus­si, dans le suc­cès de cette pro­duc­tion de 2010 que l’on a bien fait d’éditer (c’est le sec­ond DVD disponible de Simon Boc­cane­gra avec Domin­go). On entend par­faite­ment l’orchestre, très bien enreg­istré, et resti­tué (notam­ment grâce au codage 24 bits en Blu-Ray), dirigé debout (con­traire­ment à ses Wag­n­er) par le pianiste-chef israélien.

Cet orchestre, dont tous les vents, cuiv­res et bois, sont irréprochables, nous fait espér­er retrou­ver un jour une telle qual­ité dans nos opéras parisiens.

Écoutez par exem­ple la finesse des cordes et des bois lors de l’ouverture de l’acte I, fig­u­rant les vingt-cinq ans qui vien­nent de se pass­er depuis le prologue.

Cet opéra mérite vrai­ment d’être mieux con­nu. Des airs mag­nifiques, des mou­ve­ments de foules (émeutes, rival­ités au Con­seil entre patriciens et plébéiens), un pro­logue mon­u­men­tal entière­ment avec des voix graves de bary­tons et de bass­es, la seule femme présente étant morte, ce que l’on réalise après vingt min­utes d’opéra.

Et voici la meilleure façon de décou­vrir cet opéra.

Poster un commentaire