Gestion alternative : mythes et réalités

Dossier : Gestion d'actifsMagazine N°630 Décembre 2007
Par Thaddée TYL (79)

EN BREF

EN BREF
Riv­o­li Fund Man­age­ment, créée en 1996, est un exem­ple de société de ges­tion indépen­dante, c’est-à-dire n’ayant pas dans son action­nar­i­at une banque ou autre insti­tu­tion finan­cière. Totale­ment indépen­dante, puisque détenue en total­ité par ses fon­da­teurs, elle a ini­tié un proces­sus d’ouverture du cap­i­tal aux salariés, par le biais d’attribution gra­tu­ite d’actions. Riv­o­li Fund Man­age­ment est spé­cial­isée dans la ges­tion alter­na­tive, et plus pré­cisé­ment dans la ges­tion dite « sys­té­ma­tique », c’est-à-dire un style de ges­tion assistée par ordinateur.
Le savoir-faire réside dans la con­struc­tion et l’exploitation de pro­grammes infor­ma­tiques cher­chant à tir­er par­ti des inef­fi­ciences des marchés financiers.

Les travaux théoriques sur l’in­vestisse­ment sont assez com­plex­es, mais les prin­ci­paux résul­tats sont de bon sens, et sont tout à fait cohérents avec l’ex­péri­ence des prati­ciens. Les deux prin­ci­paux résul­tats sont les suiv­ants. Tout d’abord, il n’y a pas de mir­a­cle. Pour obtenir des per­for­mances, il est néces­saire de pren­dre des risques. Le con­cept de « cou­ple ren­de­ment-risque » revient à éval­uer quel est le prix à pay­er en ter­mes de risque pour obtenir un niveau don­né de rendement.

La ges­tion alter­na­tive ne fait que révéler les dys­fonc­tion­nements, en les exploitant, mais ne les crée pas

Sur longue péri­ode, il est éton­nant de con­stater des cou­ples ren­de­ment-risque très sim­i­laires entre les dif­férents types d’in­vestisse­ment pos­si­bles. Ensuite, le point clé, c’est la diver­si­fi­ca­tion.

Plus on met­tra côte à côte dans un porte­feuille des pro­duits dont les ren­de­ments sont indépen­dants (au sens sta­tis­tique du terme), plus on réduira le risque glob­al du porte­feuille, pour une espérance de ren­de­ment glob­ale­ment identique.

La ges­tion alter­na­tive essaie de répon­dre à cette exi­gence de diver­si­fi­ca­tion, en pro­posant des ren­de­ments qui ne soient pas liés à l’évo­lu­tion des investisse­ments clas­siques. En d’autres ter­mes, lorsque les investisse­ments tra­di­tion­nels souf­frent, comme lors de cracks bour­siers, les investisse­ments alter­nat­ifs ne per­dent pas néces­saire­ment de la valeur. Au con­traire, ils peu­vent s’ap­préci­er, com­pen­sant ou réduisant ain­si les pertes au niveau du porte­feuille global.

Améliorer la liquidité des marchés

De nom­breuses études ont été menées, à la demande des ban­ques cen­trales ou des gou­verne­ments des grands pays. Les con­clu­sions de ces études ont tou­jours été les suiv­antes. La ges­tion alter­na­tive con­tribue à amélior­er la liq­uid­ité des marchés financiers, ain­si que leur effi­cience. Autrement dit, la ges­tion alter­na­tive ne fait que révéler les dys­fonc­tion­nements, en les exploitant, mais ne les crée pas. L’effet sta­bil­isa­teur de la ges­tion alter­na­tive est claire­ment avéré. Elle n’a pas pour résul­tat une aug­men­ta­tion de la volatil­ité des marchés. Au con­traire, un exa­m­en objec­tif des faits aboutit à la con­clu­sion que depuis le développe­ment de la ges­tion alter­na­tive, la volatil­ité des marchés est inférieure au niveau qui pré­valait auparavant.

Le rôle des ban­ques d’in­vestisse­ment, et notam­ment de tous les grands groupes ban­caires, est cen­tral dans l’ensem­ble de cette indus­trie. Pour fonc­tion­ner, un gérant alter­natif a besoin d’ou­vrir des comptes auprès de ban­ques. Ces dernières sont donc les mieux placées pour con­trôler les risques qui sont pris par les gérants, et les sys­tèmes de con­trôle mis en place par les ban­ques sont cruciaux.

REPÈRES
Deux modes principaux
L’arbitrage
Le gérant prend des posi­tions vendeuses sur des act­ifs suré­val­ués et simul­tané­ment des posi­tions acheteuses sur des act­ifs proches, mais sous-éval­ués. Il cherche à détecter quels act­ifs sont suré­val­ués et quels autres act­ifs sont sous-éval­ués, pour ensuite ven­dre à décou­vert les act­ifs suré­val­ués et acheter ceux qui sont sous-éval­ués, dans le but de dégager un prof­it, lorsque les sur et sous-éval­u­a­tions auront disparu.
Le trad­ing directionnel
Le gérant prend des posi­tions acheteuses ou vendeuses sur dif­férents act­ifs en fonc­tion de l’évolution anticipée des act­ifs en ques­tion. Le trad­ing direc­tion­nel est par­fois plus volatil que l’arbitrage, mais offre sou­vent un niveau de diver­si­fi­ca­tion plus élevé par rap­port aux investisse­ments clas­siques. Dans cette caté­gorie, on trou­ve, par exem­ple, les gérants « glob­al macro », « short sell­ers », « man­aged futures » et « event driven ».

Un savoir-faire de premier plan en France

Cinquante ans de ges­tion alternative 
La ges­tion alter­na­tive est apparue il y a cinquante ans comme une alter­na­tive aux investisse­ments clas­siques en actions et oblig­a­tions, mais le véri­ta­ble décol­lage a eu lieu au milieu des années qua­tre-vingt. Au total, la ges­tion alter­na­tive représen­terait 2 000 mil­liards de dol­lars à l’heure actuelle. Elle utilise l’ensemble des out­ils financiers disponibles pour tir­er prof­it des anom­alies ou inef­fi­ciences des marchés, et n’a pu se dévelop­per vrai­ment qu’avec l’apparition de pro­duits sophis­tiqués que sont les « pro­duits dérivés » (marchés à terme, options, swaps…), apparus aux USA dans les années soix­ante-dix, et qui se sont très rapi­de­ment répan­dus dans le reste du monde.

L’in­dus­trie de la ges­tion alter­na­tive française est par­ti­c­ulière­ment dévelop­pée. Cela est prob­a­ble­ment dû à ce que, d’une part les grandes ban­ques français­es ont un savoir-faire de pre­mier plan et mon­di­ale­ment recon­nu en matière de pro­duits dérivés, et d’autre part parce que le niveau en math­é­ma­tiques et sta­tis­tique des ingénieurs français est par­ti­c­ulière­ment élevé. La ques­tion de l’at­trac­tiv­ité de la France comme place finan­cière inter­na­tionale est donc plus que jamais d’ac­tu­al­ité, et il est évidem­ment souhaitable que cette attrac­tiv­ité soit plus impor­tante qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Les enjeux sont de taille, et les domaines liés à cette prob­lé­ma­tique sont com­plex­es et var­iés, puisqu’ils recou­vrent aus­si bien la fis­cal­ité des sociétés, la fis­cal­ité des per­son­nes physiques, le droit du tra­vail et la régle­men­ta­tion en matière finan­cière. En matière de régle­men­ta­tion, il faut soulign­er le grand dynamisme de l’Au­torité des marchés financiers (AMF, anci­en­nement COB) qui a per­mis dans les années récentes de créer un envi­ron­nement régle­men­taire très riche qui per­met dans un cadre sécurisé de mon­ter de nom­breux types de véhicules alter­nat­ifs (ARIA, ARIA EL, FCIMT).

Multigestion contre gestion directe

L’in­dus­trie de la ges­tion alter­na­tive s’est très forte­ment struc­turée ces dernières années avec notam­ment l’ap­pari­tion de la multi­ges­tion, par oppo­si­tion à la ges­tion directe. L’idée de la multi­ges­tion est dans le principe assez sim­ple : au lieu de pren­dre directe­ment des posi­tions sur les marchés financiers, les sociétés investis­sent dans des fonds de ges­tion directe. C’est le principe du « fonds de fonds ». Le méti­er de multi­gérant est d’analyser, de com­pren­dre et de com­bin­er le plus astu­cieuse­ment pos­si­ble les tal­ents d’autres gérants. Les avan­tages de ce type de ges­tion sont, d’une part de pou­voir réu­nir dans un même pro­duit des savoir-faire var­iés qui peu­vent dif­fi­cile­ment être réu­nis chez un seul gérant, d’autre part de don­ner accès aux investis­seurs à des gérants aux­quels ils ne pour­raient avoir accès seuls, notam­ment les fonds off­shore.

Les incon­vénients de la multi­ges­tion sont, d’une part de rajouter une couche de frais sup­plé­men­taire (la rémunéra­tion du multi­gérant) et, d’autre part, de laiss­er sub­sis­ter une cor­réla­tion non nég­lige­able avec l’évo­lu­tion des marchés d’actions.

L’heure de la banalisation

La ges­tion alter­na­tive a sus­cité de la curiosité, voire un effet de mode, mais a aus­si pu créer une cer­taine méfi­ance. Cela n’est pas sur­prenant, notam­ment pour des insti­tu­tions dont on attend une atti­tude pru­dente et con­ser­va­trice. L’heure est main­tenant à la banal­i­sa­tion, et la ges­tion alter­na­tive a doré­na­vant une place incon­tourn­able dans tout proces­sus d’investissement.

Poster un commentaire