François Meyer

François Mayer (X45), un littéraire contrarié

Dossier : TrajectoiresMagazine N°780 Décembre 2022
Par Pierre LASZLO

François May­er a écrit un livre de sou­venirs inou­bli­able : La digue de sable, env­i­ron 500 pages, autoédité (2003) mais dif­fusé par la librairie du Roule au 67 de l’avenue du Roule à Neuil­ly (tél. : 01 46 24 73 43). Il mérite qu’on en sache plus sur lui, alors qu’il approche de ses cent ans.

C’est un excel­lent lit­téraire, entré à l’X plus par tra­di­tion famil­iale – illus­tre il est vrai – que par voca­tion sci­en­tifique. L’attestent sa pas­sion pour la lec­ture, sa famil­iar­ité avec de mul­ti­ples auteurs de divers­es péri­odes, con­tem­po­rains y com­pris – ses préférés : Proust, Molière et le Chateaubriand des Mémoires d’outre-tombe – et son écri­t­ure de qua­tre ouvrages depuis sa prise de retraite. C’est un chroniqueur métic­uleux, en par­ti­c­uli­er des années 30, de la drôle de guerre et de l’Occupation, de l’éruption d’un anti­sémitisme vir­u­lent, menaçant voire ter­ri­fi­ant pour lui et les siens. 

Famille et amis

Out­re son évi­dent tal­ent lit­téraire, il a un dou­ble don de fidél­ité famil­iale et d’amitié. Fidél­ité famil­iale, vis-à-vis de ses par­ents et de son frère aîné (dont il se dis­tan­cie pro­gres­sive­ment) ; plus encore vis-à-vis de son grand-père, une per­son­nal­ité majeure, con­seiller du prince de Mona­co, Albert Ier, et un éru­dit, d’une impres­sion­nante droi­ture morale. Sa mère fut protes­tante et son père israélite, ce qui a grande­ment con­tribué au cli­mat de tolérance qui rég­nait dans la famille. Et c’est aus­si un des nœuds de son réc­it. Ami­tié : vis-à-vis de ses cama­rades de classe, à Jan­son-de-Sail­ly ; avec une ému­la­tion qui le propulsera dans le pelo­ton de tête de classe. 

Supérieur à Saint-Simon et à Sartre… 

Ce lit­téraire, con­trar­ié de son pro­pre gré, voué à l’X par fidél­ité dynas­tique, on peut dire, a donc écrit une auto­bi­ogra­phie, mar­quée autant par la mod­estie que par la justesse. Inti­t­ulé La digue de sable, son livre est d’un insigne mémo­ri­al­iste. À mon goût supérieur à Saint-Simon bien sûr, mais aus­si au Sartre des Mots. Pour la pré­ci­sion des nota­tions, il est du niveau de Toc­queville. Autre car­ac­téris­tique, l’autoportrait à petites touch­es, qui se rejoignent petit à petit en une fig­u­ra­tion attachante, car lucide. En effet il asso­cie bien­veil­lance et lucid­ité, deux aspects couram­ment tenus pour con­tra­dic­toires, mais qu’il marie admirable­ment. Ce por­trait affectueux de toute une famille, vivant une époque mou­ve­men­tée et dif­fi­cile, avec la mon­tée du nazisme, le rat­tache­ment de la Sarre à l’Allemagne, le Front pop­u­laire, la guerre d’Espagne, l’antisémitisme et les mesures anti­juives, vaut par son équili­bre entre la recon­sti­tu­tion de la sen­si­bil­ité d’un ado­les­cent, les por­traits des mem­bres de sa famille et le réc­it plus pro­pre­ment his­torique. Un grand livre ! 

Une brillante carrière d’entrepreneur

Mais il atten­dit d’être à la retraite pour s’y attel­er. Voici com­ment François May­er résume sa car­rière : « Dans une pre­mière par­tie j’ai fait des mis­sions de redresse­ment de durée plus ou moins longue. L’une s’est ter­minée par qua­tre années de direc­tion générale d’une grosse PME (400 per­son­nes). Donc beau­coup de var­iété mais tou­jours le même employeur. J’ai ensuite, tou­jours dans le même groupe, été nom­mé directeur général puis PDG d’une société d’ingénierie et d’entreprise générale tournée vers l’exportation. Le méti­er était alors en démar­rage. Il a pra­tique­ment dis­paru aujourd’hui. Nous avons tra­vail­lé dans trente pays (essen­tielle­ment pays social­istes et PVD) et con­stru­it 80 usines. Cette société a été rachetée par Tech­nip, avec mon accord. Après avoir assuré la tran­si­tion pen­dant un an, j’ai repris du ser­vice comme PDG d’une grosse PME (encore 400 per­son­nes) spé­cial­isée dans l’optique et l’optronique mil­i­taire, qui redé­mar­rait après un dépôt de bilan. Je devais assur­er une tran­si­tion pen­dant deux ans et, finale­ment, j’en ai fait huit. » 

Le trombone et le jogging

Pour François May­er la musique bas­cu­la d’un espace de con­trainte en un espace de liber­té. Espace de con­trainte : l’apprentissage, enfant, du vio­lon. Espace de liber­té : la décou­verte du jazz Nou­velle-Orléans à la Libéra­tion, d’abord à la radio, puis dans des clubs, à l’écoute du Quin­tette du Hot Club de France, avec Djan­go Rein­hardt et Stéphane Grap­pel­li, et puis, à l’École, for­ma­tion d’un groupe d’instrumentistes, avec May­er au trom­bone, instru­ment qu’il affec­tionne par­ti­c­ulière­ment. Cette for­ma­tion, qui existe tou­jours et se revêt de rouge, se pro­duit dans des lieux parisiens, s’associant à de plus jeunes tels que Frédéric Mor­lot (X01). Jean Salmona (X56) est un ami.

C’est aus­si un fer­vent de l’exercice physique : « J’ai pra­tiqué beau­coup de sports, mais prin­ci­pale­ment le foot­ball (ma sec­tion sportive à l’X), le ten­nis et le ski. » Ten­nis ? Il l’adore, a même joué un set avec Jean Boro­tra (X1920S) ! « Vers cinquante ans, je me suis mis au jog­ging, au moins une fois par semaine. Je courais (lente­ment) Paris-Ver­sailles, le maxi­cross du Figaro, les 20 km de Paris, sans esprit de com­péti­tion… et j’ai arrêté ces dis­tances à 70 ans, mais pas mes 5 km heb­do­madaires. Cela jusqu’à 8o ans env­i­ron. Là, je me suis con­tenté de marcher, de moins en moins facilement. » 

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