Albert Jacquard (45) Un juste

Dossier : ExpressionsMagazine N°689 Novembre 2013
Par Pierre LASZLO

Albert y pre­nait part dans sa manière à lui : d’exceptionnelles qual­ités d’écoute, qu’il cou­plait, lors d’interventions peu fréquentes mais lumineuses, à une expres­sion claire, aux for­mu­la­tions incon­testa­bles, car d’une grande justesse ; sou­vent même aphoristiques.

Des cabinets ministériels à la génétique des populations

© SIPA
Sa biogra­phie (Wikipé­dia)

Né à Lyon en 1925, dou­ble bache­li­er (math­é­ma­tiques élé­men­taires et philoso­phie) en 1943, après deux ans de pré­pa à Sainte-Geneviève (Ver­sailles), il entra à l’École poly­tech­nique en 1945.

À sa sor­tie de l’École, il fut recruté dans des cab­i­nets min­istériels jusqu’en 1964, lorsque, pour le citer, il servit de « fusible entre le min­istre de la San­té et Pompidou ».

Dès lors, il entra en 1965 à l’Institut nation­al d’études démo­graphiques (Ined). Après un séjour de deux ans à l’université Stan­ford (1966–1968), qui lui appor­ta énor­mé­ment, il devint en 1970 directeur à l’Ined du ser­vice de géné­tique des pop­u­la­tions, jusqu’en 1991.

Des travaux savants

Citons les titres de quelques-uns de ses travaux savants :

  • Pan­mix­ie et con­san­guinité, quelques pré­ci­sions de lan­gage (1968),
  • Com­para­i­son, du point de vue de la stéril­ité et de la mor­tal­ité infan­tile, d’un ensem­ble de cou­ples con­san­guins à un ensem­ble de cou­ples témoins (1968),
  • Sys­tèmes de mariage et struc­tures géno­typ­iques (1969),
  • Pan­mix­ie et struc­ture des familles (1970),
  • Choix du con­joint et homogamie (1971),
  • Mariages et fil­i­a­tions dans la val­lée pyrénéenne de l’Ouzom depuis 1744 (1975),
  • Loi de dis­tri­b­u­tion des homozy­gotes iden­tiques dans une pop­u­la­tion (1976),
  • Trans­mis­sion des gènes et trans­mis­sion des car­ac­tères (1976),
  • Démo­gra­phie his­torique et géné­tique des pop­u­la­tions : la con­cen­tra­tion géo­graphique d’une mal­adie hérédi­taire rare (1979).

Pourfendre les idées fausses

La fable de Dono­goo-Ton­ka
Albert Jacquard aimait à citer la pièce de théâtre (et fable) de Jules Romains, Dono­goo-Ton­ka : « En créant une société à Paris d’exploitation de l’or de Dono­goo-Ton­ka (la ville qu’un célèbre géo­graphe n’était pas arrivé à trou­ver), cela a amené à armer un bateau pour une expédi­tion à Dono­goo-Ton­ka. Puis, fatigués de chercher, des chercheurs d’or, français bien sûr, créent un camp qu’ils bap­tisent par déri­sion Dono­goo- Ton­ka. Attirés par la pan­car­te d’autres chercheurs s’installent petit à petit don­nant nais­sance à une ville importante. »

L’audience restreinte de ses pub­li­ca­tions savantes, touchant pour­tant à des ques­tions de société (« y a‑t- il des races humaines ? », entre autres), est ce qui con­va­in­quit Albert d’écrire pour le grand public.

Bernard Piv­ot, se plai­sait-il à rap­pel­er, au vu de Struc­tures géné­tiques des pop­u­la­tions (1970), far­ci d’équations, lui sug­géra de le traduire en un texte plus acces­si­ble. Albert suiv­it cette recom­man­da­tion, écriv­it Éloge de la dif­férence (1978), ven­du à plus de 100 000 exemplaires.

Doré­na­vant, le per­son­nage pub­lic prit le dessus. Il con­sacra toute son énergie à son rôle de pour­fend­eur d’idées fauss­es, et mili­ta pour les caus­es qui lui tenaient à cœur. C’était un juste.

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