André Cachin

André Cachin (45) éminent spécialiste de la souveraineté nucléaire française

Dossier : TrajectoiresMagazine N°770 Décembre 2021Par Jacques LUTFALLA (55)

Par­mi nos cama­rades qui par­ticipèrent à la réal­i­sa­tion de la dis­sua­sion nucléaire française et donc à la mise au point du pre­mier engin nucléaire français, André Cachin, décédé le 2 juil­let 2021, est celui à qui on doit le dis­posi­tif con­sti­tué d’explosifs clas­siques qui for­ment l’onde de déto­na­tion sphérique cen­tripète, onde de choc qui fait pass­er la matière fis­sile d’une con­fig­u­ra­tion sous-cri­tique à une con­fig­u­ra­tion surcritique.

Né le 19 jan­vi­er 1925 à Tarbes où il a gran­di, André Cachin va en hypotaupe au lycée Fer­mat à Toulouse. Après l’X, il choisit à la sor­tie le corps des ingénieurs mil­i­taires des poudres. À la sor­tie de l’école d’application, il est affec­té au lab­o­ra­toire de la Com­mis­sion des sub­stances explo­sives (CSE) à Sevran sous les ordres de l’ingénieur général Médard qui lui demande de s’intéresser à la focal­i­sa­tion des ondes de choc. La solide for­ma­tion des anciens taupins en optique géométrique allait beau­coup le servir pour arriv­er au but. L’indice de réfrac­tion de l’optique devient alors le rap­port des vitesses de déto­na­tion des explosifs. Val­able en pre­mière approx­i­ma­tion, cette hypothèse le met sur la voie. Avec les moyens rudi­men­taires de l’époque, du cordeau déto­nant et des explosifs en poudre déposés sur une plaque de plomb, il véri­fie rapi­de­ment la valid­ité du procédé qu’il a imaginé.

Un brevet mis au secret 

À par­tir de là fut déposé le pre­mier brevet français qui porte les noms de Cachin, Sar­to­rius et Médard, brevet immé­di­ate­ment mis au secret. Cachin met au point les com­po­si­tions moula­bles dont le principe est tou­jours util­isé. Il est aidé par son con­scrit Jean Viard qui va dévelop­per l’emploi de moyens de mesure mod­ernes adap­tés à l’échelle des vitesses de déto­na­tion, qui s’étendent de 3 000 à 8 000 m/s, caméra ultra-rapi­de et sonde électronique.

André Cachin avait fait la preuve que l’implosion était fais­able. Pour aller plus loin il fal­lait chang­er d’échelle et de moyens. Viard déci­da d’aller informer le chef de cab­i­net du haut-com­mis­saire du CEA, Piati­er, qui était égale­ment poudri­er. Il com­prit immé­di­ate­ment l’importance des travaux accomplis.

En octo­bre 1955 la créa­tion du Cen­tre d’études de Vau­jours (CEV), rel­e­vant du CEA, va per­me­t­tre à Cachin de réalis­er l’implosoir qui explosera le 13 févri­er 1960, ce qui lui vau­dra d’être nom­mé cheva­lier de la Légion d’honneur en 1960 à l’âge de 35 ans. Toutes les com­po­si­tions explo­sives qu’il a mis­es au point sont util­isées pour la fab­ri­ca­tion des engins nucléaires expéri­men­taux qui seront expéri­men­tés par la suite. Dans le ser­vice qu’il dirigea, ser­vice où l’on malax­ait, moulait et usi­nait des explosifs, il n’y eut aucun acci­dent de personne.

Du CEV au CEA

André Cachin quitte le CEV en 1970 pour le siège du CEA à Paris où il occupe suc­ces­sive­ment les postes d’assistant au directeur des appli­ca­tions mil­i­taires (1969–1970), chef du départe­ment explosifs (1971–1977), adjoint au directeur indus­triel de la direc­tion des appli­ca­tions militaires.

Sa grande com­pé­tence en matière d’explosifs lui vaut d’être nom­mé mem­bre de la CSE avant d’en pren­dre la prési­dence. La société de l’Air Liq­uide en fait son con­seiller sécu­rité en 1984, fonc­tion qu’il a rem­plie jusqu’en 1990.

Sa curiosité et son inven­tiv­ité étaient sans cesse en éveil, et cela dans tous les domaines, en par­ti­c­uli­er pour la détec­tion des mines antiper­son­nel mais aus­si en matière d’applications médi­cales. Dès 1978 il avait alerté le milieu médi­cal sur l’intérêt de la réso­nance mag­né­tique nucléaire, dix ans avant que la France ne s’y intéresse. Il était aus­si un bib­lio­phile aver­ti qui s’était intéressé aux livres sur la pyrotech­nie et sur des rela­tions de voy­age. De ses ascen­dances pyrénéennes, il avait gardé une grande atti­rance pour la mon­tagne, ski l’hiver, ran­don­née l’été.

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