Former les jeunes, une mission pour les X

Dossier : SolidaritéMagazine N°705 Mai 2015
Par Christian MARBACH (56)

Il est par­ti­c­ulière­ment intéres­sant de présen­ter et d’analyser quelques ini­tia­tives con­cer­nant l’accès des jeunes au supérieur : com­ment préserv­er la qual­ité d’une sélec­tion tout en faisant effec­tive­ment accéder à l’enseignement supérieur, et notam­ment aux grandes écoles, les jeunes capa­bles de devenir les cadres de demain, en par­ti­c­uli­er des ingénieurs ?

Com­ment don­ner cette chance à ceux que cer­tains déter­min­ismes ou préjugés actuels risquent de ne pas appel­er à cette voie ?

REPÈRES

La communauté polytechnicienne s’est toujours intéressée aux questions de formation et d’enseignement. Professeurs, écrivains, médiateurs de la culture scientifique, technique ou industrielle, d’innombrables X ont apporté leur temps et leur talent à la formation permanente des adultes comme à l’apprentissage des plus jeunes.
Sans vouloir se substituer à l’État dans sa vocation fondamentale d’éducation, parfois par des ajustements globaux, parfois des initiatives individuelles.
Quand Serge Goldberg (48) et Jacques Bouttes (52), avec l’appui de l’Institut Paul-Delouvrier, organisent des cours de soutien, quand Michel Vaillaud (50) finance des écoles « Plein Soleil » à Haïti, quand Jean-Marie Petitclerc (71) anime l’association Valdocco pour présenter à des jeunes de banlieue des voies de progrès fondées sur le travail et le respect de soi-même, ils contribuent comme des centaines de polytechniciens et d’autres Français à une mission éducative primordiale.

Des inégalités d’accès

Des polémiques s’élèvent de temps à autre au sujet de l’inégalité de l’accès à l’enseignement supérieur. Par­fois argu­men­tées de manière car­i­cat­u­rale, comme lorsqu’on explique qu’exiger à dix-huit ans un niveau sat­is­faisant d’expression et d’écriture en français serait discriminatoire.

“ Les X se souviennent tous de glorieux polytechniciens de familles modestes ”

Par­fois plus jus­ti­fiées dans leur analyse : si les iné­gal­ités de capac­ité exis­tent chez les indi­vidus, beau­coup sont aus­si, et trop sou­vent, vic­times d’inégalités de milieu cul­turel, de sou­tien famil­ial, de qual­ité des étab­lisse­ments sco­laires qui les accueillent.

Une telle sit­u­a­tion ne peut qu’interpeller les X, notam­ment quand ils con­sta­tent eux-mêmes que le nom­bre des enfants de cadres supérieurs ou d’enseignants est pro­por­tion­nelle­ment plus élevé dans les familles des élèves actuels que ceux d’autres orig­ines, et quand ils se sou­vi­en­nent de tous les glo­rieux poly­tech­ni­ciens de familles mod­estes entrés en pré­pa puis à l’École après un repérage per­spi­cace de leurs insti­tu­teurs ou pro­fesseurs, et un tra­vail structuré.

Des initiatives

Aus­si, sans vouloir empiéter sur ce qui est d’abord une respon­s­abil­ité de l’Éducation nationale, des poly­tech­ni­ciens ont-ils lancé des ini­tia­tives de repérage, de sou­tien sco­laire et d’accompagnement envers des milieux mal infor­més des pos­si­bil­ités qui leur étaient offertes, à eux aussi.

L’association « Tremplin »

Depuis 2000, l’association Trem­plin accom­pa­gne des élèves au sein des lycées situés en zones défa­vorisées, puis tout au long de leurs études supérieures jusqu’au pre­mier emploi.

Des élèves de Tremplin.

Elle s’appuie surtout sur des élèves des grandes écoles, bénév­oles ou sta­giaires, et de jeunes act­ifs qui ont une prox­im­ité d’âge avec les lycéens, favorisant le lien et l’identification à des pro­jets d’études supérieures longues.

C’est tou­jours avec ent­hou­si­asme qu’ils don­nent des séances sco­laires insis­tant notam­ment sur les méth­odes de tra­vail et les out­ils qui seront néces­saires en pré­pa. Pro­posant des ate­liers cul­turels, Trem­plin cherche à stim­uler la curiosité et le plaisir des jeunes pour d’autres univers artis­tiques ou institutionnels.

Si les nou­veaux bache­liers peu­vent béné­fici­er de par­rainage et de bours­es des parte­naires de Trem­plin, réus­sir leurs études supérieures leur demande tou­jours un tra­vail intense.

Et c’est tout naturelle­ment pour cer­tains qu’ils vont vouloir trans­met­tre ce qu’ils ont reçu en devenant à leur tour tuteur à Tremplin.

« Une Grande École, pourquoi pas moi ? » (GEPPM)

Depuis 2006, l’X a rejoint une ini­tia­tive née à l’ESSEC dont l’objectif est d’expliquer à des jeunes en voie d’orientation que le pas­sage par les grandes écoles est pos­si­ble, qu’il est por­teur de chances de suc­cès et d’emplois bien plus grandes que de nom­breuses voies uni­ver­si­taires (voir La Jaune et la Rouge, mars 2015), et que les sac­ri­fices que l’on con­sent en accep­tant le rythme de tra­vail cor­re­spon­dant est loin d’être aus­si pénal­isant que le racon­tent bien des médias.

Là encore, il faut repér­er, encadr­er, aider. Là encore, il faut béné­fici­er du con­cours de jeunes élèves de grandes écoles pour cette tâche de coach­ing. Là encore, il faut par­fois aider les jeunes à présen­ter un dossier de bourse ou apporter un sou­tien financier.

Là encore, il faut avec hon­nêteté expli­quer la nature du « con­trat » et aider les jeunes à respecter l’engagement qu’ils ont pris.

La fondation Georges-Besse

Fondée par un cer­tain nom­bre d’entreprises autour de François Besse après l’assassinat de Georges Besse (48) en 1986, cette fon­da­tion cherche aus­si à encour­ager les voca­tions d’ingénieur chez les enfants de milieux mod­estes : Georges Besse était le fils d’un poseur de lignes PTT.

Elle s’efforce d’apporter un sou­tien de longue durée aux jeunes sélec­tion­nés et compte par­mi ses anciens lau­réats d’innombrables jeunes « issus de la diver­sité » qui ren­con­trent, plus que d’autres, des dif­fi­cultés matérielles : une sorte d’affir­ma­tive action sans dog­ma­tisme chipoteur.

Sélection attentive et appui résolu

Ces trois insti­tu­tions ne sont pas les seules à cul­tiv­er cette approche. On con­naît par exem­ple l’action de l’Institut Ville­bon-Georges-Charpak (voir p. 32–33).

“ Une volonté d’agir dans le concret ”

Mais ces exem­ples sont rassem­blés ici pour des raisons de simil­i­tude dans l’approche : une sélec­tion fondée sur des critères de car­ac­tère autant que d’aptitude intel­lectuelle, sélec­tion par­ti­c­ulière­ment atten­tive à des milieux défa­vorisés ; une organ­i­sa­tion adap­tée de sou­tiens sur la longue durée ; une volon­té d’agir dans le con­cret plutôt que d’exposer des a pri­ori ; et un appui résolu apporté par des jeunes des grandes écoles à ces ini­tia­tives des­tinées à leurs futurs cadets.

C’est à bon escient que l’École poly­tech­nique elle-même invite nom­bre de ses élèves à effectuer leur stage de for­ma­tion humaine dans des opéra­tions d’encadrement liées à ce type d’initiatives

POUR EN SAVOIR PLUS

Asso­ci­a­tion Trem­plin : c/o AX, 5, rue Descartes, 75005 Paris, www.association-tremplin.org

GEPPM : c/o Pôle Diver­sité Réus­site, École poly­tech­nique, Palaiseau. À not­er que le pro­gramme est en cours de redéf­i­ni­tion sous l’égide élargie de l’Université Paris-Saclay

Fon­da­tion Georges-Besse : tour Are­va, 1, place Jean-Mil­li­er, 92084 Paris La Défense Cedex, www.fondationbesse.com

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