Des passerelles vers un monde meilleur

Dossier : SolidaritéMagazine N°705 Mai 2015
Par Benoît GENUINI (73)
Par Alain GOYÉ (85)
Par Hakara TEA (95)

Tu peux me par­ler un peu de ta famille ?
– Ma mère est morte quand nous étions petits et mon père nous bat­tait. Du coup, mon petit frère, mes deux sœurs et moi avons été recueil­lis par une tante, qui m’a tou­jours poussé à faire des études.
– Et si tu as ton bac, en août, que voudrais- tu étudi­er par la suite ?
– Les ordi­na­teurs. J’aimerais vrai­ment bien savoir m’en servir.
J’ai un oncle qui m’a expliqué tout ce qu’on peut faire avec Inter­net : on y trou­ve en un instant des images et des infor­ma­tions sur le monde entier. »

REPÈRES

L’associations Passerelles numériques emploie 94 personnes rémunérées, dont 72 salariés cambodgiens, philippins ou vietnamiens, huit salariés français, douze Français sous statut VSI (Volontaires de solidarité internationale) et deux personnes en service civique. En outre, une quarantaine de bénévoles se sont engagés en 2013 pour des durées variables de quelques jours à l’année complète à temps plein.
L’association bénéficie aussi de l’apport de volontaires d’entreprise, sous ses programmes de bénévolat ou de mécénat de compétences : ainsi, pour 2013, 26 salariés d’entreprises partenaires ont effectué des missions d’apport de compétences, d’une durée de deux semaines à six mois, ce qui représente près de 3 800 heures de support. Enfin, nos partenaires entreprises ont soutenu l’association à hauteur de 492 000 euros, près d’un tiers de ses ressources annuelles.

Enthousiasme et détermination

De tous les can­di­dats que nous avions ren­con­trés ce week-end-là, Van­na était cer­taine­ment le plus ent­hou­si­aste et le plus déterminé.

Un jeune de vingt ans, qui a gran­di dans les riz­ières du Ban­teay Meanchey, l’une des provinces les plus peu­plées, mais aus­si les plus pau­vres du Cam­bodge, et qui com­mence à sor­tir tous ces mots liés à l’informatique, qu’il a enten­dus çà et là : « Scan­ner, virus, Pho­to­shop (pronon­cé foto­ssop), bases de données. »

Van­na les égrenait comme d’autres lis­teraient des des­ti­na­tions de voy­age. Éton­nant con­traste avec le can­di­dat précé­dent qui pen­sait que « sys­tèmes d’information » sig­nifi­ait journalisme.

Aider les siens, servir son pays

“ Une aventure entrepreneuriale et humaine qui repose sur la confiance, la responsabilité et la solidarité ”

C’était il y a bien­tôt dix ans. Van­na est devenu, deux mois plus tard, l’un des vingt pre­miers étu­di­ants de Passerelles numériques, l’association que nous avons mon­tée en 2005, via un pre­mier cen­tre de for­ma­tion à Phnom Penh, la cap­i­tale du Cambodge.

Après deux ans seule­ment de for­ma­tion lin­guis­tique, tech­nique et humaine, il a décroché un tra­vail bien rémunéré, qui lui a per­mis d’aider ses frère et sœurs et, un peu plus tard, de fonder une famille.

Une classe de Passerelles Numériques

Et cela tout en con­tribuant au développe­ment de l’outil infor­ma­tique, un frein majeur à la recon­struc­tion de ce petit pays, tou­jours mar­qué par un géno­cide, des années de guerre civile, un manque chronique de qual­i­fi­ca­tions et d’infrastructures éduca­tives : jusqu’à très récem­ment, aucun logi­ciel n’existait en langue locale.

Avec plus de mille jeunes défa­vorisés sor­tis depuis sa créa­tion et près de cinq cent cinquante étu­di­ants en cours de for­ma­tion aujourd’hui sur trois pays (un deux­ième cen­tre a été lancé aux Philip­pines en 2009 et un troisième au Viet­nam en 2010), Passerelles numériques est une aven­ture entre­pre­neuri­ale et humaine qui repose sur la con­fi­ance, la respon­s­abil­ité et surtout la sol­i­dar­ité de tous ceux qui se sont engagés à nos côtés.

Porteurs d’espoir

La sol­i­dar­ité de nos étu­di­ants tout d’abord. Pre­miers ambas­sadeurs de nos valeurs, ils ont con­science que la con­tin­u­a­tion du pro­jet, et donc le sort de futures pro­mo­tions, dépend de leur tra­vail, des mes­sages et des espoirs qu’ils vont porter au-delà des murs de nos cen­tres de formation.

“ Construire des passerelles entre des mondes qui n’ont pas l’occasion de se rencontrer ”

Celle de nos col­lab­o­ra­teurs ensuite. En France ou en Asie, cha­cun d’entre eux a choisi de s’éloigner des par­cours plus clas­siques (et con­fort­a­bles finan­cière­ment) pour un pro­jet proche de leurs aspirations.

Celle de nos bénév­oles, qui appor­tent leur temps et leurs com­pé­tences, que ce soit sur de l’aide à l’organisation d’événements, sur des inter­ven­tions pointues ou en amenant d’autres per­son­nes autour d’eux à s’engager à nous soutenir.

Le mécénat de compétences

La sol­i­dar­ité aus­si des par­ti­c­uliers et entre­pris­es qui sou­ti­en­nent nos pro­jets finan­cière­ment, avec la par­tic­u­lar­ité pour ces dernières d’impliquer, en plus, leurs salariés via des mis­sions de mécé­nat de com­pé­tences : pro­jets tech­niques, d’amélioration con­tin­ue, ou pro­fes­sion­nal­i­sa­tion de nos équipes (une impor­tante source de moti­va­tion pour nos col­lab­o­ra­teurs en Asie).

Une classe de passerelles numériquesEn près de dix ans, plus de deux cents col­lab­o­ra­teurs ont ain­si choisi d’apporter leurs savoir-faire, sur leur temps de vacances, à l’autre bout du monde et dans des con­di­tions aus­si spar­ti­ates qu’exotiques, bien éloignées des stan­dards occi­den­taux, pen­dant que des employés locaux d’entreprises parte­naires se mobilisent en marge de leurs heures de tra­vail sur des activ­ités plus régulières.

Relever les plus grands défis

En ces temps de défi­ance et de repli sur soi, notre asso­ci­a­tion reste plus que jamais per­suadée que l’on peut relever les plus grands défis en con­stru­isant des passerelles entre des mon­des qui n’ont pas l’occasion de se rencontrer.

Cha­cun devrait pou­voir exprimer sa citoyen­neté et sa sol­i­dar­ité à la mesure de ses envies et de ses capacités.

Une famille cambodgienne

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