Les supercalculateurs ont un rôle clé dans le domaine de la recherche appliquée à la défense

Focus sur un acteur clef de la recherche technologique

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°750 Décembre 2019
Par Jacques-Charles LAFOUCRIÈRE

Le CEA est un acteur européen capa­ble de met­tre en œuvre les cen­tres de cal­culs de demain pour répon­dre aux besoins de la défense, de l’industrie et de la recherche. Ren­con­tre avec Jacques-Charles Lafou­crière, Chef de pro­jet infor­ma­tique à la Direc­tion des Appli­ca­tions Mil­i­taires du CEA.

Quel est le positionnement du CEA ?

Acteur majeur de la recherche, du développe­ment et de l’innovation, le CEA inter­vient dans 4 domaines : la défense et la sécu­rité (con­fiée à la Direc­tion des appli­ca­tions mil­i­taires — DAM), les éner­gies décar­bonées (nucléaire et renou­ve­lable), la recherche tech­nologique et la recherche fon­da­men­tale pour les sci­ences de la matière et les sci­ences du vivant. Ses mis­sions, notam­ment au ser­vice de la dis­sua­sion nucléaire française, l’ont con­duit à se posi­tion­ner comme un acteur majeur et un moteur du cal­cul haute per­for­mance (High Per­for­mance Com­put­ing) et du traite­ment mas­sif des données.

Depuis l’arrêt défini­tif des essais nucléaires français en 1996, le CEA/DAM doit garan­tir la sûreté et la fia­bil­ité des armes nucléaires français­es par la sim­u­la­tion. La grande com­plex­ité des cal­culs de fonc­tion­nement d’une arme et la néces­sité d’un haut niveau de pré­ci­sion des éval­u­a­tions imposent l’utilisation de super­cal­cu­la­teurs très per­for­mants. Pour répon­dre aux besoins de la défense dans le respect des délais des pro­grammes et en toute sou­veraineté, le CEA/DAM développe depuis 2001, des super­cal­cu­la­teurs aux per­for­mances req­ui­s­es, en parte­nar­i­at avec l’industriel français (européen) Atos.

En démon­trant la per­for­mance de ces machines sur les sim­u­la­tions par­ti­c­ulière­ment con­traig­nantes du CEA/DAM, Atos dis­pose d’un solide argu­ment pour pro­mou­voir ces super­cal­cu­la­teurs auprès des indus­triels et des lab­o­ra­toires de recherche inter­na­tionaux. Cette démon­stra­tion est con­fortée par l’usage de cal­cu­la­teurs sim­i­laires à ceux de la dis­susa­sion dans les cen­tres de cal­cul opérés par le CEA/DAM con­join­te­ment à celui dédié à la dis­sua­sion, l’un pour la recherche académique européenne, l’autre pour l’industrie.

Quels sont vos autres partenariats ?

Le CEA sou­tient un écosys­tème du cal­cul haute per­for­mance en France. Le parte­nar­i­at indus­triel avec Bull, depuis 2001, à présent au sein d’Atos, per­met de dis­pos­er d’un con­struc­teur HPC européen de niveau mon­di­al. Nous col­laborons avec des four­nisseurs de tech­nolo­gies comme Intel ou ARM dans le domaine des processeurs, ain­si qu’avec des PME français­es comme Ope­nIO, et 2CRSi, dans le domaine du stock­age de don­nées. Les pro­grammes de recherche et d’innovation sont faits en co-con­cep­tion pour réalis­er des pro­duits répon­dant au marché du cal­cul inten­sif, le CEA/DAM met­tant en œuvre les cal­cu­la­teurs têtes de série. Nous tra­vail­lons sur le développe­ment de logi­ciels en mode com­mu­nau­taire, avec l’Institut Français du Pét­role et des Éner­gies Nou­velles (IFPEN). Enfin, nous tra­vail­lons aus­si sur le développe­ment de logi­ciels en Open Source.

Quels sont les axes qui vous mobilisent ?

Avec Atos, nous nous focal­isons sur les machines de classe exaflop­ique (mil­liards de mil­liards d’opérations par sec­onde), dont nous visons une pre­mière ver­sion en 2021. Les super­cal­cu­la­teurs imposent une maîtrise de l’efficacité énergé­tique. Avec ces machines com­plex­es qui com­por­tent des mil­liers de petits ordi­na­teurs de cal­cul, il faut aus­si que les logi­ciels qui gèrent les machines détectent toute panne d’un com­posant pour pour­suiv­re le cal­cul de façon fiable.

De plus, nous devons résoudre le prob­lème de ges­tion des gigan­tesques flux de don­nées générées par les cal­culs. Notre ambi­tion est aus­si de ren­dre ces machines aus­si faciles d’utilisation qu’un logi­ciel de stock­age de type Cloud.

Qu’en est-il de vos enjeux ?

Les machines exaflop­iques sont com­posées de plusieurs mod­ules de tech­nolo­gies dif­férentes, cha­cune opti­misée pour un type de cal­cul ou d’algorithme pour un usage spé­ci­fique. Il va donc fal­loir maîtris­er cette plus grande diver­sité afin de rem­porter ces défis. Par ailleurs, avec la con­ver­gence du cal­cul haute per­for­mance et de l’intelligence arti­fi­cielle (High Per­for­mance Data Analy­sis), il faut affron­ter la prob­lé­ma­tique de traite­ment inhérente aux très grandes bases de don­nées. Dans ce cadre, nous prévoyons l’utilisation de nou­velles machines, comme les cal­cu­la­teurs quan­tiques, qui auront un mode d’utilisation com­plète­ment dif­férent. Nous avons instal­lé un « sim­u­la­teur quan­tique », la Quan­tum Learn­ing Machine d’Atos pour nous pré­par­er ain­si que d’autres util­isa­teurs aux nou­velles généra­tions de super­cal­cu­la­teurs et adapter, en avance de phase, nos logi­ciels et out­ils de calcul.

Vos perspectives ?

Nous avons une vision sur les 10 ans à venir avec les machines exaflop­iques. Cela per­met à la dis­sua­sion française (et glob­ale­ment la défense) de dis­pos­er de cal­cu­la­teurs au meilleur niveau mon­di­al. À plus long terme, nous nous pré­parons à l’utilisation des machines quan­tiques. Cette stratégie est utile pour la Défense, l’industrie et la recherche et con­duira à de nou­veaux usages (san­té, matéri­aux…). En co-dévelop­pant les super­cal­cu­la­teurs du futur avec Atos, nous con­tribuons à la com­péti­tiv­ité du tis­su indus­triel et de recherche français et européen, et donc à notre souveraineté.


> A pro­pos du CEA : Le CEA/Grenoble, une entre­prise résol­u­ment han­di-accueil­lante, La Jaune et la Rouge N° 726 Juin/Juillet 2017

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