Focus sur le béton de bois qui révolutionne la construction

Le monde de la construc­tion, notam­ment à cause de l’empreinte car­bone du ciment, est un des prin­ci­paux émet­teurs de gaz à effet de serre. Pous­sé par une très forte pres­sion régle­men­taire, le sec­teur accé­lère sa décar­bo­na­tion. Pour aider l’ensemble de cet éco­sys­tème à rele­ver ce défi, CCB Green­tech, une entre­prise fran­çaise inno­vante, a déve­lop­pé le pre­mier béton de bois struc­tu­rel à bilan car­bone néga­tif. Aujourd’hui, ce maté­riau bio­sour­cé aux nom­breux avan­tages envi­ron­ne­men­taux a voca­tion à révo­lu­tion­ner la construc­tion. Laurent Noca, direc­teur tech­nique et cofon­da­teur, et Cédrik Lon­gin, direc­teur exé­cu­tif, nous en disent plus dans cet entre­tien croisé.

Alors que la course à la décarbonation du secteur de la construction s’accélère, CCB Greentech accompagne les acteurs du bâtiment en mettant à leur disposition le premier béton de bois structurel à bilan carbone négatif. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette innovation et le travail de R&D que vous avez mené ?

À l’origine de CCB Green­tech, il y a Fran­çois Cochet, notre fon­da­teur qui a, au fil des années, déve­lop­pé un impor­tant savoir-faire dans le domaine de l’exploitation fores­tière et de la scie­rie en Auvergne Rhône-Alpes. Gui­dé par une vision éco­lo­gique forte, il s’est très tôt pen­ché sur la ques­tion de la valo­ri­sa­tion de l’arbre dans son ensemble. Ain­si, dans le cadre de l’activité de scie­rie qu’il a déve­lop­pée dans la région, jusqu’à 60 % des chutes de bois étaient valo­ri­sées dans le sec­teur indus­triel de la pape­te­rie. Avec l’accélération de la digi­ta­li­sa­tion et le déve­lop­pe­ment du papier recy­clé, nous avons com­men­cé à cher­cher d’autres appli­ca­tions pour valo­ri­ser ces chutes de bois de construction.

Au fil des réflexions et des expé­ri­men­ta­tions, une des pistes rete­nues consis­tait à uti­li­ser ces chutes pour fabri­quer un béton de bois. Au début des années 2000, nous avons ain­si lan­cé les pre­mières études et les tra­vaux de R&D pour trou­ver un mélange qui nous per­met­trait de fabri­quer un béton en bois avec ces chutes de scie­rie. C’est ain­si que CCB Green­tech a vu le jour en 2006 avec la pro­fonde convic­tion que le béton de bois dis­po­sait de tous les atouts pour révo­lu­tion­ner le monde de la construc­tion et contri­buer à sa néces­saire décar­bo­na­tion. Suite à cette phase de déve­lop­pe­ment tech­nique, une étape par­ti­cu­liè­re­ment exi­geante dans le sec­teur de la construc­tion, nous avons fait agréer notre solu­tion par le CSTB, le Centre Scien­ti­fique et Tech­nique du Bâti­ment, avec l’obtention d’un pre­mier avis tech­nique en 2010 qui nous a per­mis de lan­cer la com­mer­cia­li­sa­tion de notre béton de bois en pré­fa­bri­ca­tion lourde.

Aujourd’hui, quel est le positionnement de CCB Greentech ?

Après plus d’une quin­zaine d’années de R&D et le dépôt d’une dizaine de bre­vets sur la tech­no­lo­gie et les prin­cipes construc­tifs en béton de bois, com­po­sé à 80% de bois en volume, nous avons déve­lop­pé une connais­sance très fine de ce maté­riau et de sa mise en œuvre sur chan­tier. Nous sommes ain­si désor­mais en capa­ci­té de vendre un sys­tème de licence pour la fabri­ca­tion des pan­neaux (murs, plan­chers…) à des­ti­na­tion d’industriels spé­cia­li­sés dans la fabri­ca­tion lourde. Nous avons déjà deux licen­ciés de pre­mier plan : Pré­fa du Léman, lea­der en région AURA qui vient tout juste d’inaugurer une usine ayant une capa­ci­té de pro­duc­tion de plus de 200 000 m² de murs pré­fa­bri­qués et de pré-dalles en béton de bois, et Spur­gin Leon­hart, le lea­der natio­nal des pré-murs qui a déjà une capa­ci­té de pro­duc­tion de 50 000 m² par an dans son usine des Bouches-du-Rhone et qui inau­gu­re­ra une usine dédiée au béton de bois d’une capa­ci­té de 300 000 m² durant le pre­mier semestre 2024. Ces deux licen­ciés pour­ront alors pro­duire les murs et les pré-dalles d’environ 5 000 loge­ments par an.

En tant qu’industriel spé­cia­liste du bois, nous pro­dui­sons et appro­vi­sion­nons nos licen­ciés en gra­nu­lats de bois qui sont uti­li­sés pour la fabri­ca­tion du béton de bois. Ils rem­placent ain­si la tota­li­té du sable et du gra­vier, qui sont des com­po­sants essen­tiels de la for­mule du béton tra­di­tion­nel, par notre gra­nu­lat de bois. Notre tech­no­lo­gie per­met donc de sub­sti­tuer des res­sources épui­sables par une res­source renou­ve­lable ! Par ailleurs, nous n’utilisons que du bois de tri­tu­ra­tion, c’est-à-dire des copro­duits de l’exploitation fores­tière, pro­ve­nant exclu­si­ve­ment de la région Auvergne-Rhône-Alpes, au plus proche de notre usine.

En paral­lèle, nous avons aus­si déve­lop­pé un panel de solu­tions construc­tives qui sont com­mer­cia­li­sées par nos licen­ciés. Nous avons ain­si quatre sys­tèmes construc­tifs agréés et avons éga­le­ment enga­gé les démarches pour en agréer deux nou­veaux auprès du CSTB.

Aujourd’hui, notre tech­no­lo­gie peut être uti­li­sée pour tous les types de bâti­ments, du rez-de-chaus­sée au R+10 et dans la limite d’une hau­teur de 28 mètres (habi­tat col­lec­tif, mai­son indi­vi­duelle, ter­tiaire, indus­triel, éta­blis­se­ment rece­vant du public…). De nom­breux pro­jets ont d’ores et déjà été construits et fina­li­sés en béton de bois. Les majors du monde de la construc­tion ont de plus en plus recours à notre maté­riau bio­sour­cé : Bouygues, Eif­fage, Spie bati­gnolles, Dema­thieu Bard, Nexi­ty… Et sur le court terme, une soixan­taine de pro­jets de construc­tion avec notre béton de bois vont démar­rer, sur tous types de bâtiments.

Quels sont les principaux atouts et avantages du béton de bois pour la construction ?

Sur le plan tech­nique, le béton de bois dis­pose de pro­prié­tés tout à fait inté­res­santes en matière de résis­tance méca­nique, d’isolation inté­grée et de confort ther­mique. Pour aller encore plus loin, le béton de bois a éga­le­ment un com­por­te­ment dit « hygro­ther­mique », c’est-à-dire qu’il contri­bue à régu­ler la tem­pé­ra­ture et le taux d’humidité de l’air à l’intérieur. L’inertie excep­tion­nelle qu’il apporte per­met aux bâti­ments de consom­mer très peu d’énergie en hiver et de béné­fi­cier d’un confort d’été unique sur le mar­ché. En ce sens, notre solu­tion répond par­fai­te­ment aux contraintes impo­sées par la RE2020. 

En paral­lèle, il offre une excel­lente absorp­tion acous­tique et per­met, en autre, d’éviter le phé­no­mène de réso­nance ce qui est par­ti­cu­liè­re­ment appré­ciable dans les bureaux, les open spaces et les usines. 

Contrai­re­ment à ce que l’on pour­rait pen­ser de manière intui­tive, le béton de bois a, par ailleurs, une très bonne résis­tance au feu. Selon les confi­gu­ra­tions, les murs en béton de bois peuvent tenir plus de trois heures face au feu dans le cadre d’essais nor­ma­li­sés là où, sur le mar­ché du rési­den­tiel, la norme est fixée à 60 minutes. Sur les éta­blis­se­ments accueillant du public, la résis­tance de nos bétons excède deux heures.

Le béton de bois a la par­ti­cu­la­ri­té d’être trois fois plus léger que le béton tra­di­tion­nel. Dans le cadre de la légis­la­tion qui vise le zéro arti­fi­cia­li­sa­tion nette à hori­zon 2050, il per­met d’explorer des pistes nou­velles pour construire en hau­teur et faire des sur­élé­va­tions là où il n’est pas for­cé­ment pos­sible de le faire avec du béton tra­di­tion­nel. Par ailleurs, le béton de bois n’émet pas de Com­po­sants Orga­niques Vola­tiles (COV).

Enfin, nous capi­ta­li­sons aus­si sur les atouts rela­tifs à la pré­fa­bri­ca­tion lourde. En effet, la mise en œuvre de grands pan­neaux pro­duits sur mesure per­met de gagner du temps sur les chan­tiers, repré­sente une excel­lente réponse à la pénu­rie de main d’œuvre et génère beau­coup moins de déchets, qui peuvent repré­sen­ter jusqu’à 1 % du coût d’un chan­tier tra­di­tion­nel. Et tous ces élé­ments contri­buent aus­si à réduire les nui­sances pour les rive­rains des chan­tiers : ces der­niers sont bien plus rapides, plus propres et moins bruyants !

Qu’en est-il plus particulièrement sur le plan environnemental ?

Au-delà de la pro­duc­tion locale des gra­nu­lats de bois et du fait que le béton de bois est un maté­riau bio­sour­cé, ce der­nier dis­pose d’un bilan car­bone néga­tif sur la plu­part des appli­ca­tions. 5 FDES qui en attestent sont dis­po­nibles sur la base natio­nale de l’INIES.

Et sur le volet fin de vie, nous avons effec­tué des tests qui ont démon­tré qu’un pan­neau de béton de bois en fin de vie peut être recy­clé à 100 % afin de pro­duire de nou­veaux pan­neaux de béton de bois.

Alors que la décarbonation s’accélère, quels sont vos perspectives et vos enjeux ?

Notre béton de bois est une réponse per­ti­nente et per­for­mante pour décar­bo­ner le sec­teur de la construc­tion. D’ailleurs, nous venons tout juste d’apprendre que nous étions lau­réats du pro­gramme Green­tech Inno­va­tion mis en place par le Minis­tère de la Tran­si­tion Eco­lo­gique. Nos tra­vaux et le déve­lop­pe­ment de notre acti­vi­té sont sou­te­nus par des action­naires de pre­mier rang comme Lafarge Hol­cim, le Cré­dit Agri­cole… ain­si que par la BPI ou l’ADEME. C’est un gage de la per­ti­nence de notre démarche et de notre posi­tion­ne­ment sur le marché.

Enfin, nous res­tons mobi­li­sés et plei­ne­ment enga­gés pour contri­buer à cette démarche néces­saire de décar­bo­na­tion, à tra­vers la mise en œuvre d’une filière de recy­clage du béton de bois.

Pour poursuivre votre développement, quels sont les profils et les compétences que vous recrutez ?

Sur la par­tie tech­nique de notre acti­vi­té, nous recru­tons des ingé­nieurs avec un pro­fil génie civil ou qui ont une expé­rience dans le monde du bâti­ment pour accom­pa­gner nos nou­veaux déve­lop­pe­ments et nos démarches d’agréments.

Nous recher­chons aus­si des per­sonnes diplô­mées de grandes écoles de com­merce pour tra­vailler sur le déve­lop­pe­ment com­mer­cial et les actions marketing.

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