Femmes à l'Executive Master de l'École polytechnique

Femmes dirigeantes à l’Executive Master de Polytechnique : une minorité affirmée

Dossier : 50 ans de féminisation de l'XMagazine N°777 Septembre 2022
Par Cécile CHAMARET (D12)
Par Nicolas MOTTIS (D93)

Huit femmes dirigeantes ayant par­ticipé à l’Exec­u­tive Mas­ter de l’X appor­tent leur retour d’expérience sur l’intérêt de cette for­ma­tion pour leur car­rière et pour leur épanouisse­ment per­son­nel. Elles livrent aus­si leurs moyens pour lever les freins qui pèsent sur les femmes et les invi­tent à inve­stir sur elles-mêmes dans ce pro­gramme pour cadres et dirigeants à haut potentiel.

La pro­por­tion de femmes dans les pro­grammes d’Exec­u­tive Edu­ca­tion est sou­vent assez lim­itée. Les fac­teurs expli­cat­ifs sont en par­tie con­nus : auto­cen­sure, dif­fi­cultés d’agenda, finance­ment, etc. Pour­tant celles qui s’y enga­gent ne le regret­tent pas et en retirent en général le plus grand béné­fice. L’Exec­u­tive Mas­ter a mis en place depuis plusieurs années dif­férentes actions pour encour­ager les can­di­da­tures féminines et, mai­gre exploit, la barre des 20 % a enfin été franchie avec la pro­mo­tion 4. La crois­sance con­tin­ue et on attend 30 % de femmes dans la pro­mo­tion 6 qui fera sa ren­trée en sep­tem­bre 2022. Alors qu’en est-il en réal­ité ? Quelques par­tic­i­pantes témoignent…

Pourquoi à ton avis y a‑t-il si peu de femmes dans l’Executive Master ?

Anne-Chris­telle Rein­ert-Rof­fé (E19) : Les freins peu­vent être : trou­ver le bon tim­ing dans une car­rière, moins flu­ide que pour un homme ; le temps d’inves­tissement, les mas­ters ou MBA à temps par­tiel sont sou­vent le ven­dre­di, le same­di et par­fois le dimanche, se libér­er qua­tre jours tous les mois peut être com­pliqué à faire accepter en interne ou à ses clients ; le manque de clarté au sujet du retour sur investissement.

Nathalie Pavia (E20) : La coop­ta­tion de can­di­dates femmes pour­rait être encour­agée. On a toutes et tous con­nais­sance d’au moins une femme qui serait par­tante pour vivre cette aventure.

Marcela San­ti­ni (E20) : Le retour sur investisse­ment n’est pas tou­jours clair pour les femmes dirigeantes. Lorsqu’elles choi­sis­sent de s’engager dans l’entrepreneuriat, se for­mer avec l’Exec­u­tive Mas­ter est un gros investisse­ment. Lorsqu’elles tra­vail­lent pour une grande entre­prise, la for­ma­tion con­tin­ue n’est pas néces­saire­ment perçue comme le moyen le plus évi­dent de faire évoluer sa car­rière. Il faut une moti­va­tion per­son­nelle et se sen­tir prête (et libre) d’investir « en soi ».

Gaëlle Rey (E19) : Coop­ta­tion, retour sur investisse­ment et inve­stir dans « soi-même », j’adhère aux pro­pos de Nathalie et de Marcela. J’ai tou­jours adop­té (comme une sec­onde peau) la pos­ture dans l’entreprise d’une « vail­lante com­bat­tante ». Grande perte d’énergie à con­va­in­cre et à défi­er le sys­tème. L’Exec­u­tive Mas­ter est un pari sur l’avenir : par appro­fondisse­ments suc­ces­sifs devenir moi-même et avoir de l’impact sans avoir à prou­ver ma légitim­ité. Je n’ai pas encore la réponse, si… ça marche !

Car­ole Hen­ry (E17) : Seule diplômée de la pre­mière pro­mo­tion, mon élé­ment de déci­sion a été d’estimer la charge men­tale sup­plé­men­taire que pou­vait représen­ter une telle aven­ture. L’intensité du pro­gramme est-elle com­pat­i­ble avec les respon­s­abil­ités qui pèsent sur une femme au sein de la famille ? Sera-t-il pos­si­ble de véri­ta­ble­ment se con­cen­tr­er durant les cours et le pro­jet de groupe ? Pour ma part, la qual­ité des rela­tions avec mes coaven­turi­ers mais aus­si celle des cours et des inter­venants ont été les répons­es à ces ques­tions, et cela tout au long du pro­gramme. Près de trois ans après mon diplôme, ce plaisir d’explorer, d’apprendre et d’interagir avec des per­son­nes d’horizons var­iés m’a per­mis de me créer un avenir plus en adéqua­tion avec mes aspi­ra­tions et mes valeurs.

“Aux femmes de faire preuve d’audace et s’affranchir des clichés !”

Can­dice Coulloc’h (E18) : Les stéréo­types de genre entre­ti­en­nent les iné­gal­ités hommes-femmes et sont extrême­ment présents dans notre société. Un ami m’a décon­seil­lé de porter du ver­nis à ongles lors de mon entre­tien à l’Exec­u­tive Mas­ter, en me dis­ant : « Poly­tech­nique, c’est l’armée. » Aux femmes de faire preuve d’audace et de s’affranchir des clichés ! Le manque de temps ne me paraît pas être un obsta­cle ; lorsque l’on est rapi­de, effi­cace et organ­isée, l’Exec­u­tive Mas­ter peut appa­raître comme une bulle d’oxygène et nous apporter, par ses enseigne­ments et ses ren­con­tres, un véri­ta­ble gain de temps en sit­u­a­tions professionnelles.

Marie Le Pargneux (E18) : Cer­taines études mon­trent qu’un homme accepte un nou­veau poste quand il con­sid­ère avoir en moyenne 50 % des com­pé­tences req­ui­s­es, une femme cherche à avoir 80 % des com­pé­tences req­ui­s­es pour le poste. S’engager dans un pro­gramme d’excellence comme l’Exec­u­tive Mas­ter est peut-être plus dif­fi­cile à imag­in­er pour une femme, d’autant plus si elle cumule des respon­s­abil­ités pro­fes­sion­nelles fortes avec une charge famil­iale et quelques engage­ments par ailleurs. La plu­part des can­di­dates qui m’ont con­tac­tée pour échang­er sur le pro­gramme avaient passé la pre­mière bar­rière (suis-je légitime ?) et s’interrogeaient sur la deux­ième (com­ment puis-je gér­er cette for­ma­tion en plus du reste ?). Venait ensuite la ques­tion du retour sur investisse­ment de la formation.

Élodie Pot­devin (E19) : Pour moi les sujets sont : con­nais­sance des pro­grammes (leur exis­tence, les pro­fils recher­chés, le pro­gramme, les valeurs) ; con­fi­ance en soi pour le men­er à bien en résis­tant à la pres­sion sociale du : com­ment tu vas faire ? et ta famille ? et mon préféré « mais pourquoi tu fais ça ? » ; capac­ité de l’entreprise à pro­pos­er, val­oris­er et accom­pa­g­n­er les car­rières des femmes, et des femmes à se pos­er la ques­tion de leur car­rière, ce qu’elles veu­lent, ce qu’elles osent chercher ; manque de réseau de femmes d’anciennes pour inter­a­gir, ras­sur­er, men­tor­er, voire coopter ou soutenir.

Penses-tu que cette expérience de formation est difficile à vivre pour une femme ? 

Anne-Chris­telle : Non, pas plus que pour un homme, c’est un engage­ment, une démarche qu’un homme ou une femme fait pour son pro­pre appren­tis­sage, dans un objec­tif d’amélioration ou encore de per­fec­tion­nement. Cette démarche en fonc­tion de sa sit­u­a­tion pro­fes­sion­nelle et per­son­nelle passe par une val­i­da­tion des par­ties prenantes sur des bases claires et pré­cis­es. C’est une déci­sion éclairée qui n’est pas subie, elle est choisie, pré­parée et anticipée.

Nathalie : Bien sûr que non ! La cama­raderie est tout à fait mixte ! Mais ça fait vingt ans que je suis dans des cur­sus où il y a tou­jours moins de 20 % de femmes… À force, on con­naît les codes ! 

Marcela : Absol­u­ment pas. Et c’est bien là le prob­lème. Nous devons com­mu­ni­quer sur tous les avan­tages de cette expéri­ence, en par­ti­c­uli­er l’accueil qui nous est réservé dans cette école d’excellence, qui val­orise notre pré­cieuse expéri­ence professionnelle.

Gaëlle : Je n’ai pas eu le sen­ti­ment que la dif­fi­culté fût liée au genre. J’ai plus l’impression que c’est venu du fait d’être basée en province. Par­fois j’ai mis plus de temps à venir qu’un cama­rade qui arrivait de Hong Kong. Les voy­ages ont été source de stress presque à chaque mod­ule (grèves, inci­dents à répéti­tion sur la voirie, Covid…).

“Cette expérience est aussi facile à vivre pour une femme que pour un homme.”

Car­ole : Les doutes du départ ont été grande­ment dis­sipés par la cohé­sion du groupe, l’entraide et le sou­tien de l’équipe du programme.

Can­dice : Drôle de ques­tion. Cette expéri­ence est aus­si facile à vivre pour une femme que pour un homme.

Marie : J’ai le sen­ti­ment d’avoir pleine­ment prof­ité de l’ensemble du pro­gramme, peut-être même plus que cer­tains de mes cama­rades de promotion.

Élodie : J’ai trou­vé que le pro­gramme néces­si­tait une véri­ta­ble organ­i­sa­tion quand il est mené de front avec une car­rière : gér­er les absences au bureau, les semaines de cours implique d’avoir des semaines très chargées aupar­a­vant et ensuite. Le deal était qu’il fal­lait que ça fût trans­par­ent pour l’entreprise… talk about pres­sure. Ça sig­ni­fie aus­si met­tre un peu entre par­en­thèse sa vie per­son­nelle, si l’on veut arriv­er pré­parée et dis­posée, et du tra­vail en fin de journée pour com­penser les absences. On ne peut pas nier qu’encore aujourd’hui les femmes gèrent une grande par­tie de l’intendance domes­tique, et ce même quand elles ont une car­rière, et que l’Exec­u­tive Mas­ter rajoute une charge. Mais elle est bien­v­enue : elle per­met de faire quelque chose pour soi, se retrou­ver, appren­dre, grandir, chang­er la dynamique interne en imposant une délé­ga­tion, appren­dre à se faire com­pren­dre. Une bulle d’oxygène, d’apprentissages et de ren­con­tres : ça devrait être oblig­a­toire ! Je sign­erais les yeux fer­més si cela était à refaire, j’ai appris à m’affirmer, à moins douter, à me faire con­fi­ance, à me con­fron­ter à mes lim­ites, à trou­ver de nou­veaux équili­bres, en ren­con­trant des gens for­mi­da­bles et suiv­ant des cours fasci­nants. Ça manque une fois que c’est fini.

Que devrait faire l’X pour faciliter cette expérience pour ses participantes ? 

Anne-Chris­telle : Com­mu­ni­quer sur le retour d’expérience, sur ce que cela apporte aux étu­di­ants (à tous, femmes et hommes), la richesse du partage, du tra­vail en groupe, les pro­jets, les inter­venants… L’approche non gen­rée me sem­ble plus effi­cace surtout pour la cible de l’Exec­u­tive Mas­ter. Met­tre unique­ment des femmes en avant ferait contre-emploi.

Nathalie : La pro­mo­tion, ou la pub­lic­ité de « binômes » homme et femme de la pro­mo, une sorte de témoignage croisé, ou une min­isérie de vidéos, etc. Je serais sen­si­ble à davan­tage de vis­i­bil­ité mixte, davan­tage que de témoignages 100 % féminins.

Marcela : Com­mu­ni­quer le fait que nous sommes accueil­lies, accep­tées, val­orisées au sein d’une équipe diver­si­fiée de pro­fes­sion­nels haute­ment qual­i­fiés, con­scients des béné­fices de la diversité.

Gaëlle : J’aime beau­coup l’idée de binôme de Nathalie. C’est d’autant plus fort que j’ai vrai­ment vécu aus­si un trinôme d’enfer avec Paul et Julien. Val­oris­er la mixité.

Car­ole : Par exem­ple, faciliter le partage d’expérience des femmes des précé­dentes pro­mo­tions sous la forme de ren­con­tres virtuelles pour échang­er avec les aspi­rantes, à un stade très pré­coce du proces­sus d’inscription ou créer un groupe What­sApp pour répon­dre à leurs ques­tions et les orienter.

Can­dice : De la pub­lic­ité en mon­trant des femmes, ce qu’elles sont en train de faire. Nous sommes ravies d’apparaître dans les témoignages et les pub­lic­ités afin d’inciter d’autres femmes à vivre l’aventure.

Marie : S’il s’agit de l’expérience une fois le pro­gramme démar­ré et donc la pro­mo­tion con­sti­tuée, rien à chang­er de mon point de vue !

Élodie : Favoris­er les temps d’échanges, met­tre en avant le fait que les femmes ont leur place, et surtout qu’elles peu­vent le faire. Faire en sorte que les hommes sou­ti­en­nent cette diver­sité. Peut-être même rap­pel­er que la for­ma­tion d’ingénieur n’est pas un prérequis.

De façon plus générale, maintenant que tu as fait le programme, quel conseil donnerais-tu à une candidate potentielle pour le programme ? 

Anne-Chris­telle : De se faire con­fi­ance, d’être curieuse et de cul­tiv­er son appé­tence pour le savoir et d’y aller, parce que les enseigne­ments, les inter­venants et les par­tic­i­pants sont d’une richesse infinie, et de com­pren­dre ce que l’Exec­u­tive Mas­ter va lui apporter dans sa vie pro­fes­sion­nelle et pour son épanouisse­ment. Et d’apprécier cette parenthèse.

Nathalie : De s’inscrire, d’oser et de fédér­er autour de ses idées pour le Team Project ou le Class Project.

Marcela : Go for it ! Il faut oser inve­stir en soi et dans ses pro­jets pro­fes­sion­nels. Cela ouvre des portes insoupçon­nées vers la con­nais­sance, des oppor­tu­nités et du réseau ! 

Gaëlle : Oser et dos­er. L’Exec­u­tive Mas­ter, c’est aus­si s’imposer des efforts, garder le goût de l’effort jusqu’au bout. Se faire la promesse qu’étudier, cela doit rester du plaisir ! 

Car­ole : Je con­seillerais de tout miser sur soi-même ! 

Can­dice : Je lui con­seillerais de ne pas hésiter à partager ses idées et à être leader d’un Team Project, de s’imposer avec douceur et fer­meté, et égale­ment de prof­iter à 100 % de cette expéri­ence unique et enrichissante. 

Marie : Par­ticiper à l’Exec­u­tive Mas­ter est une grande chance. Le meilleur moyen d’en prof­iter pleine­ment est de se laiss­er sur­pren­dre, de rester ouverte à l’inconnu, de s’engager à la hau­teur de ce que l’on souhaite y trou­ver, de se met­tre dans une dynamique d’apprentissage et de prévoir une bonne organ­i­sa­tion avec son entre­prise et sa famille pour l’année.

Élodie : Plonger, oser, s’organiser et s’écouter. Appren­dre à avoir con­fi­ance (en soi, dans les autres, dans le pro­gramme, sa péd­a­gogie) et savoir que c’est tout aus­si un chal­lenge pour les autres.


Les femmes interrogées : 

  • Car­ole Hen­ry – pro­mo 1 E17 – head of inno­va­tion & dig­i­tal – chief data officer.
  • Can­dice Coulloc’h – pro­mo 2 E18 – direc­trice générale / stratégie ori­en­ta­tion & inno­va­tion – AAZ-LMB. 
  • Marie Le Pargneux – pro­mo 2 E18 – chief devel­op­ment offi­cer Tehtris. 
  • Gaëlle Rey – pro­mo 3 E19 – cofon­da­trice de l’AgenceProton (imag­i­naires et inter­ac­tions fortes). 
  • Élodie Pot­devin – pro­mo 3 E19 – gen­er­al man­ag­er fash­ion acces­sories, IDO & CVC – Hermès. 
  • Anne-Chris­telle Rein­ert-Rof­fé – pro­mo 3 E19 – directrice
    de la stratégie client. 
  • Nathalie Pavia – pro­mo 4 E20 – Eurofins France safer@work, présidente.
  • Marcela San­ti­ni – pro­mo 4 E20 – tech­nol­o­gy and inno­va­tion project director. 

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