Didier PERROT (90)

Faciliter et sécuriser l’accès aux sites Internet

Dossier : TrajectoiresMagazine N°705 Mai 2015
Par Didier PERROT (90)
Par Hervé KABLA (84)

En cinq années, tu es passé d’une intuition à une entreprise technologique. Quelles étapes as-tu traversées pour cela ?

Je cit­erais le pre­mier tour de table, le lance­ment com­mer­cial, la cer­ti­fi­ca­tion de l’ANSSI, la sig­na­ture du pre­mier client, le pre­mier trimestre posi­tif, le pre­mier appel d’offres per­du, etc. Mais c’est une recon­struc­tion artificielle. 

CYBERSÉCURITÉ

Les entreprises n’ont pas de développement ni d’intégration à réaliser.
inWebo est l’une des premières entreprises labellisées France Cybersecurity par l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information), elle compte parmi ses clients des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs.

Il faut en fait con­stam­ment dévelop­per la tech­nolo­gie, réu­nir les tal­ents, ajuster le pro­duit au marché et financer. 

Ce sont des activ­ités récur­rentes à tous les stades du développe­ment, beau­coup plus tan­gi­bles que le fran­chisse­ment d’étapes. Au niveau per­son­nel, six ans après la déci­sion de quit­ter mon cor­po­rate job, je vis tou­jours un mélange de cer­ti­tude sans faille et de doute quotidien. 

Sans l’avoir anticipé, cette déci­sion a mar­qué la fin de la vie con­fort­able et un brin rou­tinière, con­stru­ite jusque-là. 

inWebo s’est positionné sur le marché de la sécurité, comment se crée-t-on une place au soleil dans un marché dominé par des mastodontes ?

Avec un meilleur pro­duit et en se con­cen­trant sur les besoins du marché ! Ce n’est pas très com­pliqué, car les mastodontes ont fort à faire pour maîtris­er leur organ­i­sa­tion, gér­er leurs ventes, rémunér­er leurs action­naires, et d’autres activ­ités sans aucune valeur pour leurs clients. 

En revanche, pour une toute petite struc­ture, sur un sujet pointu et B2B (busi­ness to busi­ness) comme le nôtre, il est très dif­fi­cile de percer la cara­pace créée par les direc­tions des achats et la cul­ture des grands groupes. 

Je suis recon­nais­sant aux pre­miers dirigeants qui nous ont fait con­fi­ance, en mis­ant sur notre capac­ité à les accom­pa­g­n­er, alors que nos pro­duits n’étaient pas aus­si rodés qu’aujourd’hui.

SE FAIRE UN NOM

D’où vient le nom inWebo ?
Comment fabrique-t-on le nom d’une entreprise ?

In vivo, in vit­ro, in Webo ! Dans le Web, au sein du Web. Les Améri­cains n’utilisent pas le latin, per­son­ne ne com­prend l’origine du nom aux États-Unis ! Mais c’est un nom court, sim­ple à pronon­cer dans toutes les langues. Les noms de domaine étaient disponibles, je les ai réservés. 

“ Il est difficile de percer la carapace créée par la culture des grands groupes ”

Il n’y a donc pas eu de proces­sus de créa­tion, le nom est arrivé avec l’idée, bien longtemps avant de décider de créer l’entreprise. Mais le logo, le design et le slo­gan ont évolué lente­ment. Je voulais éviter un design trop tech­nique, des images de cade­nas ou de cof­fres sou­vent asso­ciées à la cybersécurité. 

Nous sommes donc par­tis à l’opposé de cette imagerie et on me l’a sou­vent reproché. Vous n’imaginez pas le nom­bre de sar­casmes enten­dus sur la couleur ou la forme ini­tiale du logo ! 

Tu passes ton temps entre la France et les États-Unis, qu’est-ce que t’apporte cette double présence ? Et quels défauts ?

Je ne peux plus me plain­dre de la frilosité et de la morosité de l’environnement busi­ness ! Instal­lé dans la Mecque de l’Internet, là où les VC (ven­ture cap­i­tal­ists) vous arrê­tent dans la rue pour inve­stir dans des pro­jets qui ne sont encore que des présen­ta­tions, je ne peux m’en pren­dre qu’à moi-même si je ne parviens pas à faire d’inWebo une entre­prise globale. 

Les oppor­tu­nités sont beau­coup plus nom­breuses, mais la com­péti­tion plus sophis­tiquée, car nous sommes en con­cur­rence avec des start-ups inno­vantes et très bien financées et non avec les mastodontes évo­qués précédemment. 

Cet aigu­il­lon nous main­tient à la pointe de l’innovation. Nom­bre de nos parte­naires ont leur siège dans la Sil­i­con Val­ley alors qu’ils n’ont qu’un bureau com­mer­cial en France. Nous ne pour­rions pas tra­vailler avec ces sociétés sans présence aux États-Unis. 

ANONYMAT ET GRATUITÉ

L’anonymat sur le Web est-il mort ? Et si oui, pourquoi ?

La con­trepar­tie de ser­vices et de con­tenus gra­tu­its a tou­jours été le suivi et le ciblage pub­lic­i­taire. Il serait naïf de révér­er un Web orig­inel qui en aurait été dépourvu. Ce que nous appelons le Web a tou­jours été commercial ! 

L’usage des tech­nolo­gies de suivi est de plus en plus régulé, notam­ment en Europe, mais cela ne va pas chang­er la donne, qui est liée au mod­èle économique même du Web. Les com­merçants ten­tent d’ailleurs d’importer dans leurs mag­a­sins les mêmes pra­tiques. De nom­breuses start-ups pro­posent des solu­tions sur ce thème. 

« FRENCHTECH »

120 entreprises françaises sont venues au Consumer Electronic Show 2015, est-ce une mode ou une tendance de fond ?
Quel regard poses-tu sur la « FrenchTech » ?

Aller au CES est devenu à la mode, comme aller au Mobile World. Ça dur­era le temps que ça dur­era. Quant à l’efficacité com­mer­ciale de cette présence, je n’en sais rien. 

Je trou­ve très posi­tif cepen­dant que de plus en plus d’entreprises français­es aient très tôt une ambi­tion glob­ale. Une entre­prise tech­nologique qui se lim­it­erait au marché intérieur français a très peu de chances de se développer. 

Con­cer­nant la FrenchTech, je reste per­plexe. Aux États-Unis et dans la Sil­i­con Val­ley en par­ti­c­uli­er, les incu­ba­teurs sont privés, l’accompagnement et l’investissement sont le fait d’entrepreneurs.

L’action publique vise à stim­uler la demande par la com­mande publique comme l’initiative Cloud first où les admin­is­tra­tions doivent jus­ti­fi­er le fait de ne PAS utilis­er le Cloud pour leurs pro­jets appli­cat­ifs, à créer des mesures de sou­tien comme le Small Busi­ness Act, et à con­stru­ire des bar­rières à l’entrée pro­tégeant le marché intérieur, via nor­mal­i­sa­tions et certifications. 

UNE MULTIPLICITÉ D’OBJETS CONNECTÉS

Le mobile remplacera-t-il le poste de travail individuel ?

Page d'accueil InWeboNon ! Bien sûr, le desk­top tra­di­tion­nel – une unité cen­trale, un écran, un clavier, une souris – va pro­gres­sive­ment dis­paraître en dehors de cer­taines nich­es. L’ordinateur de bureau est désor­mais portable, tac­tile ou une tablette con­nec­tée au Cloud qui nous suit en permanence. 

Le mobile, c’est autre chose : ce qu’on gagne en hyper­mo­bil­ité en restant con­nec­té pen­dant les déplace­ments, on le perd en taille d’écran et en facil­ité de saisie, d’édition, de nav­i­ga­tion dans des doc­u­ments rich­es. Fonc­tions dif­férentes, con­traintes dif­férentes, objets différents. 

On essaiera, bien sûr, de les faire con­verg­er ; on com­mence à voir des mobiles avec un clavier et un écran pro­jetés sur une sur­face externe. 


UN TEMPS POUR LA RÉFLEXION

Tu es un coureur de fond émérite, qu’est-ce que t’apporte le sport dans ta vie d’entrepreneur ?

Du temps prop­ice à la réflex­ion et à l’inspiration. Je dis par­fois que la R & D ini­tiale d’inWebo s’est faite en marchant ou en courant. 

À une époque j’en étais presque venu à pren­dre avec moi un car­net pour not­er les idées qui me viendraient en courant afin d’être sûr de ne pas en oubli­er. L’heure passée à courir con­stitue l’un de mes seuls moments de détente déconnectés. 

Si c’était à refaire, que changerais-tu ?

“ Échouer souvent, mais échouer tôt »

C’est tou­jours à refaire ! J’ai démar­ré inWe­bo sans équipe, sans client, sans investis­seur. Il a fal­lu près de trois ans pour dévelop­per la tech­nolo­gie, le pro­duit, puis sign­er avec un pre­mier client. 

Le marché n’existait pas vrai­ment non plus, il nous a fal­lu beau­coup plus de temps, d’argent et d’énergie que prévu avant d’équilibrer le bilan. 

Je démarre actuelle­ment d’autres pro­jets, mais en prenant soin de réu­nir les ingré­di­ents néces­saires à un développe­ment rapi­de : fail often but fail ear­ly comme on dit dans la région de San Fran­cis­co. Échouer sou­vent mais échouer tôt. 

Et que conserverais-tu ?

Les per­son­nes – asso­ciés, investis­seurs, et tous mes « anges gar­di­ens » – qui ont partagé le risque avec moi, et qui ont fait du développe­ment de cette entre­prise une vraie aven­ture humaine.

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