Portrait de Fabien Choné dessiné par Laurent Simon

Fabien Choné (X91), un enthousiasme communicatif

Dossier : TrajectoiresMagazine N°788 Octobre 2023
Par Jérôme BASTIANELLI (X90)

Si l’on osait ce jeu de mots triv­ial, on dirait de Fabi­en Choné que ce cofon­da­teur de Direct Energie n’en manque pas (d’énergie !). Car il lui en faut, du dynamisme, pour con­cré­tis­er tous les pro­jets que sa curiosité intel­lectuelle et son ent­hou­si­asme font éclore.

L’his­toire poly­tech­ni­ci­enne de Fabi­en com­mençait pour­tant assez mal : son père, qui réus­sit le con­cours d’entrée en 1958, compte par­mi les très rares élèves ayant quit­té l’École sans être diplômé – pour des raisons à la fois dis­ci­plinaires et liées à une sco­lar­ité peut-être trop loin­taine­ment suiv­ie. Qu’importe, il se réfu­gia aux Mines de Nan­cy et fit une belle car­rière d’ingénieur, avant de décéder bru­tale­ment, en 1983, alors que Fabi­en n’avait que douze ans. 

Un rattrapage efficace

Mme Choné, pro­fesseure de physique-chimie, dut alors élever seule ses cinq enfants à Bag­no­let, où Fabi­en, le plus jeune de la fratrie (ex æquo avec son frère jumeau), fut un col­légien un peu dés­in­volte, dans un étab­lisse­ment où, par exem­ple, un élève n’avait pas hésité à couper aux ciseaux la barbe du pro­fesseur d’anglais. Il réus­sit néan­moins à inté­gr­er le lycée Charle­magne en classe de sec­onde, puis, in extrem­is, le lycée Con­dorcet en math­é­ma­tiques supérieures.

« À par­tir de la classe de sec­onde, j’ai passé ma vie à rat­trap­er le retard que j’avais accu­mulé plus jeune, mais j’ai tou­jours de gross­es lacunes », explique-t-il mod­este­ment, avec une pointe de regret. 

Il intè­gre l’X en 5/2 et part faire son ser­vice dans la Marine – sur le porte-avions Foch, qui nav­igue en Méditer­ranée. Sa pro­mo­tion, la 91, est chargée d’animer le plateau à l’occasion du bicen­te­naire de l’École, et Fabi­en soumet alors deux idées : d’une part, organ­is­er un match de foot­ball entre les élèves et le Var­iétés Club de France, qui compte dans ses rangs les plus fameux des anciens joueurs français ; d’autre part, installer dans le grand hall un vit­rail mod­erne, dess­iné par Hervé Loili­er (X67), qui for­ma aux beaux-arts plusieurs généra­tions de poly­tech­ni­ciens. Résul­tat : les élèves se firent bat­tre 4 à 0, Michel Pla­ti­ni reçut un « bicorne d’honneur » et le vit­rail orne tou­jours ce qui tient lieu de nef à notre école. 

Direct Energie

Attiré par les travaux publics, Fabi­en Choné fait son appli­ca­tion aux Ponts et Chaussées, mais un stage sur le chantier de l’université Léonard-de-Vin­ci le con­va­inc que son bon­heur se trou­ve ailleurs. Il com­mence sa car­rière chez Deha-com, une petite entre­prise qui a mis au point un sys­tème révo­lu­tion­naire de métrolo­gie des ouvrages d’art, fondé sur des tres­sages de fibres optiques, puis rejoint, presque par hasard, EDF, d’abord à la direc­tion de la recherche et du développe­ment, puis à la direc­tion de la stratégie, où il s’occupe de pré­par­er l’ouverture du marché à la con­cur­rence. Il soumet alors l’idée, sans doute un peu osée pour l’époque, qu’EDF crée sa pro­pre fil­iale low-cost ; la sug­ges­tion est fraîche­ment accueil­lie, mais il la met­tra quand même en œuvre de son côté : après avoir quit­té l’entreprise nationale, il fonde Direct Energie en 2003, avec deux amis dont un cama­rade de promotion.

“Énergie, liberté.”

Fabi­en se retrou­ve alors con­fron­té aux déli­cates ques­tions du droit de la con­cur­rence, fonde l’Anode (Asso­ci­a­tion nationale des opéra­teurs détail­lants en énergie) en 2006, pro­pose le com­plexe (et aujourd’hui con­tro­ver­sé) mécan­isme de l’Arenh (Accès régulé à l’électricité nucléaire his­torique), attire sur son entre­prise en développe­ment l’attention des investis­seurs, et finit par la reven­dre à Total, en 2018. Quand on lui demande quel est son meilleur sou­venir de cette for­mi­da­ble réus­site entre­pre­neuri­ale, il ne répond pas chiffre d’affaires ou nom­bre de clients, non, il évoque d’emblée, avec une émo­tion qui renaît dans toute sa fraîcheur, la vic­toire de Lil­ian Calme­jane dans la 8e étape du Tour de France 2017 : le cycliste roulait aux couleurs de Direct Energie. 

Un musée Guimard ? 

Aujourd’hui, Fabi­en mène une triple vie. Le matin, il tra­vaille, manuelle­ment, sur le chantier de réno­va­tion de la Faisanderie du château d’Arcueil, qu’il a rachetée presque en ruine il y a quinze ans et qu’il souhaite trans­former en site de récep­tion pour entre­pris­es. L’après-midi, il développe avec sa hold­ing, Fabel­si, qui regroupe divers­es start-up inter­venant dans le domaine de la tran­si­tion énergé­tique. Sa pas­sion pour le pat­ri­moine l’amène aus­si, dès qu’il le peut, à se bat­tre avec fer­veur pour la trans­for­ma­tion de l’hôtel Mez­zara, à Paris, en musée Hec­tor-Guimard, « le Gau­di de notre cap­i­tale, pour­tant si peu con­nu ! ». Ouvrons le Larousse : on y apprend que l’architecte de La Belle Époque « mania l’arabesque orne­men­tale avec une énergie et une liber­té éton­nantes ». Énergie, liber­té, on croit décel­er dans ces deux ter­mes les raisons pour lesquelles Fabi­en Choné s’intéresse à lui. 


À pro­pos de Fabi­en Choné : https://www.lajauneetlarouge.com/auteur/fabien-chone-91/

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