Paiement : disruption, enjeux et opportunités

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°755 Mai 2020
Par Philippe TESCHER (95)

Acteur spé­cial­isé et expert du monde du paiement, Exton Con­sult­ing est aux pre­mières loges pour observ­er les évo­lu­tions con­nues par ce secteur notam­ment sous l’impulsion du dig­i­tal. Le point avec Philippe Tesch­er (95), Asso­cié au sein d’Exton Consulting.

Spécialiste des services financiers, Exton Consulting est un cabinet de stratégie et de management. Dans ce cadre, quel est votre positionnement ? 

Nous inter­venons prin­ci­pale­ment auprès des ban­ques, des assur­ances, mais aus­si au côté des acteurs de l’asset man­age­ment, du paiement ou encore du crédit con­so… Nous abor­dons des sujets très dif­férents comme la stratégie de crois­sance, le mar­ket­ing, la dis­tri­b­u­tion, l’efficacité opéra­tionnelle, les fusions, la finance, le risque et la con­for­mité. Créé à la fin 2006, le cab­i­net a dévelop­pé des savoir-faire com­plé­men­taires à son cœur de méti­er his­torique, notam­ment autour de la data, des fin­techs ou encore du mar­ket­ing digital. 

Aujourd’hui, sur ce marché, nous représen­tons l’une des plus impor­tantes prac­tices dédiées aux ser­vices financiers de la place, avec plus de 115 con­sul­tants basés à Paris. Depuis notre créa­tion, nous avons égale­ment ouvert des bureaux à Milan, à Munich et à Barcelone.

Nous inter­venons sur les phas­es amont d’un pro­jet (plus de 40 % de notre activ­ité), mais aus­si des études d’opportunités, des diagnostics… 

Notre ambi­tion est de pou­voir accom­pa­g­n­er nos clients à toutes les étapes de leurs pro­jets. Nous avons au fil des années dévelop­pé une véri­ta­ble con­nais­sance des métiers du secteur : acteurs, enjeux, dynamiques, pro­duits, proces­sus… Nos con­sul­tants sont for­més à toutes ces dimen­sions et prob­lé­ma­tiques. Cela nous per­met, par ailleurs, d’être plus rapi­des et agiles. Enfin, dans le cadre des mis­sions que nous menons, il y a aus­si une très forte impli­ca­tion de pro­fils seniors. 

Le monde du paiement a connu de nombreuses évolutions au cours de la dernière décennie. Qu’avez-vous pu observer à votre niveau ? 

Depuis notre créa­tion, nous avons eu l’opportunité de tra­vailler pour des typolo­gies d’acteurs très dif­férentes de l’écosystème du paiement : des schemes comme Mas­ter­Card ou Carte Ban­caire, des ban­ques, et des acteurs non ban­caires tels que les retail­ers et opéra­teurs mobiles. Cela nous per­met d’avoir une vue assez glob­ale des évo­lu­tions et de leurs impli­ca­tions pour chacun. 

Nous avons en par­ti­c­uli­er une très forte con­nais­sance et expéri­ence des prob­lé­ma­tiques et enjeux des ser­vices financiers de la grande dis­tri­b­u­tion, accom­pa­g­nant depuis plus de 10 ans des acteurs comme Car­refour et d’autres acteurs de la grande dis­tri­b­u­tion, qui dépassent le cadre du paiement : crédit con­so, assur­ance affini­taire ou encore le lance­ment de néo-ban­ques. C’est notam­ment pour cela que nous avons fait le choix de faire évoluer notre prac­tice paiement pour englober ces sujets.

Le secteur moné­tique joue un rôle cen­tral dans le marché des paiements. Les vol­umes sont en crois­sance struc­turelle soutenue, sous l’effet de plusieurs leviers : crois­sance glob­ale, crois­sance du e‑commerce où le paiement par carte est roi, actions proac­tives pour rem­plac­er le cash et le chèque. Cet écosys­tème est ali­men­té par une com­mis­sion prélevée sur les paiements com­merçants (inter­change) et par les coti­sa­tions cartes côté client final (por­teur). Ce mod­èle vertueux tracte une très grande par­tie de la valeur du marché des paiements, com­pen­sant notam­ment des fil­ières coû­teuses comme le cash et le chèque.

Depuis près d’une décen­nie, des évo­lu­tions majeures impactent les mod­èles économiques des acteurs en place, et en par­ti­c­uli­er les ban­ques. D’une part les sources de revenus tra­di­tion­nelles sont sous pres­sion : baiss­es impor­tantes des niveaux d’interchange imposées au niveau européen et mul­ti­pli­ca­tion d’offres de cartes gra­tu­ites. Ensuite de très nom­breux nou­veaux acteurs vien­nent pren­dre leur part du gâteau, attirés par les fon­da­men­taux économiques (crois­sance et marge), et encour­agés par le régu­la­teur qui a créé des nou­veaux statuts pour encour­ager l’innovation. Enfin, des clients (retail et por­teurs) qui con­sid­èrent de plus en plus le ser­vice « stan­dard » de paiement (traite­ment de la trans­ac­tion) comme une com­mod­ité, pour laque­lle ils ne sont plus prêts à pay­er (cher).

On voit donc se dévelop­per deux grands types de stratégie : des straté­gies de mas­si­fi­ca­tions sur les activ­ités de traite­ment stan­dard des trans­ac­tions (pro­cess­ing stan­dard), et le développe­ment d’offres à forte valeur ajoutée, à des­ti­na­tion notam­ment des retail­ers, qui adressent des prob­lé­ma­tiques et enjeux au-delà du paiement stric­to sen­su : aug­men­ta­tion du chiffre d’affaires en réduisant les taux de chute dans le tun­nel de paiement et en pro­posant des solu­tions d’étalement des paiements, accom­pa­g­ne­ment des nou­veaux par­cours clients retail (web2store, dig­i­tal in store…) avec des expéri­ences paiement ultra flu­ides, réduc­tion des coûts de risque / fraude (tech­nolo­gie IA), exploita­tion de la don­née paiement pour de la traça­bil­ité omni­canale des clients via leur carte (token)…

Une autre ten­dance que nous pou­vons citer tourne autour de l’open bank­ing. Il s’agit d’une capac­ité offerte à des prestataires de ser­vices, dûment habil­ités par l’organe de régu­la­tion, et sur autori­sa­tion des clients, d’accéder à leurs comptes ban­caires. Cela per­met l’accès à des infor­ma­tions rich­es sur la solv­abil­ité d’un client pour notam­ment faciliter l’octroi des crédits et réduire les risques. Cela va aus­si per­me­t­tre d’initier avec un statut par­ti­c­uli­er des vire­ments depuis le compte du client à sa demande. Ces évo­lu­tions vont venir boule­vers­er l’écosystème et créer une con­cur­rence entre les cartes et les vire­ments, des domaines dis­tincts avec des acteurs différents. 

Comment accompagnez-vous vos clients autour de cette thématique ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ?

Exton Con­sult­ing inter­vient à la fois sur les réflex­ions en amont et sur les pro­jets de mise en œuvre liés à ces thé­ma­tiques paiement et de crédit. Nous avons la capac­ité d’intervenir très en amont sur ces sujets. 

Ain­si, nous avons accom­pa­g­né plusieurs retail­ers sur des sujets de refonte de leur mod­èle de traite­ment des flux de paiement (accep­ta­tion et acqui­si­tion) en France et en Europe, sur la créa­tion d’activités paiement voire même d’établissements de paiement, sur le lance­ment d’offres carte (paiement, crédit, fidél­ité), sur leur stratégie sur le paiement mobile, sur la créa­tion de score sur des paiements en 3 fois… 

Pour des ban­ques, nous accom­pa­gnons leurs fil­iales paiement dans le cadre du développe­ment de nou­velles offres, de la déf­i­ni­tion de sché­mas de dis­tri­b­u­tion plus effi­caces, des pro­grammes de boost de leur per­for­mances com­mer­ciales sur la carte, les flux entreprises…

En parallèle, quels sont les enjeux qui persistent ?

Chaque par­tie prenante a ses pro­pres enjeux : ban­ques, processeurs, schemes (CB, Visa, Mas­ter­Card), retail­ers… Mais pour en dégager deux majeurs, en ligne avec mes pro­pos ci-avant, il y a deux grands sujets qui devraient con­tin­uer d’animer le secteur des paiements dans les prochaines années : la mas­si­fi­ca­tion du pro­cess­ing stan­dard, et la cap­ta­tion de valeur côté retail via des ser­vices à forte valeur ajoutée.

Les « usines de paiement » qui traitaient les flux de paiement du com­merçant au ban­quier doivent opter pour une stratégie de vol­ume. Dans cette con­ti­nu­ité, les ban­ques doivent, d’ailleurs, se deman­der s’il est encore per­ti­nent d’internaliser ce volet alors que l’écosystème n’est pas à l’abri de nou­velles règle­men­ta­tions qui viendraient encore réduire l’interchange. 

Sur les ser­vices à forte valeur ajoutée pour les retail­ers, les nou­veaux acteurs qui émer­gent sur le marché sont sou­vent mieux posi­tion­nés que les acteurs his­toriques. Les fin­techs telles que Adyen, Stripe, Hipay sont de bons exem­ples de cette ten­dance, issues de l’univers dig­i­tal et qui s’attaquent aujourd’hui aux paiements en prox­im­ité. Un acteur comme Adyen est val­orisé pra­tique­ment autant voire plus que cer­tains groupes ban­caires français.

Qu’en est-il des perspectives d’Exton Consulting ?

Nous sommes mobil­isés sur plusieurs sujets, dont les plus impor­tants sont l’innovation au ser­vice du paiement, le crédit con­so ain­si que l’open bank­ing. Nous tra­vail­lons aus­si sur une étude prospec­tive sur le paiement à hori­zon 2030 afin d’identifier les prin­ci­pales ten­dances et rup­tures qui mar­queront le marché demain. Nous avons réal­isé cette année ce type d’étude prospec­tive sur le « retail bank­ing 2020–2030 » qui a été accueil­lie très favor­able­ment par les ban­quiers et qui a égale­ment été présen­tée au plus haut niveau.

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