CD Chopin évocations par Daniil Trifonov

Évocations

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°730 Décembre 2017Rédacteur : Jean SALMONA (56)
Par Jean SALMONA (56)

La musique n’a pas pour ambi­tion de décrire. Les opé­ras, les lie­der racontent une his­toire, bien sûr. Mais ceux qui sur­vivent à leur époque dépassent tou­jours l’argument sur lequel ils ont été fondés.

On pour­ra prendre du plai­sir à la Suite du Che­va­lier à la rose sans avoir vu l’opéra, aimer le lied de Schu­bert Erlkö­nig (le Roi des aulnes) sans entendre l’allemand.

En revanche, la musique a, plus que toute autre forme d’art, le pou­voir d’évoquer – un sou­ve­nir, une vision, un rêve, ou, dans de rares cas – Bach – une aspi­ra­tion à la transcendance.

DANIIL TRIFONOV – CHOPIN EVOCATIONS

Sous le titre Cho­pin Evo­ca­tions1, Tri­fo­nov a ras­sem­blé des pièces qui évoquent expli­ci­te­ment sa musique : Cho­pin de Schu­mann (extrait de Car­na­val), Hom­mage à Cho­pin de Grieg, Noc­turne de Samuel Bar­ber, Un poco di Cho­pin de Tchaï­kovs­ki et les déli­cieuses Varia­tions sur un thème de Cho­pin de Fré­dé­ric Mom­pou, aux har­mo­nies déca­lées, qui méritent à elles seules le détour.

S’ajoutent à cet enre­gis­tre­ment les deux Concer­tos pour pia­no, les brillan­tis­simes Varia­tions sur « La ci darem la mano » de Don Gio­van­ni, et le très vir­tuose Ron­do pour deux pia­nos en ut majeur.

L’originalité de cette ver­sion des deux concer­tos, que Tri­fo­nov joue avec un tou­cher, une séré­ni­té qui dépassent toutes les inter­pré­ta­tions que nous connais­sons, réside par ailleurs dans la nou­velle orches­tra­tion, allé­gée et raf­fi­née, pour orchestre de chambre, due à Mikhaïl Plet­nev qui dirige le Mah­ler Cham­ber Orchestra.

Cho­pin, comme nombre de com­po­si­teurs, était un piètre orches­tra­teur. On peut rêver à d’autres réécri­tures orches­trales, celle, par exemple, de la Rhap­so­dy in blue, orches­trée pour l’ensemble de jazz de Paul Whi­te­man et qui sonne si mal dans les exé­cu­tions des orchestres symphoniques.

RETRATOS DO BRAZIL

CD Musique du Brésil : RETRATOS

La musique bré­si­lienne est recon­nais­sable entre toutes. On aime Hei­tor Vil­la-Lobos mais qui connaît Gnat­ta­li ou Mignone ? La vio­lon­cel­liste Juliette Sal­mo­na – du Qua­tuor Zaïde – et le gui­ta­riste Ben­ja­min Valette se sont plon­gés dans cette musique et en ont tiré un disque qui consti­tue une de ces petites mer­veilles impro­bables2 : de Vil­la-Lobos, la célèbre Bachia­na Bra­si­lei­ra n° 5 et aus­si une mélo­die belle à pleu­rer, Melo­dia Sen­ti­men­tal, Odeon, Cario­ca et Fon-Fon, d’Ernesto Naza­reth, sont deve­nus des stan­dards de la musique bré­si­lienne. Les Valses de Fran­cis­co Mignone, le Notur­no d’Alberto Nepo­mu­ce­no, la Sonate pour gui­tare et vio­lon­celle de Rada­més Gnat­ta­li sont autant de facettes d’une musique pro­fon­dé­ment évo­ca­trice du pays dont elle est issue.

DEBUSSY

CD : Musique de chambre de DEBUSSY

Renaud Capu­çon, Gérard Caus­sé (alto), Edgar Moreau (vio­lon­celle), Emma­nuel Pahud (flûte), Ber­trand Cha­mayou et la har­piste Marie-Pierre Lan­gla­met consacrent un disque à la musique de chambre de Debus­sy : les Sonates pour vio­lon­celle et pia­no, pour vio­lon et pia­no, pour flûte, vio­lon et harpe, Syrinx pour flûte solo et le Trio pour pia­no, vio­lon et vio­lon­celle3.

Les Sonates sont nova­trices, com­plexes et raf­fi­nées ; le Trio, rare­ment joué, écrit à 18 ans, est une œuvre exquise, proche à la fois de Saint-Saëns, de Fau­ré et plus encore de Rey­nal­do Hahn, à décou­vrir sans attendre et qui cou­ronne un très grand disque.

À écou­ter en buvant un thé blanc de Chine et en évo­quant une socié­té insou­ciante et déca­dente qui culti­vait la mélan­co­lie et qui fei­gnait de ne pas avoir la pres­cience de l’apocalypse qui allait balayer l’Europe et l’emporter.

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1. 2 CD DEUTSCHE GRAMMOPHON
2. 1 CD AD VITAM
3. 1 CD ERATO

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