L’Europe de l’armement au lendemain du Brexit

L’Europe de l’armement au lendemain du Brexit

Dossier : Croire en l'Europe après le BrexitMagazine N°761 Janvier 2021
Par Thierry CARLIER

L’évolution du contexte inter­na­tio­nal et la néces­si­té de ren­for­cer la capa­ci­té des Euro­péens à agir en matière de défense et de sécu­ri­té ont conduit l’Europe à mul­ti­plier depuis 2016 les ini­tia­tives dans le domaine de la défense. Celles-ci sont mises en place dans le contexte par­ti­cu­lier du Brexit, qui a en par­tie confor­té cette poli­tique de l’Union euro­péenne visant à davan­tage de coopé­ra­tion entre ses membres.

Compte tenu de l’ampleur des inves­tis­se­ments requis, le ren­for­ce­ment des dia­logues bila­té­raux et multi­latéraux entre pays euro­péens est essen­tiel pour bâtir les capa­ci­tés d’avenir dont nos forces armées ont besoin face à l’évolution des menaces et pour main­te­nir une base indus­trielle et tech­no­lo­gique de défense indé­pen­dante et à même de dis­po­ser d’un outil de défense à la hau­teur des défis sécu­ri­taires aux­quels les États euro­péens peuvent être confrontés.


REPÈRES

Le bud­get consa­cré à la défense par les pays euro­péens (incluant le Royaume-Uni) a mis dix années pour se réta­blir au niveau de celui connu avant la crise de 2008. Les dépenses en matière de défense ont en effet subi de plein fouet les effets de la crise éco­no­mique et connu une chute de 11 % entre 2007 et 2013. Le bud­get d’investissement, c’est-à-dire celui consa­cré à la dota­tion en capa­ci­tés mili­taires des pays euro­péens (R & D et achat d’équipements), a même bais­sé de 22 % entre 2007 et 2014 (péri­mètre de réfé­rence : 27 pays membres de l’Agence euro­péenne de défense – AED). Les finan­ce­ments dédiés à la défense sont repar­tis pro­gres­si­ve­ment à la hausse depuis 2014, rega­gnant en 2018 un mon­tant simi­laire à celui de 2007 (soit un peu plus de 220 Md€). 


Évolution des capacités européennes de défense sur la dernière décennie

Désor­mais si la part de bud­get allouée aux inves­tis­se­ments dans les capa­ci­tés de défense atteint à peu près l’objectif col­lec­tif que s’étaient fixé les Euro­péens en 2007 (déci­sion du comi­té direc­teur minis­té­riel de l’AED de novembre 2007 ins­tau­rant la mise en place d’indicateurs col­lec­tifs rela­tifs à l’investissement), soit 20 % du bud­get de défense (repré­sen­tant 44 Md€), cette part reste modeste par rap­port à celle des grands acteurs inter­na­tio­naux (41 % en Chine en 2018, soit à peu près 60 Md€ ; 30 % aux États-Unis, soit 161 Md€). Par ailleurs, les hété­ro­gé­néi­tés sont très mar­quées en Europe.

Plus de 75 % des bud­gets de défense et des bud­gets d’investissement sont en effet uni­que­ment por­tés par seule­ment cinq États (France, Royaume-Uni, Alle­magne, Ita­lie et Espagne), prin­ci­paux pro­duc­teurs d’armement en Europe. Une large pro­por­tion des autres pays de l’Union euro­péenne dis­pose de com­pé­tences et res­sources limi­tées en matière d’acquisition d’armement, ce qui les amène à pri­vi­lé­gier de ce fait les achats sur éta­gère, en s’approvisionnant d’ailleurs sou­vent hors Europe. Le recours au dis­po­si­tif amé­ri­cain des Forei­gn Mili­ta­ry Sales est en effet cou­ram­ment consi­dé­ré comme une solu­tion plus simple que les pro­cé­dures d’acquisition de maté­riels euro­péens enca­drées par la direc­tive euro­péenne sur les mar­chés publics de défense et de sécurité.

“Les hétérogénéités
sont très marquées en Europe.”

En outre, la coopé­ra­tion euro­péenne pour le déve­lop­pe­ment et l’acquisition de capa­ci­té de défense demeure modeste, plus de 80 % des dépenses étant réa­li­sées sur des pro­grammes pure­ment natio­naux. Ce manque de coopé­ra­tion entre États induit la frag­men­ta­tion actuelle des capa­ci­tés mili­taires, géné­ra­trice de sur­coûts si l’on se place à l’échelle de l’Europe. La Com­mis­sion euro­péenne a d’ailleurs poin­té du doigt cette situa­tion, en met­tant en évi­dence la mul­ti­pli­ci­té des sys­tèmes d’armes en Europe : 17 types dif­fé­rents de chars, 29 types de des­troyers ou fré­gates, ou encore 20 types d’avions de com­bat sont actuel­le­ment en dota­tion dans les armées euro­péennes. Ces exemples laissent pen­ser qu’une plus large mutua­li­sa­tion des besoins per­met­trait de déga­ger des marges d’optimisation dans l’orientation des finan­ce­ments de défense.

L’analyse des don­nées de défense sur la der­nière décen­nie fait donc appa­raître que les res­sources bud­gé­taires res­tent contraintes, l’hétérogénéité entre les pays euro­péens forte et la coopé­ra­tion limi­tée. Dans le même temps, le besoin de pro­tec­tion demeure pré­sent et s’est même accru ces der­nières années avec l’irruption des attaques ter­ro­ristes sur le ter­ri­toire euro­péen, la dégra­da­tion du contexte sécu­ri­taire au voi­si­nage de l’Europe (flancs sud et est), l’affaiblissement du mul­ti­la­té­ra­lisme face aux affir­ma­tions de puis­sance de régimes auto­ri­taires et les inten­tions de plus en plus mani­festes des États-Unis de se désen­ga­ger de la sécu­ri­té euro­péenne. Ce constat sou­ligne le besoin d’orienter plus effi­ca­ce­ment les dépenses mili­taires européennes.


Deux initiatives européennes

La Coopé­ra­tion struc­tu­rée per­ma­nente recouvre à la fois une liste d’engagements pris par les États signa­taires (qui regroupe 25 pays à l’heure actuelle : les 27 États membres de l’UE, à l’exception du Dane­mark et de Malte) pour ren­for­cer leurs actions en matière de défense (vingt enga­ge­ments d’ordres bud­gé­taire, opé­ra­tion­nel et capa­ci­taire) et des pro­jets col­la­bo­ra­tifs. De par l’affichage poli­tique asso­cié à cette ini­tia­tive, elle est une inci­ta­tion à accroître l’effort de défense et la coopé­ra­tion entre pays euro­péens. La France est d’ailleurs par­ti­cu­liè­re­ment impli­quée dans ce dis­po­si­tif, puisqu’elle par­ti­cipe à 36 des 46 pro­jets actuel­le­ment réfé­ren­cés et en pilote direc­te­ment un nombre signi­fi­ca­tif (11 pro­jets), dans des domaines d’avenir clés (capa­ci­tés de com­bat col­la­bo­ra­tif, capa­ci­tés de sur­veillance et d’interception de menaces balis­tiques, maté­riaux et com­po­sants cri­tiques, etc.) ou visant au déve­lop­pe­ment de stan­dards euro­péens d’interopérabilité (ex. : radio logicielle). 

Le Fonds euro­péen de la défense consti­tue pour sa part une ini­tia­tive inédite : pour la pre­mière fois, des finan­ce­ments com­mu­nau­taires sont appor­tés à des acti­vi­tés de recherche et de déve­lop­pe­ment consa­crées à la défense. Par concep­tion, ce fonds a pour effet de rap­pro­cher les États et de les faire conver­ger, l’accès au finan­ce­ment com­mu­nau­taire étant condi­tion­né à une obli­ga­tion de coopé­rer. Les résul­tats très posi­tifs du pre­mier appel à pro­jets lan­cé par la Com­mis­sion euro­péenne dans le cadre du Pedid sont pro­met­teurs et démontrent l’adhésion des États et des indus­triels au dis­po­si­tif : 40 pro­po­si­tions ont été reçues, plus de 200 M€ de finan­ce­ment ont été attri­bués et vali­dés par consen­sus des États membres, 24 États membres au moins sont impli­qués dans les pro­jets rete­nus et en moyenne sept pays par­ti­cipent (via une enti­té éta­tique ou indus­trielle) à cha­cun de ces projets.


Une structuration nouvelle apportée par les initiatives de l’Union européenne

Les nou­velles ini­tia­tives de l’Union euro­péenne en matière de défense pour­raient chan­ger la donne. En effet, la mon­tée en puis­sance de l’Union euro­péenne dans le domaine de la défense s’est consi­dé­ra­ble­ment accé­lé­rée depuis 2016, avec la publi­ca­tion de la Stra­té­gie glo­bale de la poli­tique étran­gère et de sécu­ri­té de l’Union euro­péenne (SGUE), puis celle du Plan d’action euro­péen de la défense, ins­ti­tuant une source de finan­ce­ment com­mu­nau­taire en sou­tien aux actions de recherche et de déve­lop­pe­ment capa­ci­taire dans le domaine de la défense. L’activation de la Coopé­ra­tion struc­tu­rée per­ma­nente (CSP) en 2017 – dis­po­si­tion du trai­té de Lis­bonne – a per­mis de don­ner corps à la volon­té des pays sou­hai­tant ren­for­cer les efforts euro­péens. Un pas déci­sif a en outre été fran­chi avec la mise en place sur 2017–2020 du Pro­gramme euro­péen de déve­lop­pe­ment indus­triel pour la défense (Pedid), éche­lon pré­cur­seur du Fonds euro­péen de la défense (FEDef).

Le carac­tère intrin­sè­que­ment inclu­sif de ces nou­velles ini­tia­tives euro­péennes, prô­nant une ouver­ture éten­due à l’ensemble des pays de l’Union euro­péenne, est de nature à faire évo­luer le modèle clas­sique de déve­lop­pe­ment des capa­ci­tés mili­taires en Europe, jusqu’alors essen­tiel­le­ment por­té par le noyau res­treint des pays occi­den­taux dis­po­sant d’un tis­su indus­triel de défense à large spectre.

De nouveaux schémas de coopération en Europe

Ces nou­velles ini­tia­tives, dont le suc­cès passe par une adhé­sion large, invitent à éta­blir de nou­veaux sché­mas de coopé­ra­tion en Europe et asso­cier de nou­veaux par­te­naires moins impli­qués dans les pro­jets col­la­bo­ra­tifs de défense, favo­ri­sant ain­si la valo­ri­sa­tion des com­pé­tences et le déve­lop­pe­ment de niches indus­trielles d’excellence chez ces nou­veaux acteurs. Cette approche, si elle réus­sit, béné­fi­cie­ra à l’Europe dans son ensemble, en fai­sant adhé­rer le plus grand nombre au prin­cipe d’achat euro­péen, en ren­for­çant les com­pé­tences indus­trielles euro­péennes, en déve­lop­pant les capa­ci­tés d’autonomie de l’Europe en matière de défense et en favo­ri­sant in fine l’émergence d’une vision com­mune de l’outil de défense.

« La France promeut depuis des décennies
une politique de coopération ambitieuse en matière de défense. »

Cela signi­fie éga­le­ment un chan­ge­ment de para­digme pour la France. Notre pays pro­meut depuis des décen­nies une poli­tique de coopé­ra­tion ambi­tieuse en matière de défense. Des pro­grammes d’armement majeurs ont en effet été conduits notam­ment avec le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie ou encore l’Espagne, par­te­naires tra­di­tion­nels de coopé­ra­tion de la France en matière d’armement. L’ambition euro­péenne fran­çaise a été réaf­fir­mée dans la der­nière loi de pro­gram­ma­tion mili­taire 2019–2025, qui pré­voit une aug­men­ta­tion du nombre de pro­grammes en coopération.

Le rôle majeur de la direction générale de l’armement

La pers­pec­tive d’une coopé­ra­tion euro­péenne est désor­mais sys­té­ma­ti­que­ment explo­rée à chaque lan­ce­ment d’une opé­ra­tion d’armement nou­velle, à l’exception de cer­tains domaines sou­ve­rains comme la dis­sua­sion. Dans le nou­veau contexte euro­péen qui se des­sine, il convien­dra de conso­li­der encore les par­te­na­riats avec nos par­te­naires his­to­riques de coopé­ra­tion, mais aus­si de nouer de nou­veaux par­te­na­riats avec les pays de l’UE dési­reux de s’impliquer davan­tage dans les ini­tia­tives col­la­bo­ra­tives euro­péennes. La direc­tion géné­rale de l’armement (DGA), en tant que maître d’ouvrage des pro­grammes d’armement pour l’équipement des forces armées, a dans ce cadre un rôle majeur à jouer.

La DGA est ain­si très for­te­ment impli­quée dans les tra­vaux sur le volet pré­cur­seur du Fonds euro­péen de la défense et le mon­tage des coopé­ra­tions asso­ciées, l’objectif majeur consis­tant à pro­mou­voir des pro­jets répon­dant aux besoins opé­ra­tion­nels et ren­for­çant la com­pé­ti­ti­vi­té de l’industrie de défense euro­péenne, tout en encou­ra­geant l’intégration de par­te­naires éta­tiques et indus­triels por­teurs de plus-value. Son action a notam­ment per­mis de fédé­rer des par­te­naires autour des pro­jets pilo­tés par la France, de s’assurer de la pré­sence des indus­tries fran­çaises dans les ini­tia­tives des autres pays euro­péens et d’élargir consi­dé­ra­ble­ment la base de nos coopé­ra­tions tra­di­tion­nelles, pour se rap­pro­cher de nou­veaux partenaires.

La place du Royaume-Uni dans cette nouvelle Europe de la défense

Les nou­velles ini­tia­tives euro­péennes en matière de défense ont vu le jour au len­de­main du vote bri­tan­nique en faveur du Brexit. Le retrait bri­tan­nique de l’UE a intro­duit un nou­veau dés­équi­libre dans le pay­sage euro­péen de la défense, la France pesant désor­mais à elle seule pour plus de 30 % de l’effort bud­gé­taire glo­bal d’investissement dans les capa­ci­tés de défense au sein de l’UE et près de 50 % des dépenses dans les acti­vi­tés de recherche. Le posi­tion­ne­ment futur du Royaume-Uni dans la nou­velle Europe de la défense en construc­tion dépen­dra des accords noués à l’avenir dans le cadre de la défi­ni­tion de la rela­tion future du Royaume-Uni avec l’UE. En l’absence de dis­po­si­tion spé­ci­fique, le Royaume-Uni est consi­dé­ré comme un État tiers.

Les nou­velles ini­tia­tives évo­quées pré­cé­dem­ment se déve­loppent donc sans cet acteur pour­tant majeur de la défense en Europe, doté d’un des plus gros bud­gets et réa­li­sant un haut niveau d’investissement en équi­pe­ments mili­taires. La défense n’a d’ailleurs pas été iden­ti­fiée par le Royaume-Uni comme un thème prio­ri­taire à trai­ter au cours de la période de tran­si­tion de sor­tie de l’UE, puisque celle-ci n’a pas été ins­crite dans le man­dat de négo­cia­tion bri­tan­nique pour la défi­ni­tion de la rela­tion future.

“L’impératif d’efficacité doit guider les actions.”

Dans ce contexte, il est dif­fi­cile d’établir des conjec­tures sur les évo­lu­tions ulté­rieures. Il peut tou­te­fois être consi­dé­ré que la coopé­ra­tion indus­trielle de défense avec le Royaume-Uni sera affec­tée au même titre que les autres sec­teurs éco­no­miques en cas de diver­gence avec l’Union euro­péenne des cadres légaux et régle­men­taires (droits de douane, droit du tra­vail et des socié­tés, envi­ron­ne­ment fis­cal, etc.). En ce qui concerne plus par­ti­cu­liè­re­ment la France, la coopé­ra­tion en matière d’armement avec le Royaume-Uni, enca­drée par le trai­té bila­té­ral de Lan­cas­ter House de 2010, est pour l’essentiel enga­gée dans un cadre juri­dique se situant hors du champ de l’Union européenne.

La rela­tion bila­té­rale fran­co-bri­tan­nique, struc­tu­rante en matière de défense, n’est donc a prio­ri pas remise en cause par la sor­tie du Royaume-Uni de l’UE. Elle garde abso­lu­ment toute sa per­ti­nence, compte tenu des proxi­mi­tés stra­té­giques entre nos pays et du carac­tère unique de leur rela­tion en place dans le domaine de l’armement, allant jusqu’à une dépen­dance mutuelle consen­tie dans le domaine des mis­siles au tra­vers de la socié­té MBDA. Le main­tien de cette rela­tion spé­ciale fran­co-bri­tan­nique dépen­dra essen­tiel­le­ment de la volon­té poli­tique des deux nations.

Perspectives et prochains défis

Les nou­velles ini­tia­tives euro­péennes en matière de défense consti­tuent une occa­sion de construire des sys­tèmes de défense euro­péens made in Europe et de sou­te­nir une indus­trie euro­péenne de défense effi­cace. Il existe tou­te­fois un cer­tain nombre de chausse-trapes à évi­ter. Il convien­dra en effet de démon­trer que ces ini­tia­tives sont réel­le­ment pro­fi­tables pour l’industrie euro­péenne sur le long terme, et à valeur ajou­tée. Les choix devront ain­si être gui­dés avant tout par la per­ti­nence indus­trielle, plu­tôt que par des consi­dé­ra­tions socio-économiques. 

La clé réside dans l’identification d’intérêts par­ta­gés entre les dif­fé­rents États membres, car in fine ce seront ces États qui déci­de­ront ou non d’acquérir les équi­pe­ments déve­lop­pés en com­mun. Il importe éga­le­ment que les spé­ci­fi­ci­tés des pro­grammes d’armement soient bien prises en compte. Les dis­po­si­tifs devront être opé­ra­tion­nels et suf­fi­sam­ment flexibles. Enfin, l’exportation des équi­pe­ments résul­tant de ces coopé­ra­tions euro­péennes devra res­ter de la pré­ro­ga­tive des États membres y participant.

Vers davantage de solidarité européenne dans le domaine de l’armement

L’intérêt de ces ini­tia­tives est avant tout de créer une impul­sion, un chan­ge­ment d’état d’esprit pour inci­ter à davan­tage de soli­da­ri­té euro­péenne dans ce domaine. Compte tenu des mon­tants com­mu­nau­taires inves­tis, qui demeurent somme toute d’ampleur limi­tée au regard des besoins de finan­ce­ment des capa­ci­tés de défense en Europe, ces ini­tia­tives ne se sub­sti­tue­ront pas aux efforts néces­saires sur les bud­gets natio­naux et ne rem­pla­ce­ront pas les pro­grammes natio­naux ou en coopé­ra­tion bila­té­rale-mul­ti­na­tio­nale conduits par les nations. 

Ain­si, aux côtés de nou­veaux sché­mas de pro­jets col­la­bo­ra­tifs dans le cadre des ini­tia­tives de l’UE, la France devra pour­suivre les coopé­ra­tions struc­tu­rantes enga­gées avec ses par­te­naires « tra­di­tion­nels », à l’instar des pro­grammes emblé­ma­tiques lan­cés avec l’Allemagne pour la nou­velle géné­ra­tion de sys­tèmes ter­restres, avec l’Allemagne et l’Espagne pour l’aviation de com­bat future, avec l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie sur l’Euro­drone MALE, mais aus­si en bila­té­ral avec le Royaume-Uni sur la guerre des mines ou encore le pro­gramme du futur mis­sile anti­na­vire-futur mis­sile de croi­sière. Le posi­tion­ne­ment de la défense euro­péenne par rap­port aux pays « tiers » (c’est-à-dire n’appartenant pas à l’Union euro­péenne) demeure un sujet à fort impact. 

Au-delà de la ques­tion de la rela­tion future avec le Royaume-Uni, la com­plé­men­ta­ri­té avec l’Otan des actions enga­gées au niveau euro­péen devra être assu­rée, les ini­tia­tives euro­péennes devant s’inscrire dans le cadre de la prise en charge par les alliés euro­péens des efforts néces­saires en matière de défense pour le « par­tage du far­deau ». Le main­tien de l’interopérabilité des sys­tèmes d’armes euro­péens avec nos alliés de l’Otan est éga­le­ment fon­da­men­tal et implique qu’une col­la­bo­ra­tion étroite soit entre­te­nue sur ce sujet.

Un nouvel équilibre à construire

C’est donc au final un nou­vel équi­libre qui est à construire, entre pro­grammes natio­naux, coopé­ra­tions bila­té­rale et mul­ti­la­té­rale, en veillant à assu­rer la com­plé­men­ta­ri­té des actions menées dans les dif­fé­rents cadres. L’impératif d’efficacité doit gui­der ces actions, de façon à construire et main­te­nir dans la durée un outil de défense adap­té, solide et pérenne, apte à doter les forces armées des capa­ci­tés dont elles ont besoin pour garan­tir la pro­tec­tion des citoyens euro­péens. La pan­dé­mie de la Covid-19 a su mettre en évi­dence la vul­né­ra­bi­li­té des nations qui ont man­qué de pré­voyance pour assu­rer leur sécu­ri­té au sens large du terme. Tout cela doit donc conduire l’Europe à don­ner corps et force à l’idée d’autonomie stra­té­gique et industrielle.

Cette ambi­tion, prô­née de longue date par la France, appa­raît désor­mais clai­re­ment dans la nou­velle stra­té­gie indus­trielle pour l’Europe de 2020. L’accord récent des chefs d’État sur le cadre finan­cier plu­ri­an­nuel et le plan de relance euro­péen maté­ria­lisent cette prise de conscience. Dans le domaine de la défense, le Fonds euro­péen de la défense, récem­ment concré­ti­sé, sera l’outil euro­péen pri­vi­lé­gié au ser­vice de cette ambition.

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