Défense européenne

Défense européenne : une perspective et une expérimentation industrielles

Dossier : Croire en l'Europe après le BrexitMagazine N°761 Janvier 2021
Par Éric BÉRANGER (83)

Le domaine des sys­tèmes de mis­siles a tou­jours été pio­nnier en matière de coopéra­tion et d’optimisation indus­trielle à l’échelle européenne. Il a démon­tré la per­ti­nence de nou­veaux mod­èles reposant sur une volon­té poli­tique et indus­trielle com­mune qui n’a jamais fait défaut mal­gré les dif­fi­cultés. Le con­texte actuel rend plus que jamais néces­saire la pour­suite et l’approfondissement de cette voie.

Notre envi­ron­nement géos­tratégique est en con­stante évo­lu­tion et de plus en plus insta­ble. Le main­tien, voire l’aggravation d’importantes ten­sions inter­na­tionales, y com­pris aux fron­tières de l’UE, ain­si qu’une com­péti­tion interé­ta­tique accrue génèrent de nou­veaux défis qui ren­dent encore plus néces­saire pour les États européens d’assumer de manière plus autonome de plus grandes respon­s­abil­ités stratégiques, quand leurs intérêts de sécu­rité et de défense sont en jeu.

La crise san­i­taire de la Covid a d’ailleurs rap­pelé les besoins d’anticipation et de résilience en cas de crise. Ce con­stat est d’autant plus évi­dent en matière de défense. L’objectif d’autonomie stratégique sig­ni­fie très con­crète­ment la capac­ité d’agir seul ou au sein d’une alliance, mais tou­jours comme un acteur majeur, capa­ble et respec­té. Ce niveau d’ambition, que la France porte depuis longtemps, est désor­mais recon­nu et de mieux en mieux partagé au niveau européen, en par­ti­c­uli­er au niveau des insti­tu­tions européennes, puisqu’il est la clé de voûte du nou­v­el agen­da européen de défense et des nou­veaux instru­ments capac­i­taires et budgé­taires qui sont pro­gres­sive­ment mis en œuvre depuis 2016.

Une industrie de défense européenne ?

Dans ce con­texte européen, notre indus­trie de défense a une respon­s­abil­ité par­ti­c­ulière, celle de garan­tir à nos clients un accès indépen­dant aux tech­nolo­gies et équipements cri­tiques néces­saires pour assur­er lib­erté d’action, capac­ité d’entrée en pre­mier sur les théâtres d’opérations, sécu­rité des appro­vi­sion­nements et supéri­or­ité opéra­tionnelle. La final­ité de l’industrie de défense n’est donc pas sim­ple­ment de livr­er des pro­duits à des clients, mais aus­si de dévelop­per des capac­ités de défense pour des États. En cela, l’industrie de défense fait pleine­ment par­tie de la pos­ture de défense d’une nation ou d’un ensem­ble de nations partageant des ambi­tions com­munes en la matière.

Trouver le bon échelon en matière de défense

Aucun pays européen ne dis­pose aujourd’hui des ressources finan­cières suff­isantes pour maîtris­er à lui seul l’ensemble du spec­tre des capac­ités cri­tiques. Hormis quelques capac­ités mil­i­taires très spé­ci­fiques comme la dis­sua­sion nucléaire, l’échelon européen est à ce jour l’échelon per­ti­nent en matière de défense. La coopéra­tion européenne est plus que jamais le moyen d’être plus effi­caces ensem­ble et moins que jamais une excuse pour gér­er les pénuries nationales. Pour servir cet objec­tif, la créa­tion et la con­sol­i­da­tion de cham­pi­ons européens au niveau indus­triel devraient devenir la norme. Dans cer­tains domaines clés, les États européens n’ont pas les moyens de soutenir plusieurs acteurs de classe mon­di­ale. C’est ain­si que les trois pre­miers groupes aérospa­ti­aux européens (Air­bus, BAE Sys­tems, Leonar­do) ont ouvert la voie et décidé dès 2001 de met­tre en com­mun leurs activ­ités mis­sil­ières afin de créer un cham­pi­on à voca­tion mon­di­ale dont l’empreinte indus­trielle s’étend aujourd’hui sur cinq pays d’Europe.

La nécessité d’une taille critique suffisante

Dans un con­texte d’accélération de l’innovation et d’intensification de plus en plus vive de la con­cur­rence inter­na­tionale, l’industrie de défense européenne doit dis­pos­er d’une taille cri­tique suff­isante pour con­serv­er son niveau d’excellence et sa com­péti­tiv­ité, et seule­ment ain­si garan­tir aux États un accès aux capac­ités sou­veraines dont ils ont besoin. Cette masse cri­tique passe néces­saire­ment par un porte­feuille pro­duits le plus com­plet pos­si­ble, pour répon­dre au mieux aux besoins de ses clients, par la maîtrise de l’ensemble des tech­nolo­gies néces­saires au développe­ment des futurs pro­duits, ain­si que par la capac­ité à abor­der l’ensemble du marché acces­si­ble mon­di­al. Qua­tre élé­ments intrin­sèque­ment liés con­di­tion­nent l’obtention de cette masse cri­tique : un parte­nar­i­at État-indus­trie struc­turé sur le plan nation­al, le lance­ment de pro­grammes en coopéra­tion, une organ­i­sa­tion indus­trielle opti­misée à l’échelle européenne et une présence sig­ni­fica­tive à l’export.

Un partenariat État-industrie structuré sur le plan national

La con­sol­i­da­tion des niveaux nationaux est, dans un para­doxe appar­ent, la pre­mière con­di­tion pour dévelop­per des coopéra­tions européennes robustes. Des approches indus­trielles nationales cohérentes et soutenues par des poli­tiques de défense nationales homogènes sont les garantes d’une coopéra­tion réussie. L’objectif de ces parte­nar­i­ats État-indus­trie étab­lis à l’échelle nationale est de bâtir des fil­ières indus­trielles solides, pérennes et performantes.

“Bâtir des filières industrielles solides,
pérennes et performantes.”

Cet objec­tif repose néces­saire­ment sur trois piliers : pri­oris­er les besoins capac­i­taires des forces armées, met­tre en place ou main­tenir les com­pé­tences indus­trielles et tech­nologiques pour y répon­dre et adapter l’investissement pub­lic dans le temps. Cette logique parte­nar­i­ale sup­pose donc l’acceptation d’engagements récipro­ques entre l’État (vis­i­bil­ité de long terme sur les besoins opéra­tionnels, poli­tique d’investissement claire­ment définie et pérenne) et l’industrie (trans­parence, flex­i­bil­ité, réac­tiv­ité, pro­duc­tiv­ité). Cette démarche for­cé­ment de long terme requiert égale­ment un réex­a­m­en réguli­er des pri­or­ités et des syn­er­gies pour être effi­cace. En 2010, la France et le Roy­aume-Uni ont struc­turé sur cette base leurs fil­ières mis­siles nationales autour des branch­es française et bri­tan­nique de MBDA.

En affir­mant ain­si cha­cun de son côté sa poli­tique indus­trielle, les deux pays étab­lis­saient la con­fi­ance réciproque néces­saire pour engager une opti­mi­sa­tion indus­trielle dans le secteur mis­sili­er sous l’initiative con­jointe « One MBDA ». Le mod­èle qui a con­duit à « One MBDA » et à opti­miser les béné­fices d’une coopéra­tion indus­trielle est unique au monde et a démon­tré tous ses avan­tages. Il peut et doit inspir­er le reste de l’Europe au moment où se met en place une poli­tique com­mu­nau­taire d’encouragement à la coopération.

Le lancement de programmes en coopération

Les pro­grammes en coopéra­tion sont le « moteur » pour la créa­tion et la con­sol­i­da­tion de cham­pi­ons indus­triels européens de défense. Ils con­courent pleine­ment à l’obtention de leur taille cri­tique et sont un inci­tatif puis­sant à leur con­sol­i­da­tion indus­trielle. De son côté, un cham­pi­on indus­triel devient lui-même un impor­tant levi­er pour la con­sol­i­da­tion de la demande en favorisant la con­ver­gence de l’expression des besoins et une con­duite opti­male des pro­grammes en coopéra­tion. Les pro­grammes en coopéra­tion sont sources de nom­breux avan­tages. Ils aug­mentent l’éventail des capac­ités disponibles pour les pays parte­naires en leur don­nant accès à des solu­tions qu’ils n’auraient pas les moyens de dévelop­per seuls, les coûts et les risques liés au développe­ment de capac­ités de nou­velle généra­tion étant désor­mais partagés.

Ces pro­grammes en coopéra­tion ren­for­cent égale­ment de fac­to l’interopérabilité des pays con­cernés. Cepen­dant, fondés sur l’expérience de MBDA, un cer­tain nom­bre de principes sim­ples doivent être appliqués pour faire d’un pro­gramme en coopéra­tion un suc­cès : des poli­tiques de défense homogènes entre pays parte­naires ; un besoin opéra­tionnel le plus com­mun pos­si­ble ; un pilotage client par une struc­ture unique et forte ; un pilotage indus­triel par un maître d’œuvre unique ; une répar­ti­tion du tra­vail suiv­ant les com­pé­tences effec­tives des acteurs indus­triels impliqués.

Une coopération couronnée de succès

Les nations européennes coopèrent dans le domaine de l’armement avec un cer­tain suc­cès depuis plus d’un demi-siè­cle. Des pro­jets à la fois sym­bol­iques et ayant une forte ratio­nal­ité indus­trielle et capac­i­taire, comme le Sys­tème de com­bat aérien du futur (Scaf) et le char du futur, con­tin­u­ent à offrir des per­spec­tives promet­teuses à une logique de coopéra­tion inter­gou­verne­men­tale, entre nations, sur une base bilatérale ou mul­ti­latérale. Mais désor­mais une révo­lu­tion coper­ni­ci­enne est aus­si à l’œuvre depuis 2016 avec le nou­v­el agen­da européen de défense, qui fait écho aux fonde­ments mêmes du mod­èle « One MBDA ».

Cet agen­da con­stitue un saut qual­i­tatif et quan­ti­tatif qui doit per­me­t­tre de sys­té­ma­tis­er la coopéra­tion européenne sur les pri­or­ités les plus cri­tiques, avec l’objectif de dépenser plus et mieux. Pour la pre­mière fois, l’industrie pour­rait béné­fici­er d’un proces­sus cohérent et séquen­tiel à l’échelon européen : iden­ti­fi­ca­tion des pri­or­ités capac­i­taires sur un spec­tre large ; traite­ment de ces pri­or­ités entre États volon­taires dans un cadre per­ma­nent et engageant (coopéra­tion struc­turée per­ma­nente) ; abon­de­ment budgé­taire com­mu­nau­taire (Fonds européen de la défense – FEDef). La prin­ci­pale nova­tion réside dans la con­tri­bu­tion budgé­taire de la Com­mis­sion au développe­ment de tech­nolo­gies de rup­ture et de capac­ités mil­i­taires répon­dant aux besoins les plus pressants.

Des projets collaboratifs complexes

Les occa­sions offertes par cet agen­da s’accompagnent cepen­dant d’une cer­taine com­plex­ité dans le mon­tage des pro­jets col­lab­o­rat­ifs, com­plex­ité pro­pre aux régle­men­ta­tions européennes : comi­tolo­gie, régime de sub­ven­tions et de coûts éli­gi­bles, préférence mar­quée pour des capac­ités défen­sives, incli­na­tion naturelle vers la com­péti­tion et l’homogénéité de traite­ment, ten­ta­tions de saupoudrage. Un effort d’apprentissage reste donc néces­saire tant du côté indus­triel que du côté des admin­is­tra­tions nationales. Celles-ci doivent iden­ti­fi­er claire­ment les capac­ités qu’elles souhait­ent dévelop­per de manière sou­veraine et les capac­ités pour lesquelles la coopéra­tion sera privilégiée.

Il est évi­dent que le pili­er inter­gou­verne­men­tal de l’agenda européen de défense restera cen­tral pour le moyen terme (iden­ti­fi­ca­tion des besoins, lib­erté d’emploi des capac­ités dévelop­pées pour les États mem­bres, con­trôle des expor­ta­tions). Finale­ment, le suc­cès du FEDef se mesur­era d’abord à l’aune de l’utilité opéra­tionnelle des solu­tions con­crète­ment dévelop­pées dans ce cadre et, par con­séquent, égale­ment au niveau d’engagement, y com­pris financier, des États. Le niveau d’ambition budgé­taire ayant récem­ment été divisé par deux, il con­vien­dra de rester vig­i­lants et de se pré­mu­nir con­tre toute dérive par rap­port à l’objectif de ratio­nal­i­sa­tion au niveau européen.

Une organisation industrielle optimisée à l’échelle européenne

Une organ­i­sa­tion indus­trielle opti­misée à l’échelle européenne est un fac­teur clé de réus­site d’un cham­pi­on indus­triel européen de défense. Elle lui per­met de cap­i­talis­er sur les syn­er­gies entre ses piliers nationaux. Elle favorise surtout une con­duite plus effi­cace des pro­grammes en coopéra­tion et donc une maîtrise de la dépense de défense. Amélior­er une organ­i­sa­tion indus­trielle exis­tante est un défi en soi.

Le principe de dépendances mutuelles équilibrées

L’optimiser au niveau européen passe néces­saire­ment par la sup­pres­sion des dupli­ca­tions nationales coû­teuses et sous-cri­tiques, par la spé­cial­i­sa­tion et, finale­ment, l’acceptation du principe de dépen­dances mutuelles équili­brées. La coopéra­tion fran­co-bri­tan­nique est emblé­ma­tique à cet égard. Pour la pre­mière fois en Europe, en 2010, deux États européens ont fait le con­stat au plus haut niveau poli­tique que, pour main­tenir leur sou­veraineté et la taille cri­tique de leur indus­trie, il était néces­saire d’entrer dans une logique de spé­cial­i­sa­tion et d’accepter un cer­tain niveau de dépen­dances mutuelles selon le principe share it or lose it.

Le secteur des mis­siles et le groupe MBDA ont été choi­sis pour met­tre en œuvre cette approche nou­velle com­bi­nant la présence d’un maître d’œuvre européen unique et l’établissement de cen­tres d’excellence. Les traités de Lan­cast­er House ont ain­si don­né nais­sance au pro­jet dit « One MBDA ». Qua­tre cen­tres d’excellence spé­cial­isés sont aujourd’hui opéra­tionnels (cal­cu­la­teurs et bancs de test en France ; liai­son de don­nées mis­siles et ser­vo­mo­teurs au Roy­aume-Uni). L’activité de ces cen­tres est con­cen­trée dans un des deux pays mais s’exerce au prof­it des pro­grammes des deux pays, y com­pris des pro­grammes nationaux.

L’objectif de spé­cial­i­sa­tion a des impli­ca­tions pro­fondes. Un accès réciproque aux tech­nolo­gies et équipements spé­cial­isés doit être garan­ti. La dépen­dance mutuelle et la spé­cial­i­sa­tion indus­trielle ne peu­vent en out­re se sat­is­faire d’instruments juridiques de cir­con­stance. Un accord inter­gou­verne­men­tal rat­i­fié par les deux par­lements a ain­si été signé en 2016 pour organ­is­er les con­di­tions de cet accès réciproque (sécu­rité d’appro­visionnement, licences export, ges­tion de la pro­priété intellectuelle…).

Définir des besoins communs

Mais garan­tir un accès réciproque n’est pas une fin en soi. Une déf­i­ni­tion com­mune des futurs besoins capac­i­taires et la mise en place d’instruments de coopéra­tion per­ma­nents et struc­turés garan­tis­sant la coor­di­na­tion des poli­tiques indus­trielles et de R & T nationales sont des préreq­uis indis­pens­ables. Cette logique, dont la mon­tée en puis­sance est trib­u­taire du lance­ment de nou­veaux pro­grammes en coopéra­tion, sup­pose un effort budgé­taire adéquat et équitable­ment répar­ti. Les con­séquences d’un objec­tif de spé­cial­i­sa­tion vont par con­séquent au-delà des seuls aspects industriels.

Pra­tiques et men­tal­ités doivent pro­fondé­ment s’adapter, mais il faut aus­si que les ambi­tions et les poli­tiques de défense des pays parte­naires soient cohérentes, voire con­ver­gentes sur le long terme. Et surtout cela néces­site qu’un principe de sou­veraineté partagée soit accepté.


Le Fonds européen de la défense – FEDef

Le FEDef, qui sera mis en place en 2021, a la poten­tial­ité de con­stituer un puis­sant inci­tatif qui com­plétera les finance­ments nationaux de R & T et de R & D sur des sujets à haute valeur ajoutée européenne et qui accélér­era le développe­ment de nou­velles capac­ités, en réduisant les coûts non récur­rents à la charge des nations. Le FEDef est aus­si un pre­mier pas con­cret vers une résilience européenne, car il édicte des critères d’éligibilité stricts pour les entités souhai­tant par­ticiper à un pro­jet européen et il refuse tout con­trôle et toute restric­tion sur les résul­tats d’un pro­jet financé par l’UE de la part d’un tiers à l’UE.


Une présence significative à l’export

L’accès aux marchés export recou­vre des enjeux tout à la fois poli­tiques, économiques et indus­triels. Pour l’industrie de défense européenne, il fait inté­grale­ment par­tie du mod­èle économique. Dans un con­texte européen de marchés encore trop frag­men­tés et de ten­sions budgé­taires per­sis­tantes, il con­court pleine­ment au main­tien d’une taille cri­tique indus­trielle et tech­nologique et per­met aux cham­pi­ons européens de con­solid­er leur posi­tion­nement glob­al face à leurs com­péti­teurs. Une présence sig­ni­fica­tive à l’export est en out­re un mar­queur de la com­péti­tiv­ité de ces entre­pris­es en démon­trant la per­for­mance et la fia­bil­ité des pro­duits européens de défense.

“Accepter un principe
de souveraineté partagée.”

De la nécessité d’ancrer le Royaume-Uni à l’Union européenne en matière de défense

Le Brex­it porte une ombre aux évo­lu­tions promet­teuses des dernières années. Dans le cas d’un cham­pi­on européen comme MBDA, la per­spec­tive d’un Brex­it dur est source d’incertitudes. Par exem­ple, un accroisse­ment des coûts économiques sem­ble inévitable et, surtout en cas d’absence d’accord à la fin de la péri­ode de tran­si­tion, pèsera sur la com­péti­tiv­ité à la fois des pro­grammes en coopéra­tion et des chaînes de valeur des cham­pi­ons européens organ­isés sur une base transmanche.

La fin du cadre com­mun avec les pays de l’UE va génér­er des coûts sup­plé­men­taires (tax­es douanières, cer­ti­fi­ca­tion…), des con­traintes admin­is­tra­tives (pas­sage en douane) et des aléas juridiques, notam­ment en cas de diver­gence des cadres légaux, fis­caux et régle­men­taires. Dimen­sion plus cri­tique, si un Brex­it dur venait à frag­ilis­er la rela­tion fran­co-bri­tan­nique, cela pour­rait avoir un coût poli­tique fort en matière de défense par la dis­pari­tion d’un cadre per­ma­nent de con­cer­ta­tion et du fait des con­tre­coups pos­si­bles d’une éventuelle crise économique et budgé­taire au Royaume-Uni.

“Le Royaume-Uni est un acteur clé de la défense en Europe.”

En matière de défense, le Roy­aume-Uni ne peut pas être con­sid­éré comme un État tiers comme un autre, car il est un acteur clé de la défense en Europe : plus du quart des dépens­es d’investissement européennes, un appareil mil­i­taire com­plet par­tic­i­pant aux engage­ments en opéra­tions extérieures et une base indus­trielle et tech­nologique de défense de très haut niveau. Un parte­nar­i­at défense robuste doit donc être négo­cié entre l’UE et le Roy­aume-Uni. Ce nou­veau régime, qui reste à inven­ter, doit per­me­t­tre, selon des con­di­tions à déter­min­er, la pour­suite d’une coopéra­tion pro­gram­ma­tique et d’une con­sol­i­da­tion indus­trielle en lim­i­tant au max­i­mum les contraintes.

Les deux par­ties y ont intérêt. A con­trario, sans un tel parte­nar­i­at, la con­science de nos intérêts com­muns pour­rait se diluer. La sit­u­a­tion actuelle n’est pas sat­is­faisante ; l’absence de négo­ci­a­tion d’un parte­nar­i­at défense et l’absence de per­spec­tive pour le très court terme sont préoc­cu­pantes. Deux ques­tions devraient ani­mer les réflex­ions des deux par­ties. L’objectif d’autonomie stratégique européen sera-t-il in fine une réal­ité sans con­tri­bu­tion bri­tan­nique ? Récipro­que­ment, l’objectif bri­tan­nique de lib­erté d’action est-il souten­able sur le long terme sans un parte­nar­i­at avec l’UE ?

Poster un commentaire