étymologie à propos du quantique

Étymologie :
À propos du quantique

Dossier : QuantiqueMagazine N°779 Novembre 2022
Par Pierre AVENAS (X65)

Le quan­tique est très présent dans la sphère médi­a­tique. On évoque sou­vent la mécanique quan­tique, mys­térieuse pour beau­coup, y com­pris pour les sci­en­tifiques eux-mêmes dans cer­tains de ses aspects. On mise sur l’ordinateur quan­tique, à long terme cepen­dant. Quant au mot quan­tique, son éty­molo­gie est sim­ple, mais son his­toire est complexe. 

Le quantum des Romains, des juristes et des philosophes

En latin, l’adverbe inter­ro­gatif quam « à quel degré ? » se com­bine au démon­stratif tan­tus « de cette grandeur » pour for­mer l’adjectif inter­ro­gatif quan­tus « de quelle grandeur ? », en par­ti­c­uli­er au neu­tre, quan­tum « com­bi­en ? », d’où aus­si quan­ti­tas pour une quan­tité, a pri­ori quel­conque.

En bas latin, le nom quan­tum désigne une quan­tité déter­minée, par la nature ou par une déci­sion humaine. Ain­si, en latin juridique, on par­le d’un quan­tum de dom­mage ou d’indemnité. Le terme est aus­si employé par les philosophes, notam­ment par Kant, en alle­mand Quan­tum, au pluriel Quan­ta. Dans la Cri­tique de la rai­son pure (1781), Kant évoque le « Quan­tum de la sub­stance » et il affirme par ailleurs que le temps et l’espace sont les deux « Quan­ta » orig­i­naires de notre intu­ition. Le Quan­tum de Kant est une sorte de quan­tité per­ma­nente et intuitive. 

N.B. : le patronyme Kant, lié sans doute à kan­ten « tailler la pierre, le bois », est en tout cas sans rap­port avec quan­tum.

Le quantum et les quanta des physiciens

Le physi­cien alle­mand Max Planck, pour expli­quer le ray­on­nement ther­mique d’un corps en fonc­tion de sa tem­péra­ture, pos­tule en 1900–1901 que les échanges entre ce ray­on­nement et la matière ne se font que sous forme de paque­ts d’onde élec­tro­mag­né­tique d’énergie hν, où ν est la fréquence de cette onde. Le terme h, peut-être l’initiale de Hil­f­s­grösse « grandeur aux­il­i­aire », est aujourd’hui la con­stante de Planck. En 1905, Ein­stein com­plète cette théorie en pos­tu­lant que l’onde élec­tro­mag­né­tique est elle-même con­sti­tuée de ces paque­ts d’énergie, qu’il nomme en alle­mand Energiequan­ta (ils seront nom­més pho­tons en 1926). Et en 1906, Planck intro­duit le con­cept de Wirkungsquan­tum, traduit plus tard par quan­tum d’action.

Au con­grès Solvay de 1911, en présence d’Einstein, de Planck et d’autres som­mités de la physique, Poin­caré (X 1873, Mines) donne une com­mu­ni­ca­tion Sur la théorie des quan­ta, pub­liée en 1912 et por­tant sur les math­é­ma­tiques du quan­tum et de la physique des quan­ta (l’Académie recom­mande le pluriel quan­tums, sans suc­cès). En anglais, c’est quan­tum, quan­ta et en alle­mand Quant, Quan­ten.

L’adjectif quan­tique est attesté en 1924 dans la Théorie quan­tique des spec­tres. La même année, Louis de Broglie établit lors de sa thèse le principe de dual­ité onde-cor­pus­cule. Une onde est alors asso­ciée à tout élec­tron dont la fonc­tion d’onde, don­nant sa prob­a­bil­ité de présence, suit l’équa­tion de Schrödinger for­mulée en 1925. À par­tir de là, la physique et la mécanique quan­tiques (mec­ca­ni­ca quan­tis­ti­ca en ital­ien, quan­tum mechan­ics en anglais et Quan­ten­mechanik en alle­mand) ont pris leur essor. On évoque beau­coup de nos jours les états quan­tiques, dont le chat de Schrödinger illus­tre la pos­si­ble et sur­prenante super­po­si­tion, ain­si que l’intri­ca­tion quan­tique, un con­cept qui intrigue vrai­ment (intriguer et intri­quer sont des dou­blets, du latin intri­care « embrouiller », d’où aus­si inex­tri­ca­ble).

Épilogue

Un ordi­na­teur quan­tique (quan­tum com­put­er) devra maîtris­er le quan­tique dans tous ses états, faute de quoi il pro­duirait d’inacceptables résul­tats aléa­toires (du latin alea « jeu de dés »).

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