BIG Quantum Hackathon : initiative française pour une diplomatie quantique

Dossier : QuantiqueMagazine N°779 Novembre 2022
Par Alexandre KRAJENBRINK (X12)
Par Elvira SHISHENINA (X11)

Deux ini­tia­tives fran­çaises de pre­mier plan existent dans le domaine quan­tique : QuantX – une asso­cia­tion des anciens de l’École poly­tech­nique – et Le Lab Quan­tique – une asso­cia­tion loi de 1901 sié­geant au sein du Plan natio­nal quan­tique. Elles ont créé la plus grande com­pé­ti­tion d’informatique quan­tique au monde : le BIG Quan­tum Hackathon.

Un des piliers d’une indus­trie forte est l’écosystème qui la sous-tend. For­mer cet éco­sys­tème est une ques­tion com­pli­quée, car il doit être assez flexible pour s’adapter aux besoins fluc­tuants de la recherche aca­dé­mique, du déve­lop­pe­ment de l’ingénierie, du talent estu­dian­tin et des contraintes des agences éta­tiques. Sur une thé­ma­tique aus­si émer­gente que le quan­tique, un des objec­tifs d’un tel éco­sys­tème est de per­mettre une vraie poro­si­té de dia­logue entre les déci­deurs, les cher­cheurs, les entre­pre­neurs et les finan­ciers, afin de sou­te­nir le déve­lop­pe­ment de la tech­no­lo­gie quantique.

Un éco­sys­tème peut prendre plu­sieurs formes et est en géné­ral com­po­sé de plu­sieurs organes ; cela peut être un groupe d’anciens d’université, une asso­cia­tion loi de 1901 ou une fon­da­tion, un consor­tium indus­triel ou bien une agence para­pu­blique. Une fois consti­tué, il se doit d’être vivant, d’avoir un lieu incar­né pour mener ses acti­vi­tés d’animation et de s’ouvrir le plus pos­sible aux éco­sys­tèmes d’autres indus­tries ou d’autres pays.

Les deux principales structures françaises d’animation

Nous avons la chance au sein de la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne de comp­ter sur une très grande diver­si­té de pro­fils et de talents dans l’industrie quan­tique. Début 2020, avec notre cama­rade Chris­tophe Jurc­zak (X89), nous avons eu l’idée de fon­der QuantX dans le but de fédé­rer notre com­mu­nau­té autour de toutes les tech­no­lo­gies quan­tiques, que ce soient les cal­culs, les cap­teurs ou les communications.

Les membres fon­da­teurs de QuantX sont des cher­cheurs, des fon­da­teurs de start-up, des finan­ciers, des chefs d’entreprise convain­cus que l’X n’est pas sim­ple­ment une école de pre­mier rang, mais aus­si un des plus impor­tants réseaux dans le monde aca­dé­mique et indus­triel. Fort de ce constat, l’ambition de QuantX est de contri­buer au pro­grès tech­no­lo­gique, d’encourager le trans­fert de connais­sances, de par­ti­ci­per à la décou­verte de nou­velles appli­ca­tions des tech­no­lo­gies quan­tiques et de déve­lop­per l’enseignement des futures géné­ra­tions d’ingénieurs quan­tiques. Cette ambi­tion repose sur notre vision que le suc­cès de l’industrie quan­tique tien­dra de l’excellence scien­ti­fique et du sou­tien à l’entrepreneuriat et aux ini­tia­tives transverses.

Notre pre­mière col­la­bo­ra­tion s’est maté­ria­li­sée avec Le Lab Quan­tique qui est deve­nu un par­te­naire de confiance pour com­plé­ter les actions d’animation de QuantX afin de créer un réseau quan­tique mon­dial. Fon­dée par Chris­tophe Jurc­zak, Jean-Gabriel Boi­not (Quan­to­na­tion) et Jean-Chris­tophe Gou­geon (BPI­france), l’association encou­rage les ini­tia­tives ascen­dantes dans l’écosystème quan­tique mon­dial et repré­sente les inté­rêts de l’écosystème quan­tique fran­çais au sein du Plan natio­nal quan­tique, et il défi­nit l’effort de diplo­ma­tie de la scène quan­tique française.


Lire aus­si : La sou­ve­rai­ne­té natio­nale au sein du plan natio­nal quantique



Le premier BIG Quantum Hackathon

Le pre­mier BIG Quan­tum Hacka­thon à Paris a été orga­ni­sé en 2021 sous le haut patro­nage de Cédric O – ancien secré­taire d’État char­gé de la Tran­si­tion numé­rique et des Com­mu­ni­ca­tions élec­tro­niques, et Neil Abroug – coor­don­na­teur natio­nal pour la Stra­té­gie quan­tique. L’événement a été sou­te­nu par BPI­france, l’Inria, Gen­ci, Quan­to­na­tion et Le Lab Quan­tique. Il est deve­nu la plus grande com­pé­ti­tion d’informatique quan­tique, en rai­son du nombre d’acteurs de l’écosystème inter­na­tio­nal de l’informatique quan­tique impli­qués, et l’une des plus ori­gi­nales en rai­son de sa struc­ture en deux phases : tech­nique et business. 

Au cours de la phase tech­nique, les équipes d’étudiants en mas­ter, doc­to­rat et ingé­nieurs de recherche ont eu à résoudre des cas d’usage four­nis par dix entre­prises indus­trielles et finan­cières (Air­bus, BMW Group, CA-CIB, EDF, ENI, L’Oréal, Roche, Saint-Gobain, Socié­té Géné­rale, Thales) sur les pla­te­formes four­nies par neuf four­nis­seurs de logi­ciels et maté­riels dans le quan­tique (Pas­qal, AWS, Quan­ti­nuum, Micro­soft, IBM, Google, Xana­du, QC Ware, Atos). 

Les meilleures solu­tions tech­niques ont été sélec­tion­nées pour la phase busi­ness du concours par un jury d’experts. Dans la phase sui­vante, les équipes d’investisseurs ven­ture capi­tal / pri­vate equi­ty (BPI­france Large Ven­ture, Elaia), de cabi­nets de conseil (Cap­ge­mi­ni), d’étudiants en MBA (Insead) et Exe­cu­tive MBA (École poly­tech­nique) ont dû s’approprier et chal­len­ger les meilleures solu­tions tech­niques dans le contexte des pro­blé­ma­tiques busi­ness des entre­prises indus­trielles, en four­nis­sant la stra­té­gie d’intégration de ces solu­tions aux pro­prié­taires des cas d’usage, mais aus­si l’estimation des res­sources et une feuille de route pour un avan­tage com­pu­ta­tion­nel futur.

“Le premier BIG Quantum Hackathon à Paris est devenu la plus grande compétition d’informatique quantique.”

La céré­mo­nie de remise des prix et le cock­tail de réseau­tage en pré­sence du ministre Cédric O pour célé­brer le suc­cès du BIG Quan­tum Hacka­thon ont réuni plus de 150 par­ti­ci­pants, dont un quart de cadres diri­geants du CAC 40. L’événement a ren­for­cé les liens créés pen­dant le hacka­thon et a four­ni la pla­te­forme pour de nou­velles col­la­bo­ra­tions et ini­tia­tives. Nous avons par ailleurs été invi­tés chez QuantX à pré­sen­ter la métho­do­lo­gie de nos hacka­thons, devant plu­sieurs ministres lors du lan­ce­ment de la pla­te­forme euro­péenne hybride HPC-QC. Le suc­cès du BIG Quan­tum Hacka­thon à Paris a été recon­nu par les éco­sys­tèmes étran­gers, mon­trant l’engagement de la com­mu­nau­té quan­tique pour des actions conjointes. 

La série de BIG Quan­tum Hacka­thons a été lan­cée au Cana­da en col­la­bo­ra­tion avec Qué­bec Quan­tique, au Royaume-Uni avec Natio­nal Quan­tum Com­pu­ting Centre, à Gre­noble avec Mina­lo­gic, CEA, Gen­ci et Atos. En 2023 les évé­ne­ments sont pré­vus à Chi­ca­go avec le Chi­ca­go Quan­tum Exchange, à Sin­ga­pour avec le Centre for Quan­tum Tech­no­lo­gies, et le tout pre­mier BIG HPC-AI-QC Hacka­thon avec EuroHPC pour démon­trer le poten­tiel du cal­cul hybride. Pour assu­rer la conti­nui­té entre les hacka­thons et impli­quer davan­tage de par­te­naires, nous avons annon­cé une pla­te­forme numé­rique QuantX appli­ca­tions. La pla­te­forme col­lec­tion­ne­ra des cas d’usage indus­triels et offri­ra la pos­si­bi­li­té de pro­po­ser des solu­tions et de construire des bench­marks en temps réel, d’entrer en contact avec les pro­prié­taires des cas d’usage, de sol­li­ci­ter le sou­tien d’experts, d’échanger des idées et des solu­tions tech­niques. À l’avenir, la pla­te­forme héber­ge­ra éga­le­ment un forum pour les offres d’emploi.


Les initiatives d’animation conjointes

Covid-19 oblige, nous avons com­men­cé par ani­mer la com­mu­nau­té des enthou­siastes du quan­tique en 2020 par une série de webi­naires. Le plus abou­ti, Quan­tum Com­pu­ting hard­ware en France : les start-up en vue, a réuni les repré­sen­tants des cinq start-up majeures tra­vaillant sur le déve­lop­pe­ment de qubits phy­siques pro­ve­nant de dif­fé­rents sys­tèmes : la pho­to­nique (Quan­de­la), les atomes neutres (Pas­qal), les qubits de chat supra­con­duc­teurs (Alice&Bob), les centres NV dans les dia­mants (Diam­Fab) et les nano­tubes de car­bone (C12). Cette diver­si­té a per­mis de mon­trer l’engagement solide des jeunes talents et une grande ambi­tion de la France de deve­nir un lea­der de la course mon­diale à l’informatique quantique.

Un autre webi­naire sur Les Réseaux quan­tiques orga­ni­sé avec l’association Aris­tote a dévoi­lé un autre aspect de la tech­no­lo­gie quan­tique, démon­trant l’avenir de l’internet quan­tique et de la com­mu­ni­ca­tion quan­tique sécu­ri­sée. Le webi­naire a réuni plus de mille par­ti­ci­pants du monde entier autour des key­notes et des tables rondes avec des experts en France (Quan­to­na­tion, BCG, Ins­ti­tut de phy­sique de Nice), en Alle­magne (MPI of Quan­tum Optics), au Royaume-Uni (Kets Quan­tum Secu­ri­ty, Veri­Q­loud, Uni­ver­si­ty of Edin­burgh), à Sin­ga­pour (Spe­Q­tral) et aux États-Unis (Qun­nect).

Par nos efforts d’évangélisation de la tech­no­lo­gie quan­tique, notam­ment par le par­tage des points de vue d’experts, de nom­breuses col­la­bo­ra­tions sont nées (entre indus­triels et four­nis­seurs quan­tiques, entre four­nis­seurs quan­tiques et four­nis­seurs quan­tiques, et entre uni­ver­si­tés et four­nis­seurs quan­tiques) au sein du réseau poly­tech­ni­cien de QuantX et au-delà. En effet, pour pour­suivre nos actions et mul­ti­plier les efforts et canaux de com­mu­ni­ca­tion, nous avons col­la­bo­ré avec des ini­tia­tives et asso­cia­tions déjà exis­tantes autour des tech­no­lo­gies quantiques.

Un nouveau modèle de hackathon

Deux ans et demi après la créa­tion de QuantX et après une dizaine d’événements, nous avons conver­gé vers un concept unique au sein de l’écosystème quan­tique mon­dial. Ce concept, inti­tu­lé le BIG Quan­tum Hacka­thon, est un concours unique qui vise à ras­sem­bler toute la chaîne de valeur de l’informatique quan­tique, pour révé­ler sa capa­ci­té à rele­ver les défis de la vie réelle.

Cet évé­ne­ment réunit des entre­prises indus­trielles et finan­cières, des inves­tis­seurs en capi­tal-risque et des consul­tants-experts, qui s’associent à des spé­cia­listes et étu­diants en infor­ma­tique quan­tique issus du monde uni­ver­si­taire, à des four­nis­seurs de maté­riel et de logi­ciels quan­tiques, pour répondre à un ensemble de pro­blèmes issus de domaines aus­si dif­fé­rents que la chi­mie, l’apprentissage auto­ma­tique, l’optimisation, la finance ou la simu­la­tion numérique.

Fon­da­men­ta­le­ment conçu et orien­té vers la réso­lu­tion col­la­bo­ra­tive de cas d’usage indus­triels, le BIG Quan­tum Hacka­thon aide les par­ti­ci­pants à mesu­rer l’impact réel de leur tra­vail, à tes­ter la per­for­mance des solu­tions de cal­cul quan­tique actuel­le­ment dis­po­nibles, à son­der l’intérêt com­mer­cial exis­tant pour de telles solu­tions, ain­si qu’à mieux cer­ner les prio­ri­tés et les efforts à four­nir dans les années à venir.

De l’animation nationale à la diplomatie quantique

La dyna­mique d’un éco­sys­tème le conduit néces­sai­re­ment à s’ouvrir vers des éco­sys­tèmes étran­gers. Uti­li­sée à bon escient, la rela­tion entre deux éco­sys­tèmes per­met de déve­lop­per un canal infor­mel pour mener des actions de diplo­ma­tie scien­ti­fique ou indus­trielle. C’est le point de vue que nous adop­tons au sein de QuantX et du Lab Quan­tique et qui nous a conduits à déve­lop­per des par­te­na­riats avec notam­ment Chi­ca­go Quan­tum Exchange (USA), Qué­bec Quan­tique (Cana­da), Natio­nal Quan­tum Com­pu­ting Cen­ter (UK), Centre for Quan­tum Tech­no­lo­gies (Sin­ga­pore) et Push­Quan­tum (Alle­magne).

Nous avons eu la chance à tra­vers ces col­la­bo­ra­tions d’accueillir des délé­ga­tions étran­gères à Paris, comme la ministre délé­guée à l’Économie du Qué­bec, de pré­sen­ter les pépites de notre indus­trie quan­tique et d’amorcer des dis­cus­sions per­met­tant l’expansion d’entreprises fran­çaises à l’étranger ou réci­pro­que­ment. Un exemple concret de cela est la par­ti­ci­pa­tion de l’entreprise Pas­qal à un BIG Quan­tum Hacka­thon à Mont­réal en juin 2022, en amont de l’ouverture de leur bureau nord-américain.

“Tisser le lien entre le monde académique et le monde industriel.”

La Maison du Quantique

Un des chan­tiers actuels de QuantX et du Lab Quan­tique est de créer des lieux en France entiè­re­ment dédiés au quan­tique – les Mai­sons du Quan­tique – qui visent à deve­nir le pou­mon de l’animation de l’écosystème quan­tique. La pre­mière de ces Mai­sons se maté­ria­li­se­ra par un immeuble dans Paris, ayant la capa­ci­té d’héberger des entre­prises du quan­tique fran­çaises et étran­gères et un incu­ba­teur ou amor­ceur de start-up quan­tiques – le Quan­tum Launch­pad men­tion­né dans son article par Chris­tophe Jurc­zak. Elle per­met­tra d’organiser des acti­vi­tés telles que des hacka­thons, des mee­tups, des accueils de délé­ga­tions étran­gères, ou encore des conférences. 

La Mai­son du Quan­tique aura aus­si des espaces de loi­sirs tels qu’une librai­rie scien­ti­fique, un espace d’exposition d’art ins­pi­ré des sciences phy­siques et quan­tiques et un FabLab per­met­tant des expé­ri­men­ta­tions. À l’instar d’instituts scien­ti­fiques renom­més à tra­vers le monde comme l’Institut Hen­ri-Poin­ca­ré à Paris, l’Institut du Fla­ti­ron à New York ou encore le Mila à Mont­réal, la Mai­son du Quan­tique veut être un lieu emblé­ma­tique du quan­tique avec un fort rayon­ne­ment à l’international. Nous sommes aujourd’hui heu­reux de pou­voir comp­ter sur des par­te­naires de qua­li­té comme Quan­to­na­tion, Gen­ci, Zaz Ven­tures et des membres du corps aca­dé­mique pour faire naître ce pro­jet ambitieux. 

Quelles sont les perspectives et les ombres au tableau ? 

QuantX et Le Lab Quan­tique sont encore des struc­tures de taille modeste, mais nos pro­jets sont mul­tiples : nous aime­rions par exemple lever des fonds pri­vés pour finan­cer des thèses de doc­to­rat en France, afin que le monde aca­dé­mique qui a tant don­né aux entre­prises quan­tiques puisse se voir à son tour sou­te­nu par celles-ci. Plus géné­ra­le­ment, nous sou­hai­tons être le maillon de réfé­rence pour tis­ser le lien entre le monde aca­dé­mique et le monde industriel.

Fina­le­ment, afin de mener nos actions jour après jour, un pro­blème cri­tique est le finan­ce­ment pérenne de nos struc­tures asso­cia­tives, per­met­tant d’avoir des col­la­bo­ra­teurs à temps plein et de ne pas comp­ter uni­que­ment sur le temps libre de béné­voles. Les éco­sys­tèmes étran­gers ont jusqu’à main­te­nant été abon­dés en finan­ce­ments publics, mais ce n’est pas encore le cas en France, met­tant pos­si­ble­ment en péril l’efficacité et l’impact de l’écosystème fran­çais sur le plan mon­dial et le relé­guant au rang de parent pauvre par­mi ses pairs.

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