Premier processeur quantique industriel développé par PASQAL.

Pasqal : le quantique, une révolution à portée de main pour toutes les industries !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°779 Novembre 2022
Par Loïc HENRIET (X09)

Start-up française spé­cial­isée dans le cal­cul quan­tique, PASQAL pour­suit son développe­ment afin de ren­forcer son posi­tion­nement et de faciliter le recours aux ressources quan­tiques. Expli­ca­tions de Loïc Hen­ri­et (X09), CTO de PASQAL.

Quelle a été la genèse de PASQAL et quel est son positionnement actuellement ? 

PASQAL est une start-up française qui fab­rique des processeurs quan­tiques. Elle a vu le jour en 2019 et est issue des travaux de deux chercheurs au CNRS, Antoine Browaeys et Thier­ry Lahaye, qui tra­vail­lent depuis plus d’une décen­nie sur la manip­u­la­tion d’atomes indi­vidu­els par des lasers à l’Institut d’Optique (Palaiseau). Cette thé­ma­tique de recherche s’appuie sur l’excellence du lab­o­ra­toire en physique quan­tique, acquise dans la lignée des travaux d’Alain Aspect, prix Nobel de physique 2022 pour ses travaux fon­da­teurs sur l’intrication quantique. 

Avec la mat­u­ra­tion de la technolo­gie, Alain Aspect, Antoine Browaeys et Thier­ry Lahaye ont alors pris la pleine mesure de l’importance de faire pass­er ces travaux académiques dans le monde indus­triel. Ils se sont alors asso­ciés au physi­cien et ingénieur Georges-Olivi­er Rey­mond pour créer PASQAL, dans le but de con­stru­ire et com­mer­cialis­er les pre­miers processeurs quan­tiques fonc­tion­nant sur cette tech­nolo­gie. J’ai per­son­nelle­ment rejoint PASQAL dès juin 2019, et je suis actuelle­ment le directeur tech­nique (CTO) de l’entreprise.

“PASQAL a ouvert la première usine de processeurs quantiques de France à Massy, avec des capacités de production dédiées et des équipes de recherche.”

Aujourd’hui, PASQAL emploie une cen­taine de per­son­nes de plus de 18 nation­al­ités dif­férentes. Nous avons ouvert la pre­mière usine de processeurs quan­tiques de France à Massy, avec des capac­ités de pro­duc­tion dédiées et des équipes de recherche. L’entreprise est présente en Europe avec des bureaux à Massy, Ams­ter­dam et Lon­dres mais aus­si en Amérique du Nord avec des bureaux au Québec et à Boston. Ayant récem­ment franchi la barre des 350 qubits, nous sommes con­fi­ants d’atteindre 1 000 qubits avant la fin de l’année 2023.

Nous avons une stratégie dite ‘full-stack’, dans la mesure où nous dévelop­pons aus­si les couch­es logi­cielles supérieures et les mod­ules appli­cat­ifs avec plus de vingt clients renom­més, comme CACIB, EDF, BMW, BASF, LG ou d’autres. Ce posi­tion­nement nous per­met de dévelop­per les appli­ca­tions qui fonc­tion­nent le mieux sur nos processeurs, car nous con­nais­sons ses forces et ses faib­less­es. La col­lab­o­ra­tion avec des indus­triels guide aus­si nos développe­ments, car nous pou­vons iden­ti­fi­er facile­ment les fonc­tion­nal­ités à déploy­er pour répon­dre à leurs besoins.


Lire aus­si : Les proces­sus quan­tiques : la recherche fon­da­men­tale vers l’ingénierie


Au cœur de votre activité, on retrouve donc le quantique. Qu’en est-il ? 

Le quan­tique occupe évidem­ment une place fon­da­men­tale dans notre entreprise ! 

Nos ‘qubits’, briques élé­men­taires pour l’informatique quan­tique, sont des atom­es indi­vidu­els. Pour réalis­er des cal­culs, l’information est encodée dans les niveaux élec­tron­iques dis­tincts de ces atom­es. La manip­u­la­tion de cette infor­ma­tion est réal­isée par des séquences de puls­es laser ou des champs micro-onde. Nous tra­vail­lons donc avec des par­tic­ules manip­ulées indi­vidu­elle­ment, ce qui requiert un con­trôle extrême­ment fin et une maîtrise de l’interaction lumière-matière au niveau élémentaire. 

L’impact de la physique quan­tique ne s’arrête pas au hard­ware. L’informatique quan­tique est une révo­lu­tion totale de la façon de faire des cal­culs, il y a beau­coup à re-con­stru­ire et à ré-imag­in­er afin de repenser le cal­cul infor­ma­tique sous l’angle quantique.

Du fait de l’omniprésence de la physique quan­tique dans notre activ­ité, du hard­ware au soft­ware, une grande par­tie de nos col­lab­o­ra­teurs ont des pro­fils très tech­niques, avec des for­ma­tions d’ingénieurs et très sou­vent des thès­es en physique quan­tique ou dans des domaines connexes. 

Quels sont les projets qui vous mobilisent actuellement et où en êtes-vous dans votre développement ? 

Nous sommes en pleine crois­sance et avons une forte activ­ité de recherche et développe­ment pour amélior­er nos processeurs avec trois axes majeurs de développe­ment : nom­bre de qubits, qual­ité des opéra­tions, et nom­bre d’opérations réal­isées par sec­onde. Des avancées selon ces trois axes sont néces­saires pour faire fonc­tion­ner nos processeurs dans des régimes inac­ces­si­bles pour les ordi­na­teurs clas­siques. Ces travaux s’inscrivent dans la durée et sont menés en lien avec des lab­o­ra­toires de recherche en France, comme l’institut d’optique ou Sor­bonne uni­ver­sité. Mais nous nouons aus­si des parte­nar­i­ats à l’étranger, comme avec l’université de Sher­brooke au Québec, ou avec l’université de Chicago.

En par­al­lèle, nous pas­sons véri­ta­ble­ment à l’échelle indus­trielle. Dans ce cadre, nous avons déjà ven­du deux processeurs quan­tiques à des cen­tres de cal­cul haute per­for­mance en France et en Alle­magne. Livr­er ces machines représente un défi tech­nique très impor­tant, car il faut con­ver­tir une expéri­ence de physique expéri­men­tale en un matériel de cal­cul haute per­for­mance qui soit capa­ble de fonc­tion­ner dans un envi­ron­nement indus­triel moins con­trôlé qu’un lab­o­ra­toire de recherche. En out­re, nous avons décidé d’ouvrir un accès cloud à nos processeurs dès cette année. Branch­er de telles machines sur le cloud et à les ren­dre acces­si­bles par le plus grand nom­bre est une véri­ta­ble pre­mière dans notre domaine d’activité.

La général­i­sa­tion de l’accès à nos machines, que ce soit via notre cloud ou directe­ment grâce aux cen­tres de cal­cul, va nous per­me­t­tre d’explorer de nom­breux cas d’usage avec nos clients et parte­naires, avec pour objec­tif cen­tral d’être les pre­miers à attein­dre un avan­tage quan­tique opéra­tionnel, où l’utilisation de nos machines quan­tiques pro­cur­era un gain con­cret par rap­port à des machines classiques.

Quels enjeux et problématiques actuels ambitionnez-vous d’aborder avec vos solutions ?

Nous avons la con­vic­tion que le développe­ment de l’informatique quan­tique va entraîn­er des change­ments pro­fonds et sig­ni­fi­cat­ifs pour de nom­breuses indus­tries. Le quan­tique est une tech­nologique de rup­ture qui va impacter tous les métiers : énergie, chimie, logis­tique, nou­veaux matéri­aux et bat­ter­ies… 

Nous tra­vail­lons, par exem­ple, sur le smart-charg­ing, qui vise à opti­miser le plan de recharge d’une flotte de véhicules élec­triques, avec EDF ; sur l’optimisation du réseau haute ten­sion avec RTE ; sur la prévi­sion des risques de crédit avec CACIB ; sur la mod­éli­sa­tion cli­ma­tique avec BASF ; ou encore sur l’analyse de défor­ma­tions mécaniques avec BMW…

Grâce à l’exploration de toutes ces prob­lé­ma­tiques, nous souhaitons attein­dre un avan­tage quan­tique indus­triel dès 2024. Con­crète­ment, un avan­tage quan­tique peut pren­dre plusieurs formes : accéder à une meilleure solu­tion, à une solu­tion de qual­ité équiv­a­lente plus rapi­de­ment, réduire l’empreinte énergé­tique des cal­culs… C’est, d’ailleurs, une des forces de nos processeurs quan­tiques qui ne con­som­ment que quelques kilo­watts, bien moins que les grands cen­tres de cal­culs haute per­for­mance clas­siques. Et nous sommes fiers de pou­voir, à notre niveau, con­tribuer à long terme à une plus grande sobriété énergé­tique dans les solu­tions de cal­cul haute performance.

Au niveau académique, nous avons d’ores et déjà atteint cet avan­tage quan­tique en 2021. Plus con­crète­ment, nous avons étudié com­ment un matéri­au mag­né­tique se com­porte à très basse tem­péra­ture, dans un régime hors de portée pour des super­cal­cu­la­teurs clas­siques. Ces travaux ont été pub­liés dans la pres­tigieuse revue Nature. Nous souhaitons pour­suiv­re ces efforts en sci­ence des matéri­aux, avec l’ambition de con­tribuer au développe­ment de matéri­aux exo­tiques avec des pro­priétés intéres­santes pour l’industrie.

Quels sont vos principaux enjeux et vos perspectives ? 

Nous voulons con­solid­er notre posi­tion de leader mon­di­al dans notre domaine, et démon­tr­er con­crète­ment que notre tech­nolo­gie est la plus per­for­mante. Les tech­nolo­gies con­cur­rentes, comme les qubits supra­con­du­teurs ou les ions piégés, ont voca­tion à sub­sis­ter pen­dant encore quelques années. Toutes les tech­nolo­gies auront des suc­cès, cer­taines auront égale­ment des échecs. L’enjeu prin­ci­pal est donc d’essayer d’exploiter au mieux le poten­tiel des atom­es neu­tres dans un hori­zon de temps le plus proche pos­si­ble, alors que des con­cur­rents améri­cains comme Google, IBM ou Ama­zon ont choisi de tra­vailler sur d’autres technologies. 

Poster un commentaire