Multiverse Computing France

Multiverse Computing : Le quantique, un potentiel encore insoupçonné !

Dossier : Vie des entreprisesMagazine N°779 Novembre 2022
Par Michel KUREK (E19)

Aujourd’hui se des­sine et se con­firme le poten­tiel des tech­nolo­gies et de l’informatique quan­tiques. Michel Kurek (E19), directeur général de Mul­ti­verse Com­put­ing France, dresse pour nous un état des lieux et revient sur le posi­tion­nement de son entre­prise. Rencontre. 

Nous entendons de plus en plus parler de révolution quantique et d’informatique quantique. De quoi s’agit-il ?

La mécanique quan­tique est cen­te­naire. C’est la branche de la physique qui étudie et décrit les phénomènes fon­da­men­taux à l’œuvre dans les sys­tèmes physiques à l’échelle molécu­laire, atom­ique et sub­atomique. Au XXe siè­cle, la mécanique quan­tique a per­mis des inven­tions majeures comme l’IRM, les hor­loges atom­iques, le GPS… Selon moi, les plus mar­quantes sont le laser ou le tran­sis­tor, qui sont les élé­ments de base de nos ordi­na­teurs et smart­phones, et ain­si de notre civil­i­sa­tion de l’information et de la télécommunication. 

Aujourd’hui, nous assis­tons à une sec­onde révo­lu­tion quan­tique. La pre­mière avait per­mis de com­pren­dre le fonc­tion­nement des par­tic­ules de façon col­lec­tive. Les pro­grès sci­en­tifiques et tech­nologiques des 40 dernières années ont per­mis de dévelop­per notre capac­ité à manip­uler des objets quan­tiques (atom­es, élec­trons, pho­tons) de façon indi­vidu­elle pour y stock­er, traiter, lire de l’information et même faire des cal­culs avec. À par­tir de là une nou­velle généra­tion d’appareils a émergé, dont cer­tains sont déjà com­mer­cial­isés. Ils ont voca­tion à révo­lu­tion­ner divers domaines tant ils sur­passeraient les per­for­mances des tech­nolo­gies existantes. 

En métrolo­gie, on com­prend que les objets quan­tiques, par leur taille, sont extrême­ment sen­si­bles aux influ­ences externes. Cela les rend idéaux pour la réal­i­sa­tion de mesures de grandeurs physiques avec une grande pré­ci­sion. En matière de télé­com­mu­ni­ca­tions, une des lois fon­da­men­tales de la physique quan­tique est que l’on ne peut pas copi­er de l’information quan­tique, on est donc à l’aune d’une ère où les com­mu­ni­ca­tions seraient par­faite­ment pro­tégées. Enfin les ordi­na­teurs quan­tiques pour­raient effectuer des cal­culs totale­ment inac­ces­si­bles aux HPC clas­siques, ce qui prof­it­erait à de nom­breuses indus­tries (finance, chimie, sci­ences des matériaux…). 

D’où viendrait alors la puissance du calcul quantique ?

Il faut évo­quer deux principes fon­da­men­taux de la mécanique quan­tique qui sont à l’œuvre pour expli­quer la capac­ité qu’aurait un ordi­na­teur quan­tique à men­er des cal­culs plus rapi­de­ment qu’un ordi­na­teur con­ven­tion­nel : la super­po­si­tion et l’intrication.

En infor­ma­tique clas­sique, l’unité d’information, le bit, peut pren­dre la valeur 0 ou 1. En infor­ma­tique quan­tique, le qubit (équiv­a­lent du bit) peut pren­dre les états 0 et 1 en même temps, dans une cer­taine pro­por­tion. On par­le alors de super­po­si­tion. Ain­si, si en infor­ma­tique clas­sique, on souhaite cal­culer la valeur d’une fonc­tion pour les valeurs en entrée 0 et 1, on est obligé de faire le cal­cul l’un après l’autre. Avec un qubit en état de super­po­si­tion, on peut ne faire appel qu’une fois au cal­cul et on obtient une sorte de cal­cul par­al­lèle natif. Quant à l’intrication, il s’agit d’une forme de cor­réla­tion forte entre deux qubits à l’image de l’intrication pou­vant exis­ter entre des par­tic­ules quan­tiques même espacées l’une de l’autre par des mil­liards de kilomètres.

Quelles sont les technologies disponibles pour construire un ordinateur quantique ?

Il y en a prin­ci­pale­ment trois : celle qui utilise les atom­es neu­tres ou chargés élec­trique­ment (ion) pour stock­er l’information ; la pho­tonique qui va utilis­er les pho­tons ; celle dans laque­lle des dis­posi­tifs arti­fi­ciels vont répli­quer les principes de mécanique quan­tique à l’image de ce qui se passe dans les atom­es réels. Ce sont sou­vent les élec­trons qui sont ici à l’œuvre. Les lab­o­ra­toires de recherche, les grands groupes et les start-up explorent aujourd’hui ces pistes. Cha­cune a des avan­tages et des inconvénients. 

Actuelle­ment nul n’est capa­ble de prédire laque­lle ou lesquelles seront les gag­nantes dans 5, 10 ou 20 ans. L’informatique quan­tique reste un domaine où des avancées tech­nologiques seront néces­saires pour être capa­ble de délivr­er une machine uni­verselle qui aurait un avan­tage réel sur les super­cal­cu­la­teurs con­ven­tion­nels. Les qubits util­isés aujourd’hui ont ten­dance à per­dre rapi­de­ment l’information stock­ée et les opéra­tions qui leur sont appliquées engen­drent des erreurs de cal­culs trop impor­tantes. Néan­moins les pro­grès con­joints aux niveaux algo­rith­miques et matériels lais­sent entrevoir des pre­miers suc­cès dans le cadre d’applications bien spécifiques.

Dans ce con­texte, Mul­ti­verse Com­put­ing est agnos­tique au matériel et développe une solu­tion applica­tive nom­mée Sin­gu­lar­i­ty qui, du point de vue de nos clients, est trans­par­ente au type d’ordinateur quan­tique util­isé. Mul­ti­verse Com­put­ing est aus­si experte de ce que l’on appelle l’ « inspiré du quan­tique » (« quan­tum-inspired ») qui vise à trans­pos­er un for­mal­isme math­é­ma­tique puis­sant util­isé depuis des décen­nies en physique et chimie quan­tiques dans des domaines d’application autres : indus­triel, finance, énergie. Ce traite­ment per­met dans de très nom­breux cas de réduire la com­plex­ité du prob­lème ini­tial et de pou­voir le résoudre sur des ordi­na­teurs conventionnels. 

Qu’en est-il des applications de l’informatique quantique ?

L’ordinateur quan­tique pour­rait sur­pass­er l’ordinateur clas­sique dans la réso­lu­tion de prob­lèmes dont la com­plex­ité aug­mente expo­nen­tielle­ment avec la quan­tité des don­nées à traiter. L’informatique quan­tique pour­rait ain­si avoir des appli­ca­tions con­crètes dans des secteurs util­isant de l’optimisation com­bi­na­toire, la sim­u­la­tion numérique molécu­laire et donc la sci­ence des matéri­aux, de la crypt­analyse, de l’intelligence arti­fi­cielle… Et cela est le cas dans le monde de la finance, de la chimie, de la phar­ma­ceu­tique, de l’aéronautique, de l’automobile, de la logis­tique ou encore de l’énergie… D’ailleurs, une récente étude du cab­i­net BCG estime que la valeur ajoutée de l’informatique quan­tique pour ces secteurs sera entre 450 et 850 mds de dol­lars par an à l’horizon 2040. 

Prenons l’exemple de la finance. Quelles sont les applications possibles ?

Les acteurs de l’industrie finan­cière sont, depuis tou­jours, très enclins à adopter des tech­nolo­gies de pointe comme les tech­nolo­gies quan­tiques. À l’instar des investisse­ments mas­sifs effec­tués par cer­tains hedge-funds pour opti­miser la vitesse de trans­mis­sion des infor­ma­tions finan­cières, les investisse­ments privés dans le quan­tique com­men­cent à décoller. Des ban­ques comme Gold­man Sachs, JP Mor­gan ou encore BBVA et Crédit Agri­cole CIB, en Europe, s’y intéressent de plus en plus. 

En 2018, les fon­da­teurs de Mul­ti­verse Com­put­ing avaient déjà pub­lié un arti­cle sci­en­tifique précurseur sur les cas d’usage de l’informatique quan­tique pour la finance. Dans ce cadre, les prin­ci­pales prob­lé­ma­tiques relèvent de l’optimisation (porte­feuille d’actifs financiers…), de la sim­u­la­tion notam­ment pour le cal­cul des risques, du machine learn­ing (pric­ing d’instruments financiers com­plex­es, la ges­tion de porte­feuille ou la détec­tion de fraude…). C’est, d’ailleurs, sur ce dernier volet que l’informatique quan­tique peut apporter une très forte valeur ajoutée. 

Et pour conclure ?

En finance les critères ESG jouent un rôle crois­sant dans les choix d’investissement, ce qui com­plex­i­fie de plus en plus les mod­èles de déci­sion math­é­ma­tiques. Le cal­cul quan­tique sera égale­ment ici un out­il pré­cieux. C’est aus­si le cas dans le domaine des éner­gies renou­ve­lables et de leur inté­gra­tion dans les smart-grids. 

Je suis con­va­in­cu que les tech­nolo­gies quan­tiques et par­ti­c­ulière­ment l’informatique quan­tique pour­raient con­tribuer à l’atteinte des objec­tifs de développe­ment durable. De nom­breux cas d’usage du quan­tique visant à atténuer/à réduire les causes/effets du change­ment cli­ma­tique sont recensés. 

Les défis logi­ciels, tech­nologiques et d’ingénierie qui se posent pour le développe­ment des tech­nolo­gies quan­tiques sont encore nom­breux mais les enjeux sont pri­mor­diaux et les équipes de Mul­ti­verse Com­put­ing sont heureuses de con­tribuer à ces développements.


En bref

Mul­ti­verse Com­put­ing est une start-up créée en 2019 en Espagne. Aujourd’hui, elle opère au Cana­da, en Alle­magne et en France. Mul­ti­verse Com­put­ing se posi­tionne comme un acteur majeur dans le domaine du développe­ment de logi­ciels quan­tiques avec une posi­tion de leader pour les appli­ca­tions en finance et dans des secteurs var­iés comme l’énergie, le smart man­u­fac­tur­ing, l’automobile.

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