Jean AUDOUZE

Entretien avec Jean AUDOUZE

Dossier : Recherche et innovationMagazine N°615 Mai 2006
Par Jean AUDOUZE

Selon vous, en quoi consiste la Science ?

Selon vous, en quoi consiste la Science ?

La Sci­ence, c’est tout sim­ple­ment un univers pas­sion­nant. À mon sens, elle est indis­so­cia­ble de la Cul­ture, de la Philoso­phie, des Arts ou encore de l’É­conomie. Per­son­ne n’est obligé d’être extrême­ment savant en Sci­ence pour avoir une petite idée de ce que sont la recherche et la décou­verte. Il existe une cor­réla­tion entre une sit­u­a­tion économique d’un pays et la Sci­ence. Au xvi­ie siè­cle, Col­bert et un petit groupe de savants créent l’A­cadémie des sci­ences, qui con­tribue encore aujour­d’hui à la dif­fu­sion inter­na­tionale des avancées de la Recherche française. Au xixe siè­cle, les Améri­cains se sont aperçus que la Sci­ence représen­tait un grand enjeu économique. La Chine, l’Inde, le Japon et l’Eu­rope com­pren­nent aujour­d’hui l’im­por­tance de la Recherche. Si je pré­side le comité sci­en­tifique du deux­ième Salon européen de la Recherche et de l’In­no­va­tion qui se déroulera en juin prochain à la Porte de Ver­sailles, c’est parce que je suis intime­ment per­suadé que la Recherche est une con­di­tion sine qua non pour le main­tien de notre niveau de vie. Dans quel domaine sommes-nous réelle­ment com­péti­tifs ? L’aéro­nau­tique, le TGV, dans les grands pro­jets ITER (Inter­na­tion­al Ther­monu­clear Exper­i­men­tal Reac­tor). La Recherche con­di­tionne notre survie économique. Elle n’en reste pas moins une activ­ité ludique et, le plus sou­vent, désintéressée

Comment est perçue la Recherche scientifique par le public ?


Jean Audouze, astro­physi­cien, directeur de recherche au CNRS, auteur de nom­breux ouvrages de vul­gar­i­sa­tion scientifique.

Je pense que cette per­cep­tion est à la fois pos­i­tive et inquié­tante. L’im­age de la Sci­ence est plutôt bonne dans le pub­lic mais les gens pensent sou­vent qu’elle est réservée aux autres. C’est un amour externe. J’aimerais que cet amour soit plus inter­nal­isé. Je voudrais que les gens don­nent leur avis, s’im­pliquent, dans la mesure du pos­si­ble, dans les débats, s’in­for­ment un peu plus sur les dernières nou­veautés, se dis­ent qu’il y a un vrai prob­lème. En France et dans le monde, il y a un prob­lème con­cer­nant le renou­velle­ment des scientifiques.

La société par­ticipe à l’en­cour­age­ment des jeunes dans le domaine de la Sci­ence. Mais elle doit avoir plus l’en­vie de réus­sir dans ce domaine. 40 % de la Recherche française est financée par les impôts et 60 % par les entreprises.

Pour quelles raisons êtes-vous devenu astrophysicien ?

Vers l’âge de 20 ans, j’hési­tais entre beau­coup de choses. Un jour, mon père m’a présen­té à une per­son­ne qui a changé le cours de mon exis­tence et surtout ma vision de la vie.

Il s’ap­pelait Hen­ri Volkringer. À l’époque, il était chef du ser­vice des brevets du CNRS. Il m’a pris à part dans son bureau et il m’a demandé si j’avais des pas­sions. Je lui ai répon­du que je ne savais rien faire de mes dix doigts.

Il m’a alors ori­en­té vers des recherch­es théoriques et m’a donc don­né la voie à suivre.

Mon des­tin s’est joué en une quin­zaine de minutes.

Vous avez transmis votre savoir aux étudiants de l’École polytechnique entre 1974 et 1989. Quels ont été vos meilleurs souvenirs ?

Ma for­ma­tion m’a con­duit naturelle­ment à devenir pro­fesseur autant que chercheur.

À 34 ans, je me suis donc retrou­vé enseignant dans l’une des plus pres­tigieuses écoles françaises.

J’ai eu la chance d’avoir des élèves excep­tion­nels comme Anne Chopinet dev­enue Anne Duthilleul. Elle a été major de Poly­tech­nique. Après avoir été con­seil­lère indus­trielle de Mon­sieur Chirac elle est aujour­d’hui prési­dente de l’ER­AP, un étab­lisse­ment pub­lic à car­ac­tère indus­triel et com­mer­cial. J’ai aus­si eu une autre élève bril­lan­tis­sime comme Marie-Lau­rence Pitois dev­enue Marie-Lau­rence Pujade. Elle avait fait son stage à l’Ob­ser­va­toire de Meudon et effec­tua une ” grande pre­mière ” en astro­physique avec son cama­rade Bruno Mil­lird, devenu depuis astronome à Mar­seille. Elle a con­tin­ué ses études à l’E­NA pour être la direc­trice adjointe du Cab­i­net de Pierre Béré­gov­oy. Je suis très fier de les avoir eues, elles et bien sûr beau­coup d’autres comme étudiants…

Vous avez également été conseiller scientifique à la Présidence sous François Mitterrand entre 1989 et 1993. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ?

Je m’oc­cu­pais des ques­tions con­cer­nant la Recherche et la Tech­nolo­gie, l’E­space et l’En­vi­ron­nement. Par exem­ple avec un con­seiller de Matignon de l’époque (Gré­goire Olivi­er, actuelle­ment directeur général adjoint de Safran), nous avons par­ticipé à la créa­tion de l’A­gence gou­verne­men­tale de l’en­vi­ron­nement et de la maîtrise de l’én­ergie (ADEME) qui est un étab­lisse­ment pub­lic à car­ac­tère indus­triel et com­mer­cial, placé, sous la tutelle prin­ci­pale du min­istère en charge de l’É­colo­gie et du Développe­ment durable.

Vous savez, nos actions sont sou­vent réal­isées dans l’ombre.

Ça n’en reste pas moins une belle expérience.

Après Aujourd’hui, l’Univers, Enquête sur l’Univers, Les Particules et l’Univers, Regards sur le visible, L’Univers, L’éthique des énergies et L’astrophysique nucléaire, avez-vous un autre projet d’écriture ?

Je suis devenu auteur d’ou­vrages de vul­gar­i­sa­tion sci­en­tifique en rai­son de ma pro­fonde admi­ra­tion pour Hubert Reeves qui était mon patron de thèse. Un grand astro­physi­cien qui m’a servi d’ex­em­ple. Il m’a beau­coup appris et son expéri­ence m’a aidé dans ma vie pro­fes­sion­nelle. J’en­seigne aus­si un cours à Sci­ences-Po inti­t­ulée “Matière Espace et Temps” et j’ai com­mencé à écrire un livre qui portera sur l’ini­ti­a­tion des élèves de Sci­ences-Po aux Sci­ences exactes.

Je n’ai pas encore le titre. Mais j’y tra­vaille très sérieusement…

Pouvez-vous nous présenter le 2e Salon européen de la Recherche et de l’Innovation ?

C’est un salon à dimen­sion inter­na­tionale qui est des­tiné aux pro­fes­sion­nels, aux chercheurs, aux enseignants chercheurs, aux ingénieurs, aux représen­tants des min­istères et admin­is­tra­tions liés à la recherche, aux dirigeants et per­son­nels des lab­o­ra­toires de recherche et surtout au grand pub­lic pas­sion­né par la recherche, l’in­no­va­tion et l’en­vi­ron­nement, notam­ment les diplômés des uni­ver­sités et des grandes écoles.

Il réu­ni­ra les prin­ci­paux acteurs français et européens du monde sci­en­tifique, insti­tu­tion­nel et entre­pre­neur­ial. Cette année, nous met­tons un peu l’ac­cent sur l’én­ergie avec par exem­ple EDF, Gaz de France, Are­va Siemens et Veo­lia Envi­ron­nement. Ces deux derniers, aux­quels s’a­joute France Télé­com sont nos trois parte­naires “priv­ilèges” : ils ani­meront, entre autres notre “Plateau TV” par plusieurs con­férences et tables ron­des qui s’in­scrivent dans une pro­gram­ma­tion sci­en­tifique très copieuse.

Par exem­ple, les thèmes abor­dés porteront sur “les pôles de com­péti­tiv­ité” et “l’in­no­va­tion dans les trans­ports ter­restres” pour Siemens et la SNCF. “Les éner­gies d’avenir” et “la san­té envi­ron­nemen­tale : enjeux et per­spec­tives” pour Veo­lia Envi­ron­nement. “Les défis de la recherche en télé­com­mu­ni­ca­tions” et “quel futur pour l’In­ter­net mobile ?” pour France Télé­com qui axera prin­ci­pale­ment ses présen­ta­tions sur les nou­velles tech­nolo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion. Pen­dant qua­tre jours, de nom­breux sci­en­tifiques se suc­céderont pour faire le point sur la recherche et l’in­no­va­tion en France et en Europe.

Comment sera agencé le salon ?

Le salon sera divisé en pôles pour faciliter l’échange et chercher à sat­is­faire les intérêts de cha­cun. Le pôle “insti­tu­tion­nel” don­nera, entre autre, l’op­por­tu­nité, aux vis­i­teurs, de ren­con­tr­er les représen­tants de la direc­tion générale de la Recherche de la Com­mis­sion européenne. Le pôle “entre­pris­es indus­trielles et de ser­vices” sera l’oc­ca­sion de ren­con­tr­er la com­mu­nauté sci­en­tifique et entre­pre­neuri­ale et d’échang­er avec les autres lead­ers de la recherche. Le pôle “PME, PMI, entre­pris­es inno­vantes, start-up et finance­ment” ren­seign­era sur l’ac­cès aux aides à la créa­tion de nou­velles entre­pris­es. Le pôle “uni­ver­sités, grandes écoles, ‘pôle de com­péti­tiv­ité’ et col­lec­tiv­ités ter­ri­to­ri­ales” présen­tera les dif­férentes per­spec­tives d’avenir pour les jeunes diplômés qui sont invités à venir avec cur­ricu­lum vitae. Plusieurs ani­ma­tions seront pro­posées au pub­lic sur les stands des exposants comme des “expéri­ences cap­ti­vantes, des images impres­sion­nantes ou des jeux péd­a­gogiques”. Des céré­monies de remis­es de prix sont aus­si prévues pour récom­penser dif­férents lau­réats. Tout est pen­sé pour sat­is­faire toutes les curiosités.

Quelles sont les innovations par rapport à la 1re édition ?

Le salon se déroulera sur qua­tre jours au lieu de trois. Nous prévoyons une aug­men­ta­tion du nom­bre d’or­gan­ismes publics et privés par­tic­i­pants entre 180 à 200 con­tre 130 l’an­née dernière. Un plus grand nom­bre de parte­naires tels que Sanofi Pas­teur, l’Oréal, Ari­ane­space, et bien d’autres. Nous dévelop­per­ons la par­tic­i­pa­tion européenne. Il y aura une forte présence alle­mande. Des insti­tu­tions comme des asso­ci­a­tions et des grandes com­pag­nies. Des organ­ismes ital­iens et espag­nols spé­cial­istes de la recherche seront égale­ment présents. Le Com­mis­sari­at à l’én­ergie atom­ique (CEA) et le Bureau de recherch­es géologiques et minières (BRGM) seront aus­si atten­dus. Nous recevrons Janez Potoc­nik, Com­mis­saire européen pour la Sci­ence et la Recherche qui vien­dra inau­gur­er le salon le jeu­di 8 juin après midi. Il sera con­sacré 300 mètres car­rés à sa direc­tion générale avec une par­tie ” recrute­ment ” impor­tante. Nous espérons accueil­lir Madame Annette Scha­van, min­istre de la For­ma­tion et de la Recherche de l’Alle­magne fédérale.

Nous avons l’hon­neur d’être à nou­veau sous le haut patron­age du Prési­dent de la République, du Prési­dent du Sénat et de Mon­sieur François Goulard, min­istre délégué à l’En­seigne­ment supérieur et à la Recherche.

Nous allons faire vivre le salon avant le salon en co-organ­isant, en col­lab­o­ra­tion avec le Palais de la Décou­verte, des conférences.

Une con­férence est prévue le 16 mars au Palais sur le thème de “La Mémoire”.

Au salon, nous organ­is­erons dans ce cycle une con­férence les dessous du “monde microscopique”.

Quels sont les objectifs de cette 2e édition ?

Nous avons un pre­mier objec­tif. Jouer un grand rôle dans le recrute­ment et la com­mu­ni­ca­tion des métiers de la sci­ence. Un espace “Jeunes sci­en­tifiques post-docs” est prévu, pour les jeunes diplômés et les recru­teurs. Les doc­tor­ants auront la pos­si­bil­ité de s’in­former sur les oppor­tu­nités qui leur seront offertes à tra­vers des ren­dez-vous per­son­nal­isés. Faire la pro­mo­tion des métiers sci­en­tifiques en France et en Europe. En par­ti­c­uli­er, en Angleterre, en Alle­magne, en Ital­ie et en Espagne. De mon­tr­er les grandes décou­vertes qui se sont écoulées cette année. Par ailleurs, nous allons mon­ter des tables ron­des spé­ci­fiques sur la recherche à l’échelle de l’Eu­rope et des débats sur les poli­tiques en matière de recherche.

Quels seront vos partenaires médiatiques ?

Nous avons des parte­nar­i­ats très intéres­sants cette année. LCI retrans­met­tra, comme en 2005, en direct la séance intro­duc­tive avec la par­tic­i­pa­tion de M. Goulard, des PDG et de nos parte­naires priv­ilèges et de plusieurs chercheurs de renom. France Info, le Parisien, La Tri­bune sont égale­ment de la par­tie. Le Her­ald Tri­bune a recon­duit son parte­nar­i­at ain­si que Sci­ence et Vie et La Recherche. Nous atten­dons plus de 300 jour­nal­istes appar­tenant à la presse nationale et inter­na­tionale. Nous espérons donc de nom­breuses retombées médi­a­tiques aus­si bien dans l’au­dio­vi­suel que dans la presse écrite. L’an­née dernière, nous avons enreg­istré 440 sujets de presse dont 185 paru­tions de presse écrite inter­na­tionale, nationale, régionale, 115 sujets audio­vi­suels, notam­ment la dif­fu­sion de sujets “d’Euronews” dans plus de 55 pays, et 140 paru­tions Inter­net. Une chaîne Fon­da­men­tal TV retrans­met­tra aus­si en direct les temps forts du salon. Des écrans seront posi­tion­nés dans les dif­férents espaces du salon pour que les vis­i­teurs puis­sent suiv­re les con­férences, les tables ron­des et les remis­es de prix à tout moment. Nous voulons que tout le monde puisse en profiter.

Propos recueillis par Déborah Nizard

Poster un commentaire