éoliennes en mer

Énergies marines renouvelables : Panorama et perspectives

Dossier : LA MER : Énergies et ressourcesMagazine N°714 Avril 2016
Par Dominique De ROBILLARD (74)

Un tour d’hori­zon des tech­niques util­isées ou en développement :

  • L’éolien off­shore posé est déjà fonc­tion­nel, mais il faut pass­er à la vitesse supérieure pour dimin­uer les coûts de production.
  • L’éolien flot­tant, promet­teur, est des­tiné a des implan­ta­tions dans des aires beau­coup plus vastes.
  • L’énergie hydroli­enne, relève main­tenant de tech­nolo­gies mûres, mais n’est disponible que dans des zones bien précises
  • Des cen­trales util­isant l’én­ergie ther­mique des mers sont à l’étude.

En matière d’éolien off­shore posé, des courbes d’expérience sont déjà disponibles à la suite de nom­breux pro­jets implan­tés en Europe (plus de 10 000 MW rac­cordés) et per­me­t­tent de se con­va­in­cre de l’opportunité de pour­suiv­re les développements.

“ Le parc éolien offshore reste modeste en regard de l’éolien terrestre ”

L’énergie hydroli­enne, l’énergie des courants de marée, relève main­tenant de tech­nolo­gies rel­a­tive­ment mûres, quoique disponibles dans des zones bien précises.

L’éolien flot­tant, promet­teur, est en phase de pro­to­ty­page avec des hypothès­es d’implantation dans des aires beau­coup plus vastes situées dans les zones d’exclusivité économique (ZEE).

Les autres formes d’énergie marine (ther­mique, houlo­motrice, osmo­tique) font l’objet de travaux de R & D et offrent des per­spec­tives prometteuses.

REPÈRES

À l’issue de la COP 21, le rôle des océans dans les négociations ne semblait pas lumineux.
Des hésitations d’ordre économique pourraient naître, alors que le baril est à 30 dollars et qu’il semble durablement bas depuis plus d’un an, que les projets de développement de champs gaziers et pétroliers sont freinés, que le renouvellement des parcs d’énergie nucléaire est au mieux à l’étude, au pire abandonné dans de nombreux pays, que des industriels sont engagés dans des investissements importants pour développer et exploiter de l’énergie renouvelable, que les solutions de stockage autonome de l’énergie sont à peine disponibles et que les hésitations sur le développement de l’algoculture sont manifestes.
Il serait donc raisonnable d’être attentif au développement durable des ressources de la mer (en particulier énergétiques, mais aussi alimentaires et industrielles) dans notre espace vital avec un compromis coût-carbone acceptable.

Des réalisations probantes

Le développe­ment des éner­gies non con­ven­tion­nelles marines sus­cite donc partout un grand intérêt, en par­ti­c­uli­er en Europe puisque ce con­ti­nent est le cham­pi­on de l’éolien off­shore, avec 10,3 GW d’installations rac­cordées au réseau, con­tre 0,7 GW instal­lé dans le reste du monde.

Le parc éolien off­shore reste cepen­dant mod­este en regard de l’éolien ter­restre, env­i­ron trente fois plus impor­tant avec plus de 318 GW instal­lés et des empreintes écologiques dif­férentes, alors que les domaines mar­itimes sont sou­vent mieux ven­tés que les sites terrestres.

De nom­breux pays côtiers éval­u­ent les besoins de leurs habi­tants, situent l’éloignement et l’isolement de cer­tains ter­ri­toires, con­sid­èrent l’état de leurs réseaux et lan­cent résol­u­ment des pro­grammes pour tester ou s’équiper : la Chine, le Japon, l’Australie, Hawaï ou le Chili anticipent déjà ce que d’autres pour­raient faire.


Les acteurs français pré­par­ent l’équipement des champs marins ouverts à l’exploitation d’éoliennes. © BENOITGRASSER / FOTOLIA.COM

L’ÉOLIEN EUROPÉEN EN CHIFFRES

La vingtaine de fermes éoliennes est située en mer du Nord (63,3 % de la puissance installée), Atlantique (22,5 %) et Baltique (14,2 %) pour une puissance totale de 8 045,3 MW. Leur distance moyenne au rivage est de 33 km.
Le marché est dominé par Siemens (86,2 % des éoliennes) suivi de MHI Vestas Offshore Wind (9 %) et d’Areva (3 %). Dans plus de 90 % des cas, les fondations sont monocylindriques
(source : European Wind Energy Association).

Le développement soutenu de l’éolien en mer

En 2014, le vol­ume d’investissements dans l’éolien off­shore posé représen­tait 5 mil­liards d’euros, et les indus­triels annon­cent déjà des coûts de pro­duc­tion de 100 à 120 euros le mégawattheure pro­duit à l’horizon 2020.

L’expérience européenne en mer du Nord est con­sid­érable avec les deux tiers du parc éolien off­shore instal­lé, en moyenne à 30 km des côtes et dans 20 à 40 mètres d’eau.

Il est vrai que la faible pro­fondeur de la mer du Nord, la prox­im­ité de ports indus­triels pro­tégés très favor­ables, une opin­ion publique en faveur des éner­gies vertes, et enfin la présence des très grandes fer­mes éoli­ennes ter­restres con­stituent des fac­teurs très favor­ables à la crois­sance des capac­ités de ce type.

Les industriels français se mobilisent

Alors que Siemens domine le paysage en Europe du Nord, les acteurs français en présence se font remar­quer et pré­par­ent l’équipement des champs marins ouverts à l’exploitation d’éoliennes : Le Tré­port, Fécamp, Courseulles-sur-Mer, Saint- Brieuc, Saint-Nazaire et Yeu, dont les fer­mes éoli­ennes seront instal­lées entre 2016 et 2023.

Gen­er­al Elec­tric, ex-Alstom, a con­stru­it une usine dédiée non loin de Saint- Nazaire, laque­lle a été inau­gurée en décem­bre 2014. Elle est entière­ment dédiée à l’assemblage des nacelles et à la fab­ri­ca­tion des alter­na­teurs de l’éolienne off­shore Hali­ade™ 150–6 MW. Gen­er­al Elec­tric dis­pose égale­ment d’une usine de mon­tage de pales à Cherbourg.

“ L’expérience européenne en mer du Nord
est considérable ”

Are­va-Adwen, via sa fil­iale com­mune avec le groupe espag­nol Game­sa, dis­pose d’ores et déjà d’une base indus­trielle en fonc­tion­nement en Alle­magne, et y a mis en œuvre des tur­bines de 5 MW. Adwen développe une base indus­trielle com­plète au Havre, avec fab­ri­ca­tion des nacelles et des pales, et deux usines parte­naires pour la pro­duc­tion des généra­tri­ces, boîtes de vitesses et roulements.

STX France, enfin, fort de ses expéri­ences et chantiers de con­struc­tion navale, dis­pose d’une offre logis­tique de pré­pa­ra­tion et main­te­nance avec une base voi­sine des chantiers, forte de deux ate­liers et d’une zone de pré­mon­tage, de références et d’une offre en matière de sous-sta­tions élec­triques, ain­si que de références et d’une offre en matière de fon­da­tions (source SER et Gican).

L’appui des ports et des fournisseurs d’énergie

Le port de Saint-Nazaire
De nom­breux ports, comme Saint-Nazaire, amé­na­gent déjà des terre-pleins et bases logis­tiques bord à quai. © AVATAR444 / FOTOLIA.COM

Il con­vient de not­er que de nom­breux ports pré­par­ent et amé­na­gent déjà des terre-pleins et bases logis­tiques bord à quai, au Havre, à Saint-Nazaire et Cher­bourg, déjà cités, mais aus­si Ouistre­ham et Brest : les autorités por­tu­aires con­cernées anticipent les opéra­tions en mer.

Les énergéti­ciens de leur côté, EDF EN et Engie Nou­velles Éner­gies, agis­sent en Europe en s’alliant avec des équipemen­tiers pour con­quérir de nou­veaux ter­ri­toires marins à l’occasion d’appels d’offres.

À l’export, la lutte con­tre les ténors comme Siemens, et les chal­lengers comme MHI Ves­tas, risque d’être rude, cepen­dant qu’Alstom-GE s’est dis­tin­gué récem­ment avec deux con­trats, l’un pour les États-Unis (champ de Block Island) avec cinq tur­bines Hali­ade™ de 6 MW, et l’autre pour l’Allemagne (Merkur Off­shore) avec 55 tur­bines. Ces tur­bines seront fab­riquées à Saint-Nazaire, puis main­tenues sur place.

Éolien posé : des coûts à la baisse

Sur la base de ces réal­i­sa­tions, l’éolien off­shore posé européen attire l’attention de nom­breux États côtiers, et le marché mon­di­al ne fait que démar­rer, en embrayant sur les expéri­ences et com­pé­tences européennes. Avec 2 GW de plus en 2016, le parc d’éoliennes off­shore pour­rait être de 90 GW rac­cordés à l’horizon 2030.

Les coûts de pro­duc­tion sont con­damnés à baiss­er ; ils bais­seront d’autant plus vite que les vol­umes aug­menteront et que les procé­dures admin­is­tra­tives seront adaptées.

Les débuts de l’éolien flottant

Pour ce qui est de l’éolien off­shore flot­tant, plusieurs tech­nolo­gies s’affrontent (les com­pro­mis entre sys­tèmes flot­teurs et éoli­ennes hor­i­zon­tales ou ver­ti­cales ne sont pas encore défini­tifs), cepen­dant que les coûts de mise en œuvre devront être con­fir­més et attractifs.

“ Les coûts de production de l’éolien en mer sont condamnés à baisser ”

Ces coûts pour­raient être com­péti­tifs notam­ment si la pro­fondeur d’eau aug­mente et si les opéra­teurs sont prêts à tra­vailler plus loin, selon les champs. Des essais ont été réal­isés aux États-Unis en 2013, avec con­nex­ion au réseau, sur la base de sub­ven­tions du DOE, et au Por­tu­gal en 2014 pour tester le com­porte­ment d’une plate­forme dans la houle : c’est le pro­jet Wind­float de Prin­ci­ple Pow­er, qui pro­duit égale­ment du courant.

Ide­ol par­ticipe au pro­jet Float­gen et étudie un pro­to­type pour le tester au large du Croisic.

Une éoli­enne flot­tante a vu le jour à Sta­vanger (Sta­toil- Hydro, sur flot­teur de type SPAR selon design de Tech­nip) et pro­duit du courant. DCNS et Gen­er­al Elec­tric ont aus­si des pro­jets. Adwen teste les tech­nolo­gies concurrentes.

La mise en œuvre com­parée de toutes ces solu­tions sera pas­sion­nante à suiv­re, d’autant que les pre­miers chiffrages des marchés poten­tiels, dans l’attente des solu­tions indus­trielles prou­vées et marin­isées, sont impressionnants.

Énergie hydrolienne et autres énergies marines

L’énergie hydroli­enne ali­mente déjà des con­som­ma­teurs, et les autres tech­nolo­gies (ETM, houle, énergie osmo­tique, etc.) méri­tent l’attention. L’énergie hydroli­enne est avancée en France et prof­ite de trois sites majeurs pour les courants de marée que sont le pas­sage du Fromveur aux abor­ds d’Ouessant où existe une pro­duc­tion rac­cordée au réseau EDF de l’île, à Bréhat au large de Paim­pol où DCNS a déjà testé une machine de pro­duc­tion, et dans le raz Blan­chard où des fer­mes sont à l’étude.

“ L’énergie hydrolienne
est avancée en France et profite de trois sites majeurs ”

Très dévelop­pé en Angleterre, l’usage de l’hydrolien offre de bonnes oppor­tu­nités au Cana­da (avec un pro­jet en cours impli­quant DCNS), au Chili, et sans doute dans d’autres pays.

À l’été 2015, l’hydrolienne D10, de la société Sabel­la, était immergée et rac­cordée au réseau ERDF de l’île d’Ouessant, illus­trant sans doute les poten­tial­ités d’une énergie marine pré­dictible et disponible en com­plé­ment du réseau traditionnel.

L’hiver précé­dent, des essais de la machine Open Hydro de DCNS avaient été menés de façon con­clu­ante sur le site de Paim­pol- Bréhat, et la machine a de nou­veau été instal­lée le 20 jan­vi­er pour être rac­cordée au réseau.

Une cen­trale util­isant l’énergie ther­mique des mers (ETM) est en cours d’étude et de sim­u­la­tion par DCNS en parte­nar­i­at avec Akuo (pro­jet Nemo). Il existe un pro­to­type de faible puis­sance rac­cordé au réseau à Hawaï par Makai, lequel dis­pose d’un autre pro­jet de 1 MW au Japon, et enfin un pro­jet en Mar­tinique pour­rait voir le jour (pro­jet Nemo, déjà cité).

Enfin, des sys­tèmes expéri­men­taux sont en test pour exploiter l’énergie de la houle et l’énergie osmo­tique, mais n’ont pas encore prou­vé leur fia­bil­ité et durabilité.

Des perspectives encourageantes

La stratégie d’utilisation des ressources énergé­tiques des océans reste encore à écrire, notam­ment pour cer­taines zones côtières où l’électricité est plus rare ou émet­trice de car­bone. Il y a de la place pour le déploiement de tech­nolo­gies matures, comme pour des pro­to­types à éprou­ver et des études de faisabilité.

Il est cer­tain d’autre part que les sites marins, adap­tés aux tech­nolo­gies évo­quées, mériteront d’être recon­nus et explorés, dans notre ZEE, comme dans celle des autres pays.

Champ d'éoliennes en mer
La stratégie d’utilisation des ressources énergé­tiques des océans reste encore à écrire. Il y a de la place pour le déploiement de tech­nolo­gies matures, comme pour des pro­to­types à éprou­ver et des études de faisabilité.
© NYBERG / FOTOLIA.COM

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