EN CORPS, Le Monde d’hier, Allons enfants, Conte du hasard et autres fantaisies, à l’ombre des filles

En corps, Le Monde d’hier, Allons enfants, Contes du hasard et autres fantaisies, À l’ombre des filles

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°776 Juin 2022
Par Christian JEANBRAU (63)

Le suc­cès de la pre­mière livrai­son de notre nou­velle rubrique, con­sacrée au ciné­ma, ne pou­vait que nous con­va­in­cre de récidiv­er ! dont acte… Même en for­mat court, la ques­tion est : sur­v­ol­er ou appro­fondir ? Choix dif­fi­cile. Croisés récem­ment, sept films. Et de quoi réfléchir. « Dia­ble, dia­ble, dit-il en se grat­tant la tête » (Vic­tor Hugo, Les pau­vres gens).
Gar­dons-en cinq.

En corpsEn corps

Réal­isa­teur : Cédric Klapisch — 2 h

Très bien…

Ils sont tous excel­lents là-dedans : François Civ­il, kinésithérapeute pleur­nichard, Denis Poda­ly­dès, juste et retenu, Mar­i­on Bar­beau, hési­ta­tion et grâce, Pio Mar­maï, explosif, jovial et rob­o­ratif, Muriel Robin, humaine, exacte, Souheila Yacoub, écla­tante de vital­ité. La danse (clas­sique, con­tem­po­raine) en de for­mi­da­bles moments d’élégance et de force. L’intrigue ? Bien ficelée. Un trau­ma­tisme sen­ti­men­tal, un acci­dent osseux, une jeune en recherche d’elle-même, douleur du passé, espoirs du présent. Soi, les autres, par petites touch­es, jolies scènes, attentes, doutes, frus­tra­tions, décep­tions, rires. Et vivre encore, obstinément.


Le monde d'hierLe monde d’hier 

Réal­isa­teur : Diastème (Patrick Asté) — 1 h 29

Beau­coup de fées au chevet de ce film.

Au scé­nario, Fab­rice Lhomme et Gérard Dav­et, du Monde, Christophe Hon­oré (prix Louis-Del­luc 2018, le « Goncourt » du ciné­ma) ; côté acteurs Léa Druck­er, Denis Poda­ly­dès, Jacques Weber, Thier­ry Godard… C’est bien filmé, bien ryth­mé, bien joué, et la fas­ci­na­tion pour les lieux et les arcanes du pou­voir fonc­tionne… Grande et petite poli­tiques, prési­dence sor­tante affaib­lie et malade, prob­lèmes famil­i­aux, ten­sions rela­tion­nelles ambiguës voire indéchiffrables, extrême droite au bord de rem­porter l’élection, finance­ment russe et valis­es de bil­lets, le crime d’État comme solu­tion, le sui­cide comme hori­zon… Très intéres­sant, mais la bar­que est un peu trop chargée pour une réus­site complète.


Allons EnfantsAllons enfants

Réal­isa­teur : Thier­ry Demaiz­ière et Alban Teurlai — 1 h 54

Battage médi­a­tique. Inter-views extasiées. Léa Salamé dithyra­m­bique sur France Inter. Et ? Des goss­es de milieux dif­fi­ciles, empêchés, qui flir­tent avec la dés­co­lar­i­sa­tion (et plus si affinités) et qu’on pré­tend remet­tre dans leur meilleur chemin de vie grâce au hip-hop. His­toire vraie, lycée Tur­got, Paris, année sco­laire 2018–2019. On peut adhér­er. On peut aus­si y lire comme moi la mise en scène d’un aveu­gle­ment édu­catif. De l’adrénaline au gym­nase, certes, mais ailleurs, lors de séquences académiques réduites au min­i­mum, le mono­logue inutile d’enseignants sans dynamisme pro­duc­tif. Pein­ture de l’illusion péd­a­gogiste au ser­vice du dés­in­vestisse­ment des élèves. Dans une société qui ne four­nit aucun argu­ment pour val­oris­er l’intégration par l’épanouissement des acquis intel­lectuels, il faut agir dif­férem­ment. À voir pour se faire sa pro­pre religion.


Contes du hasard et autres fantaisiesContes du hasard et autres fantaisies

Réal­isa­teur : Ryū­suke Ham­aguchi — 2 h 01

Ambiguïtés uni­verselles, ici japon­ais­es et féminines. Trois con­tes en trois phras­es : deux amies se dis­putent le même homme / elle tend un piège sex­uel qui échoue au prof de fac qui a humil­ié son amant / elles se croisent sur un esca­la­tor et, l’une prenant l’autre pour l’ancien amour qu’elle n’est pas, elles vont quand même, dessil­lées, jouer à faire sem­blant. La cri­tique évoque Éric Rohmer, Hong Sang-soo, le fes­ti­val de Berlin 2021 décerne l’Ours d’argent… Soit, mais trois con­tes, dont un (le troisième) touchant, font-ils un film ?


À l’ombre des fillesÀ l’ombre des filles

Réal­isa­teur : Éti­enne Comar — 1 h 46

Surtout pour Alex Lutz, for­mi­da­ble et sub­til, haute-con­tre déprimé, prof de chant pour femmes en prison. D’étranges et beaux pas­sages. Un chemin sans but, mais enfin un chemin, qui donne au film, dans l’étonnement du spec­ta­teur, une force étrange et certaine.

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