Revoir Paris / Tout le monde aime Jeanne / Kompromat / Les Volets verts / Nope

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°778 Octobre 2022
Par Christian JEANBRAU (63)

Hon­neur aux dames à tra­vers cinq films : Revoir Paris, Tout le monde aime Jeanne, Kom­pro­mat, Les Volets verts et Nope.

Revoir Paris

Réal­isatrice : Alice Winocour – 1 h 45

L’ombre pro­jetée du Bat­a­clan, le 13 novem­bre 2015. Un atten­tat dans une brasserie et au milieu, réfugiée là par hasard en atten­dant la fin d’un orage, Vir­ginie Efi­ra, qui essaiera de se sou­venir, ensuite. Elle porte avec une den­sité et une inten­sité remar­quables le poids d’un rôle très lourd qu’elle assume mag­nifique­ment. Benoît Mag­imel, très con­cerné, égale­ment vic­time, est excel­lent. Mais d’abord Efi­ra. Elle tient de bout en bout ce film dense, qua­si doc­u­men­taire, sur la ligne de crête de sa pro­pre dévas­ta­tion. Belles images de Paris la nuit. Belle actrice. Belle émo­tion. Une assez éton­nante scène de larmes à porter au crédit de Maya Sansa devant les Nymphéas de Monet.


Les Volets verts 

Réal­isa­teur : Jean Beck­er – 1 h 37

Jean Beck­er à la manœu­vre pour faire d’un roman de Simenon pub­lié en 1950 un film. Le tis­su nar­ratif est très sérieuse­ment (et mal­adroite­ment) trans­posé pour un résul­tat bien médiocre. Depar­dieu et Ardant, qui ne font qu’incarner des acteurs dans lesquels on recon­naît Depar­dieu et Ardant, réus­sis­sent quelques scènes (deux exacte­ment, cha­cun une) et ratent com­plète­ment, en abysses, les extraits théâ­traux inté­grés. On ne croit à peu près à rien là-dedans. Les sen­ti­ments ne sont pas ressen­tis, seule­ment joués, plutôt mal. Dans les sec­onds rôles, Éve­lyne Bouix est excel­lente et Sté­fi Cel­ma bien jolie, tan­dis que Benoît Poelvo­orde reste éton­nam­ment « en dedans ». Bilan bien décevant.


Kompromat

Réal­isa­teur : Jérôme Salle – 2 h 07

Un thriller assez clas­sique, aux qual­ités robustes (plus quelques coups de pouce du des­tin, inhérents au genre), qui garan­tit un diver­tisse­ment solide et con­tinu. Gilles Lel­louche est très bien, sobre­ment per­du sans baiss­er les bras dans une machi­na­tion qui le dépasse. Joan­na Kulig, qui assure la bluette, est tout à fait plaisante. De nom­breux plans très peu lumineux ne mili­tent pas pour la qual­ité de l’éclairage domes­tique à l’Est. La chas­se à l’homme, prenante, colle plutôt bien au réel. On ne s’ennuie pas un instant et la semi-hap­py end laisse l’espoir ouvert.


Tout le monde aime Jeanne

Réal­isatrice : Céline Devaux – 1 h 35

C’est la chronique intel­li­gente et drôle de quelques jours passés à Lis­bonne par une jeune femme qui est désta­bil­isée par un deuil (Blanche Gardin, par­faite) et qui, même à tâtons, peine à tourn­er la page. Elle y croise un ex et y décou­vre un sym­pa­thique hurlu­ber­lu (Lau­rent Lafitte, men­tion TB), sur qui on ne peut rien fonder mais avec qui on peut sourire. Les pen­sées de Jeanne en séquences d’animation sont une orig­i­nal­ité désopi­lante et bien venue. Cela four­mille de saynètes piquantes. C’est fin, léger, pro­fond et réussi.


Nope

Réal­isa­teur : Jor­dan Peele – 2 h 10

Paris au mois d’août. Canicule et ciné­ma cli­ma­tisé. Pourquoi pas Nope ? J’avais bien aimé Get out et pas vu Us. On sort du film rafraîchi et acca­blé. On se dit : nul ? On regarde, pour se ras­sur­er, la cri­tique de Math­ieu Macheret dans Le Monde. Stu­peur ! C’est un film excep­tion­nel qui ren­verse les codes et rétablit le « vrai » ciné­ma hol­ly­woo­d­i­en ! Math­ieu Macheret a‑t-il traité la canicule au whisky pur ? L’histoire (du fan­tas­tique de comp­toir à 95 % et un chim­panzé tueur hys­térique à 5 %) ne valant rien, il reste les acteurs… qui se débrouil­lent : Daniel Kalu­uya en endor­mi arché­typ­al, Keke Palmer écla­tante de pétu­lance, Bran­don Perea, sym­pa­thique anti­héros per­ox­y­dé, et Michael Win­cott qui se croit chez Ing­mar Bergman et se prend pour Max von Sydow (dans Le Sep­tième Sceau). Comme dirait Mar­cel Proust, un temps per­du qu’on n’ira pas rechercher !

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