À plein temps, Goliath, De nos frères blessés, L’ombre d’un mensonge

À plein temps, Goliath, De nos frères blessés, L’ombre d’un mensonge

Dossier : Arts, lettres et sciencesMagazine N°775 Mai 2022
Par Christian JEANBRAU (63)

Notre cama­rade Chris­t­ian Jean­brau (63) nous pro­pose une nou­velle rubrique men­su­elle, autour du ciné­ma, qui rejoint nos deux rubriques con­sacrées à la musique (avec ou sans image). C’est un galop d’essai : ami lecteur, dis-nous tes sat­is­fac­tions et tes cri­tiques en com­men­taire ! c’est un des plaisirs du ciné­ma que de sus­citer des dis­cus­sions passionnées…

Je n’ai jamais eu de cha­grin qu’une séance de ciné­ma n’ait dis­sipé (Mon­tesquieu, Pen­sées divers­es)
Repen­tir : au vrai, Mon­tesquieu a écrit « une heure de lecture… »

A plein tempsÀ PLEIN TEMPS 

Réal­isa­teur : Éric Grav­el — 1 h 25

Lau­re Calamy est décidé­ment épatante ! Le film roule à 200 à l’heure, c’est un tour­bil­lon inin­ter­rompu que l’ac­trice maîtrise avec une effi­cac­ité éton­nante, jamais écrasée par l’ac­cu­mu­la­tion sidérante des « emmerdes », entre son pavil­lon de ban­lieue et Paris que des grèves non pré­cisées mais qui clo­nent celles de 1995 met­tent au bout d’un chemin de croix. Elle tient bon, gère ses deux goss­es, mère seule, et son dynamisme fait mer­veille et notre empathique admi­ra­tion. Son statut pro­vi­soire de pre­mière femme de ser­vice dans un palace parisien est l’oc­ca­sion d’un volet doc­u­men­taire du film qui l’en­ri­chit de manière instruc­tive et réjouis­sante. Riche et dense. Men­tion bien !

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GoliathGOLIATH 

Réal­isa­teur : Frédéric Tel­li­er — 2 h 02

Assez bien mais trop
vu, cent fois, d’Erin Brock­ovich (en 2000) à Dark Waters (en 2019). Pro­duits can­cérogènes, dénon­ci­a­tion éco­lo, firmes immon­des, lob­by­istes infects (Pierre Niney, un dix­ième papa, neuf dix­ièmes ordure), paysans assas­s­inés à petit feu, avo­cat valeureux (Gilles Lel­louche, coif­fé avec un pétard et pass­able­ment grossi), par­ents endeuil­lés calmés au car­net de chèques, etc. C’est l’habituelle protes­ta­tion immo­bile, ça finit par lass­er. Au fond, on sait tout ça, on l’a doc­u­men­té, on nous l’a répété et on le croit, et on n’en tire aucune con­séquence. La protes­ta­tion ciné­matographique nous suf­fit. Réa­gir vrai­ment serait trop fati­gant, trop inconfortable.

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De nos frères blessésDE NOS FRÈRES BLESSÉS

Réal­isa­teur : Héli­er Cis­terne — 1 h 35

Impres­sions mélangées autour de cette trans-posi­tion de l’affaire Fer­nand Ive­ton, décapité dans l’Algérie de la fin des années 1950 pour avoir, mil­i­tant com­mu­niste ayant rejoint le FLN, posé dans un local désaf­fec­té, à des heures lui garan­tis­sant l’impossibilité de dégâts autres que matériels, une bombe arti­sanale de faible puis­sance dont les experts qui l’ont désamor­cée ont garan­ti l’inefficacité au-delà de 3 à 4 mètres. Seul Européen sur les 198 exé­cutés poli­tiques de la guerre d’Algérie, Ive­ton eut la malchance de voir son recours en grâce pass­er entre les mains de François Mit­ter­rand, garde des Sceaux de René Coty, qui n’avait pas encore enten­du les plaidoy­ers de Robert Bad­in­ter et fai­sait fonc­tion­ner sans états d’âme les « bois de jus­tice ». Le con­texte remue l’humaniste et rap­pelle les pires sou­venirs (« … plage inter­dite aux chiens et aux Arabes ») mais le pro­pos est affaib­li de nous être servi curieuse­ment en « bluette », his­toire d’un amoureux trans­for­mé en ter­ror­iste « bisounours » auquel Vin­cent Lacoste, tout excel­lent qu’il soit, ne com­mu­nique aucune dimen­sion inquié­tante. Vicky Krieps est une épouse polon­aise volon­taire, égarée et touchante. Le film est très bien con­stru­it, très bien mon­té, très attachant, mais…

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L'ombre d'un mensongeL’OMBRE D’UN MENSONGE

Réal­isa­teur : Bouli Lan­ners — 1 h 39

L’île de Lewis, au nord de l’Écosse, un bout de terre à mou­tons et à taiseux min­i­mal­istes, un hameau pres­bytérien, des tra­di­tions. Les sen­ti­ments sous l’écorce rugueuse des gestes quo­ti­di­ens et le paysage, mag­nifique et infi­ni. Tout ce qui n’a pas été dit ne peut pas vrai­ment l’être et lente­ment se strat­i­fie, et puis ceci, à décou­vrir dans l’étonnement des silences, qu’il n’est jamais trop tard, au péril de l’opportunité. On peut trou­ver boulever­sant. Acteurs par­faits. Et un chien.

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