Réhabilitation des réseaux de distribution urbains.au Viêt-nam avec l'aide d'EDF

Electricité de France, un partenaire pour le Vietnam

Dossier : VIÊT-NAMMagazine N°525 Mai 1997Par : Robert DIETHRICH (61), directeur général délégué à EDF International SA et Éric GOURMELON, délégué géographique, direction internationale à EDF

Le contexte général du Viêt-nam

Le contexte général du Viêt-nam

Le Viêt-nam a com­mencé sa tran­si­tion d’une économie plan­i­fiée et cen­tral­isée vers une économie de marché en 1986 lors du 6e Con­grès du Par­ti Com­mu­niste viet­namien. Ce proces­sus s’est accéléré avec l’ac­cès du Viêt-nam aux finance­ments inter­na­tionaux en 1993, la lev­ée de l’embargo améri­cain en 1994 et l’ad­hé­sion du Viêt-nam à la zone de coopéra­tion économique ASEAN (l’As­so­ci­a­tion des Nations de l’Asie du Sud-Est) en 1995.

Tous ces événe­ments ont stim­ulé l’é­conomie qui a béné­fi­cié d’un taux de crois­sance annuel de l’or­dre de 8 % sur la péri­ode 1991–1995. Le PNB, qui s’él­e­vait en 1993 à près de 21 mil­liards de US $, devait con­tin­uer à croître dans les prochaines années à un rythme annuel de 9 à 10 %.

Dans ce con­texte de décol­lage économique, le secteur de l’élec­tric­ité revêt une impor­tance par­ti­c­ulière et est à ce titre con­sid­éré comme pri­or­i­taire par les décideurs viet­namiens, dans la mesure où il con­di­tionne la pour­suite du développe­ment économique et social du pays.

Engagée depuis sa créa­tion dans des activ­ités inter­na­tionales, actuelle­ment au tout pre­mier plan des ori­en­ta­tions stratégiques de l’en­tre­prise, il était naturel qu’EDF s’in­téresse au secteur élec­trique du Viêt-nam, pays riche de potentialités.

Description et enjeux actuels du secteur électrique vietnamien

La puis­sance instal­lée totale au Viêt-nam est de l’or­dre de 4 600 MW, dont deux tiers sont d’o­rig­ine hydraulique. La con­som­ma­tion d’élec­tric­ité par habi­tant est de l’or­dre de 150 kWh, à com­par­er à 1 000 kWh pour la Thaï­lande et 500 kWh pour les Philip­pines. La puis­sance de pointe est de 2 700 MW env­i­ron et la pro­duc­tion annuelle de l’or­dre de 15 TWh.

Près de 98 % des villes et 55 % des vil­lages sont aujour­d’hui rac­cordés au réseau de dis­tri­b­u­tion. Compte tenu d’une crois­sance moyenne annuelle de la demande d’élec­tric­ité de l’or­dre de 13 % (15 % au sud du Viêt-nam, 11 % au nord) et d’un objec­tif d’élec­tri­fi­ca­tion de 80 % des vil­lages, les besoins de pro­duc­tion devraient s’élever à 30 TWh env­i­ron à l’hori­zon 2000–2005, les besoins addi­tion­nels de capac­ité de pro­duc­tion s’étab­lis­sant à près de 7 000 MW.

Le secteur élec­trique viet­namien est aujour­d’hui con­fron­té à de nom­breux défis, par­mi lesquels on peut identifier :

  • le besoin urgent de réha­bil­i­ta­tion et de ren­force­ment des réseaux de dis­tri­b­u­tion urbains, vétustes, sous-dimen­sion­nés et car­ac­térisés par des taux de perte élevés atteignant 30 % dans cer­tains endroits. Con­sti­tu­ant un des prin­ci­paux goulots d’é­tran­gle­ment actuels occa­sion­nant de nom­breuses coupures freinant le développe­ment économique du pays, le secteur de la dis­tri­b­u­tion béné­fi­cie d’une large part des finance­ments mul­ti et bilatéraux actuelle­ment attribués au secteur électrique ;
     
  • le comble­ment du déficit de pro­duc­tion dans le sud du pays, dû à une crois­sance indus­trielle rapi­de. Par­tielle­ment réduite grâce à la mise en ser­vice en 1994 d’une ligne d’in­ter­con­nex­ion à 500 kV de 1 500 km reliant le nord au sud du pays, la pénurie de pro­duc­tion au sud devrait pro­gres­sive­ment se résor­ber grâce d’une part, à la con­struc­tion de nou­velles cen­trales de pro­duc­tion util­isant du gaz provenant des gise­ments off­shore au sud du Viêt-nam et d’autre part, grâce à la mise en ser­vice d’amé­nage­ments hydroélec­triques actuelle­ment en cours de construction ;
     
  • le développe­ment de l’élec­tri­fi­ca­tion rurale du pays, pri­mor­diale au plan poli­tique dans un souci de cohé­sion nationale, et des­tinée à frein­er le déséquili­bre crois­sant entre le rythme de développe­ment des villes et celui des campagnes ;
     
  • l’amélio­ra­tion de la ges­tion, de l’ef­fi­cac­ité tech­nique et de l’ex­ploita­tion du secteur élec­trique grâce, entre autres, à la mise en place d’une réor­gan­i­sa­tion insti­tu­tion­nelle qui s’est notam­ment traduite par la sup­pres­sion du min­istère de l’Én­ergie et la créa­tion en 1995 d’une société nationale inté­grée d’élec­tric­ité (Élec­tric­ité du Viêt-nam — EVN) ;
     
  • la néces­sité de mobilis­er des ressources finan­cières con­sid­érables afin d’as­sur­er le développe­ment et la mod­erni­sa­tion du secteur, besoins éval­ués à près de 1 mil­liard de US $ par an, dont 1/3 seule­ment pour­ra provenir des insti­tu­tions mul­ti­latérales (Banque Mon­di­ale, Banque Asi­a­tique de Développe­ment) et de l’aide bilatérale au développement.

Présence d’EDF au Viêt-nam

Dans le cadre du “Dôi Moi”, la poli­tique du renou­veau engagée à l’oc­ca­sion du 6e Con­grès du Par­ti Com­mu­niste viet­namien, le Viêt-nam a man­i­festé en 1986 son désir d’ou­ver­ture à une coopéra­tion élargie avec les pays non communistes.

Société d’É­tat gérée comme une entre­prise privée, con­sti­tu­ant une sorte de référence pour le secteur élec­trique viet­namien, EDF a ain­si pu relancer une activ­ité com­mer­ciale vers ce pays en 1988, qui s’est traduite dès 1989 par la sig­na­ture d’un pro­to­cole de coopéra­tion avec le min­istre de l’Én­ergie vietnamien.

Béné­fi­ciant d’une image pos­i­tive préex­is­tante, EDF a pu renouer des rela­tions avec le secteur élec­trique viet­namien grâce à la mise en oeu­vre d’ac­tions telle l’opéra­tion pilote de réha­bil­i­ta­tion de la dis­tri­b­u­tion basse et moyenne ten­sion du quarti­er de Trang Thi à Hanoi en 1990 ou la réal­i­sa­tion d’é­tudes de fais­abil­ité telles l’é­tude d’un cen­tre de for­ma­tion au sud du Viêt-nam, ou l’é­tude d’un dis­patch­ing à Hanoi.

Cette approche a per­mis à EDF d’être en 1990 la pre­mière société occi­den­tale à sign­er un con­trat de con­sul­tance por­tant sur les études et la super­vi­sion des travaux de l’amé­nage­ment hydroélec­trique de Vinh Son, situé dans la région Cen­tre du Viêt-nam.

Dans le souci de faire partager ses com­pé­tences et d’ac­croître sa con­nais­sance du con­texte élec­trique viet­namien, EDF a dévelop­pé des activ­ités d’as­sis­tance tech­nique et de vente de ser­vices de con­sul­tance. Out­re cet apport de savoir-faire tech­nique d’EDF, ces actions peu­vent le cas échéant pré­par­er d’éventuels pro­jets d’investissement.

EDF a en par­ti­c­uli­er ciblé les actions de réha­bil­i­ta­tion des réseaux de dis­tri­b­u­tion urbains et les pro­grammes d’élec­tri­fi­ca­tion rurale, qui fig­urent par­mi les pre­mières pri­or­ités des élec­triciens viet­namiens et des bailleurs de fonds. Ain­si, EDF met actuelle­ment en oeu­vre un pro­gramme de réha­bil­i­ta­tion des réseaux élec­triques des villes de Huê et de Nha Trang, financé pour une part, grâce à l’at­tri­bu­tion d’un finance­ment français de 2 tranch­es de 25 MF inscrites aux pro­to­coles fran­co-viet­namiens 1994 et 1995, et pour l’autre part grâce à la mise en place d’un finance­ment de la Banque Mondiale.

Out­re des actions con­crètes de réha­bil­i­ta­tion et d’ex­ten­sion des réseaux moyenne et basse ten­sion de la ville de Huê, ain­si que la four­ni­ture d’une nou­velle sous-sta­tion 115/22 kV per­me­t­tant de fia­bilis­er l’al­i­men­ta­tion élec­trique, ce pro­jet prévoit égale­ment d’as­sur­er la for­ma­tion de l’u­nité four­nissant le ser­vice de l’élec­tric­ité dans la ville de Huê à de nou­velles méth­odes d’ex­ploita­tion et de gestion.

Ce pro­jet pilote con­stitue égale­ment une vit­rine des tech­niques français­es de dis­tri­b­u­tion, et per­met ain­si d’ac­com­pa­g­n­er le développe­ment inter­na­tion­al de sociétés français­es du secteur des équipements élec­triques, par­mi lesquelles de nom­breuses PME.

Il est à not­er que ce pro­jet per­met en out­re de traduire sur le ter­rain l’ac­tion dans le domaine de la nor­mal­i­sa­tion élec­tro-tech­nique menée par le GIMELEC au Viêt-nam, avec le sou­tien d’EDF et des prin­ci­paux con­struc­teurs français.

Autre domaine d’in­térêt d’EDF et pri­or­ité du gou­verne­ment viet­namien, l’élec­tri­fi­ca­tion rurale sera un des enjeux majeurs du secteur élec­trique dans les prochaines années.


Réha­bil­i­ta­tion des réseaux de dis­tri­b­u­tion urbains.  
© PHOTOTHÈQUE EDF/MARC MARCEAU

EDF a com­mencé à apporter son assis­tance à la société EVN afin de réalis­er les études de fais­abil­ité de dif­férents pro­jets et définir les méth­odes de leur mise en oeu­vre sur les plans insti­tu­tion­nel, ges­tion, nor­mal­i­sa­tion tech­nique, etc.

Un pro­jet pilote dans la province de Thai Binh au nord du Viêt-nam est en cours de développe­ment, dont le finance­ment pour­rait être assuré par la Caisse Française de Développement.

Par ailleurs et afin de lancer con­crète­ment des opéra­tions, EDF a financé sur ses pro­pres fonds l’élec­tri­fi­ca­tion des vil­lages de Pa Nho et de Dong Khanh situés dans la province de Quang Tri au cen­tre du Viêt-nam, ain­si que la révi­sion de l’é­tude d’élec­tri­fi­ca­tion de cette province.

En plus de la mise en oeu­vre d’ac­tions ou de pro­jets à car­ac­tère tech­nique, l’ac­tion d’EDF au Viêt-nam s’in­scrit égale­ment dans les réflex­ions en cours actuelle­ment sur les struc­tures, l’or­gan­i­sa­tion et le mode de fonc­tion­nement du secteur élec­trique vietnamien.

EDF apporte notam­ment son sou­tien à la nou­velle société EVN, en met­tant à la dis­po­si­tion des élec­triciens viet­namiens son expéri­ence nationale et inter­na­tionale acquise dans les domaines de l’or­gan­i­sa­tion insti­tu­tion­nelle et de l’é­conomie générale des sys­tèmes électriques. 

Les perspectives

Le con­texte his­torique entre la France et le Viêt-nam, la sit­u­a­tion priv­ilégiée de ce pays au coeur d’une région en plein développe­ment, la richesse de la ressource humaine ont poussé EDF à par­ticiper active­ment au développe­ment du secteur élec­trique vietnamien.

C’est la rai­son pour laque­lle, à la suite des pre­mières actions de coopéra­tion tech­nique, lim­itées par nature mais néan­moins pri­mor­diales pour mieux appréhen­der l’en­vi­ron­nement, EDF explore depuis peu les modal­ités de mise en oeu­vre à moyen terme d’une opéra­tion majeure d’in­vestisse­ment au Viêt-nam, dans un pro­jet de pro­duc­tion indépen­dante d’élec­tric­ité, qui pour­rait être dévelop­pé suiv­ant des sché­mas de type Build — Oper­ate — Trans­fer (BOT) ou Joint Venture.

Mal­gré les dif­fi­cultés prévis­i­bles d’une telle opéra­tion, en par­ti­c­uli­er liées à l’ab­sence de con­texte régle­men­taire et insti­tu­tion­nel sta­bil­isé, quelques oppor­tu­nités d’in­vestisse­ment appa­rais­sent pos­si­bles à moyen terme.

En effet, les Autorités viet­nami­ennes doivent faire face à d’énormes besoins de finance­ment, aux­quels ne pour­ront pas répon­dre en total­ité ni les bailleurs de fonds mul­ti et bilatéraux, ni l’élec­tricien viet­namien EVN, compte tenu de la faib­lesse de ses capac­ités d’aut­o­fi­nance­ment, résul­tant en par­tie du bas prix de l’élec­tric­ité dans le pays. Elles devront donc ouvrir par­tielle­ment le secteur de la pro­duc­tion d’élec­tric­ité aux inter­venants étrangers, en adap­tant leur lég­is­la­tion afin d’at­tir­er des investis­seurs potentiels.

Dans ce con­texte et à titre d’ex­em­ple, EDF s’in­téresse depuis mi-96 au pro­jet de cen­trale à cycle com­biné 450/600 MW de Phu My, qui devrait don­ner lieu en 1997 à un appel d’of­fres inter­na­tion­al qui se déroulera dans un con­texte très con­cur­ren­tiel. Il faut effec­tive­ment not­er que, mal­gré un poids économique encore très faible com­paré à celui de ses voisins, le Viêt-nam représente pour tous les acteurs du jeu asi­a­tique — améri­cains, japon­ais, etc. — un enjeu de pre­mier ordre.

Au-delà d’opéra­tions ponctuelles d’in­vestisse­ment, l’ac­tion d’EDF au Viêt-nam dans les prochaines années s’in­scrira dans une stratégie glob­ale de présence dans l’ensem­ble de la zone du Sud-Est asi­a­tique. On peut en effet con­stater qu’un proces­sus d’in­té­gra­tion économique régionale se met pro­gres­sive­ment en place, sous l’im­pul­sion de l’ASEAN, du Japon et de la Banque Asi­a­tique de Développe­ment. Le secteur des infra­struc­tures et en par­ti­c­uli­er celui de l’én­ergie con­stitueront un élé­ment fon­da­men­tal de cette intégration.

Dans le domaine de l’élec­tric­ité, le proces­sus d’in­té­gra­tion pour­rait porter sur la mise en oeu­vre pro­gres­sive d’une inter­con­nex­ion élec­trique régionale et d’un développe­ment des échanges d’én­ergie entre les pays de la zone, à l’im­age de ce qui se pra­tique déjà entre le Laos et la Thaï­lande. Il est à ce titre sig­ni­fi­catif de not­er qu’un accord por­tant sur l’ex­por­ta­tion par le Laos d’en­v­i­ron 1 500 MW d’o­rig­ine hydroélec­trique à l’hori­zon 2010 a été signé en 1995 entre le Laos et le Viêt-nam.

L’in­té­gra­tion énergé­tique pour­rait égale­ment se traduire par une amélio­ra­tion de la con­cer­ta­tion entre les pays riverains du Mekong, dont fait par­tie le Viêt-nam, en vue de la mise en valeur des immenses ressources hydroélec­triques de ce fleuve et de ses affluents.

Forte de sa présence dans l’ensem­ble des trois pays de la pénin­sule indochi­noise et s’ap­puyant sur le développe­ment en cours du pro­jet BOT hydroélec­trique de Nam The­un 2 au Laos, dont l’én­ergie pro­duite sera totale­ment exportée vers la Thaï­lande, EDF devrait être en mesure de jouer un rôle sig­ni­fi­catif dans ces proces­sus d’intégration.

Poster un commentaire