La nécessité du recours à la tierce partie dans un pays en voie de développement

Dossier : VIÊT-NAMMagazine N°525 Mai 1997
Par Van Phuc LÊ (64)
Par Jean-Pierre UBAUD

On peut se deman­der quel est l’in­té­rêt pré­sen­té par l’in­ter­ven­tion d’une Tierce Par­tie dans un pays en voie de déve­lop­pe­ment. En effet, c’est un concept qui a habi­tuel­le­ment cours dans les pays déve­lop­pés. Tel n’est pour­tant pas le cas du Viêt-nam, qui se trouve cepen­dant enga­gé dans le pro­ces­sus de mon­dia­li­sa­tion auquel on assiste aujourd’hui. 

Séminaire à Hô Chi Minh Ville. ISO 9200
Sémi­naire à Hô Chi Minh Ville.

La problématique du Viêt-nam face à l’accélération de la mondialisation des échanges et de la concurrence

Le Viêt-nam est entré seule­ment depuis le début des années 1990 dans une dyna­mique de déve­lop­pe­ment. Il doit donc com­bler un retard impor­tant par rap­port aux dra­gons voi­sins tels que la Corée, Hong-Kong, Sin­ga­pour et Tai­wan, et dans une moindre mesure par rap­port à l’In­do­né­sie, la Malai­sie et la Thaï­lande. Avec l’ac­cé­lé­ra­tion de la mon­dia­li­sa­tion des échanges et de la concur­rence, le Viêt-nam n’a plus la pos­si­bi­li­té de mettre comme eux trente années pour accé­der à leur stade de déve­lop­pe­ment. Non seule­ment le rythme doit s’ac­cé­lé­rer, mais les étapes aus­si doivent être repensées.

Même avec un PNB de 300 dol­lars par habi­tant, le Viêt-nam doit, dès aujourd’­hui, assi­mi­ler et faire siennes les pro­blé­ma­tiques qui sont le lot des pays déve­lop­pés dont les PNB s’é­tagent de 1 000 à 20 000 dol­lars. Par exemple :

– les pro­duits et les ser­vices doivent inté­grer la qua­li­té régle­men­taire, contrac­tuelle ou consensuelle ;
– la qua­li­té, pour être per­ma­nente et répé­ti­tive, doit s’ap­puyer, entre autres, sur une orga­ni­sa­tion d’as­su­rance qualité ;
– la démons­tra­tion cré­dible de cette qua­li­té devient un plus concur­ren­tiel en même temps qu’un fac­teur d’a­mé­lio­ra­tion et de fia­bi­li­té de la production.

Il se trouve ain­si confron­té à une suc­ces­sion d’obs­tacles à sur­mon­ter très rapi­de­ment, alors que les pays voi­sins ont dis­po­sé de dizaines d’an­nées pour le faire. 

Les dirigeants sont conscients du rôle-clé joué par la Tierce Partie

Le Viêt-nam a en effet bien com­pris la néces­si­té de s’ou­vrir à la libre concur­rence sur les mar­chés inter­na­tio­naux, car son déve­lop­pe­ment dépend de sa capa­ci­té à expor­ter. Or, le suc­cès passe par la démons­tra­tion que les pro­duits expor­tés res­pectent les exi­gences de qua­li­té qui ont cours par­mi les pays développés.

Or seule une Tierce Par­tie pré­sen­tant toutes les garan­ties d’in­dé­pen­dance, d’im­par­tia­li­té et d’in­té­gri­té peut don­ner confiance à ses clients ; les ser­vices offi­ciels, étant à la fois juges et par­ties, ne peuvent pré­tendre à ce rôle. Le recours à une Tierce Par­tie dans le cadre d’un acte volon­taire et non sous la contrainte d’une quel­conque régle­men­ta­tion est un fac­teur sup­plé­men­taire de cré­di­bi­li­té. Dans le cas d’un par­te­na­riat entre une entre­prise étran­gère et une entre­prise publique, la Tierce Par­tie assure aux par­te­naires le res­pect mutuel des normes tech­niques de qua­li­té en pre­nant en charge leur vali­da­tion. Ain­si, le recours à une Tierce Par­tie apporte un gain de cré­di­bi­li­té et de sécu­ri­té ; c’est aus­si un moyen de faire évo­luer plus rapi­de­ment en interne les men­ta­li­tés et les orga­ni­sa­tions, car nul n’est pro­phète en son pays.

Ain­si, la néces­si­té qui s’im­pose pour le Viêt-nam d’in­té­grer une démarche d’é­va­lua­tion de la qua­li­té jus­ti­fie plei­ne­ment le recours à une Tierce Par­tie. En fait, cette démarche s’ap­plique aus­si bien pour l’ex­por­ta­tion que pour l’importation.

Les diri­geants du pays sont de plus en plus conscients du rôle-clé joué par les orga­nismes Tierce Par­tie. Il suf­fit, pour s’en convaincre, de consta­ter l’ar­ri­vée en force des quatre coins du monde d’or­ga­nismes de contrôle et d’ins­pec­tion tels que Apave, Bureau Véri­tas, Lloyd’s, SGS… Ces orga­nismes sont en mesure d’ap­por­ter une aide appré­ciable aux entre­prises viet­na­miennes qui sou­haitent expor­ter, ain­si qu’aux entre­prises étran­gères dési­reuses d’in­ter­ve­nir au Viêt-nam.

Nous assis­tons à un chan­ge­ment radi­cal dans la manière d’a­bor­der les pro­blèmes de déve­lop­pe­ment du pays. Ce chan­ge­ment pren­dra bien sûr encore du temps dans sa tra­duc­tion concrète, mais il mérite d’être sou­li­gné ; il ne doit pas être occul­té dans le foi­son­ne­ment actuel des dif­fi­cul­tés éco­no­miques et admi­nis­tra­tives que tra­verse natu­rel­le­ment ce pays et qui n’est pas sans consé­quences sur les inves­tis­seurs étrangers. 

Depuis quelques années, Apave intervient au Viêt-nam : formation et certification

Ain­si Apave a déjà effec­tué des mis­sions de contrôle, d’ins­pec­tion pour le compte d’en­tre­prises fran­çaises telles que Bouygues, CBC, Eif­fel, Freys­si­net, Otis, Pierre Cardin…

En 1995, pour la pre­mière fois au Viêt-nam, les deux plus grands labo­ra­toires d’es­sais éta­tiques Qua­test 1 et Qua­test 3 et le plus impor­tant fabri­cant de comp­teurs élec­triques EMIC ont fait appel à l’A­pave pour les aider dans la mise sous Assu­rance Qua­li­té ISO 9001 et ISO 9002 de leurs pres­ta­tions et de leur orga­ni­sa­tion. Leur cer­ti­fi­ca­tion devrait inter­ve­nir en 1997 à tra­vers l’or­ga­nisme Afaq-Ascert International.

Les systèmes d'inspection Schéma APAVE

Apave a aus­si effec­tué un effort par­ti­cu­liè­re­ment impor­tant de for­ma­tion sous forme de sémi­naires gra­tuits ou payants ; à ce jour, une dou­zaine de sémi­naires ont été orga­ni­sés, ras­sem­blant près de 500 per­sonnes par­mi les­quelles des hauts fonc­tion­naires, des cadres diri­geants, des direc­teurs tech­niques, des ingé­nieurs de production.

Ces sémi­naires per­mettent de sen­si­bi­li­ser les par­ti­ci­pants à la néces­si­té de la qua­li­té, de leur pré­sen­ter les concepts, les avan­tages et les incon­vé­nients des sys­tèmes d’ins­pec­tion, de contrôle qua­li­té, d’as­su­rance qua­li­té, ain­si que les inter­ven­tions de la Tierce Par­tie dans l’en­semble des pro­ces­sus. Bien enten­du, les expo­sés ont por­té sur les Direc­tives euro­péennes et leurs consé­quences sur le plan social et éco­no­mique, et sous l’angle de la qua­li­té ; ils ont sus­ci­té nombre de ques­tions pertinentes.

Des socié­tés qui com­mencent à prendre pied sur le mar­ché inter­na­tio­nal, telles que Air Viet­nam et Petro Viet­nam, ont deman­dé des sémi­naires orien­tés sur le choix et le contrôle de la qua­li­té des four­nis­seurs et des sous-trai­tants ; voi­là un autre exemple de l’aide que peut appor­ter la Tierce Partie.

En 1996, une cin­quan­taine de res­pon­sables tech­niques et qua­li­té appar­te­nant à des entre­prises et à des orga­nismes publics ont été cer­ti­fiés « audi­teur interne qua­li­té » par Afaq-Ascert Inter­na­tio­nal à l’is­sue de for­ma­tions orga­ni­sées par Apave. C’est le futur noyau d’au­di­teurs Tierce Par­tie qui se met ain­si en place.

On a pu remar­quer que les direc­tions n’ont pas hési­té à faire faire à leurs col­la­bo­ra­teurs un dépla­ce­ment de 1 500 km en avion pour venir assis­ter à des actions de for­ma­tion qui ont été orga­ni­sées à Hanoi et à Hô Chi Minh Ville. On peut aus­si consta­ter à ces occa­sions que les Viet­na­miens ont une grande soif d’ap­prendre et de com­prendre ; mais de notre côté, nous avons réa­li­sé à quel point il est fon­da­men­tal d’ap­prendre la manière de tra­vailler avec eux.

Les répu­ta­tions se bâtissent très len­te­ment, elles se défont par contre très vite. En effet, quels que soient leurs titres et fonc­tions, les par­ti­ci­pants ont un haut niveau intel­lec­tuel. Ils sont très exi­geants, et les innom­brables offres d’ac­tions de for­ma­tion gra­tuites, qu’ils se voient pro­po­ser par les nom­breux pays dési­reux de tis­ser des liens pour leurs entre­prises, ne font que les confor­ter dans leur exigence.

Tierce Personne Schéma APAVEConscients des enjeux de notre implan­ta­tion et sou­cieux de l’i­mage de la France, nous n’a­vons jamais hési­té à envoyer nos meilleurs experts pour ani­mer ces ren­contres et pour réa­li­ser les contrats.

Au-delà des relations d’affaires, des liens culturels privilégiés entre le Viêt-nam et la France

À tra­vers ces dif­fé­rentes actions qui nous ont per­mis d’embaucher en un an une dizaine d’in­gé­nieurs et d’as­sis­tants du pays, nous appor­tons la preuve, par le déve­lop­pe­ment de nos acti­vi­tés sur place, que le cré­neau de la Tierce Par­tie a un ave­nir au Viêt-nam.

Ces actions contri­buent, en outre, à ravi­ver les liens cultu­rels pri­vi­lé­giés entre le Viêt-nam et la France, tout en par­ti­ci­pant ain­si au déve­lop­pe­ment des rela­tions d’af­faires entre les deux pays. Ces rela­tions demandent de la pru­dence, de la luci­di­té et une volon­té de rai­son­ner à long terme ; c’est à ces condi­tions que les inves­tis­seurs fran­çais pour­ront s’im­plan­ter au Viêt-nam, et plus tard, uti­li­ser ce pays comme un trem­plin vers les autres pays du Sud-Est asiatique.

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