ÉCONOMIE ET COGNITION

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°648 Octobre 2009Par : Sous la direction de Bernard Walliser (65)Rédacteur : Roger Guesnerie (62)Editeur : Éditions de la Maison des sciences de l’homme, Éditions Ophrys 54, boulevard Raspail, 75270 Paris Cedex 06. Tél. : 01.49.54.20.31

Couverture du livre économie et cognitionÉconomie et cog­ni­tion est un ouvrage de 250 pages, pub­lié par les édi­tions Ophrys et les Édi­tions de la Mai­son des sci­ences de l’homme, sous la direc­tion de Bernard Wal­lis­er. Le sujet relève donc du champ que l’on désigne par­fois comme l’économie cog­ni­tive, qui porte son atten­tion sur les croy­ances et les raison­nements des agents économiques. Bernard Wal­lis­er a rassem­blé 9 arti­cles, qui font panora­ma et qui ren­voient à des chapitres dif­férents du savoir, la théorie de la déci­sion, la théorie des jeux, et les sujets, tou­jours théoriques mais plus tournés vers l’application économique, la théorie des marchés ou la théorie financière.

Dans les sché­mas intel­lectuels favoris de l’analyse économique, les préférences sont à la source des choix (c’est l’homo œco­nom­i­cus). Mais ces choix à un moment don­né reflè­tent non seule­ment les préférences mais aus­si les croy­ances, les « antic­i­pa­tions » des mod­èles économiques. À l’inverse des atom­es du monde physique, dont le mou­ve­ment est en principe déter­miné par la posi­tion présente et le passé, les actions des agents soci­aux sont par­tielle­ment au moins gou­vernées par l’idée qu’ils se font de l’avenir. L’image de l’avenir déter­mine donc le présent mais aus­si l’avenir : voilà sans aucun doute une dif­férence essen­tielle voire fon­da­trice entre les sci­ences de la société et les sci­ences de la nature.

L’ouvrage passe en revue une série de champs de recherche, qui, sur toutes ces ques­tions, remet­tent l’ouvrage sur le métier.

Her­bert Simon, père de l’intelligence arti­fi­cielle, avait, il y a déjà longtemps, mis en avant l’idée de ratio­nal­ité lim­itée, lim­itée en par­ti­c­uli­er par les capac­ités de recueil et de traite­ment de l’information. Autre direc­tion, l’analyse des croy­ances, vues comme des dis­tri­b­u­tions de prob­a­bil­ités, appréhendées au tra­vers des sché­mas ana­ly­tiques qui les por­tent, est abor­dée aus­si aujourd’hui avec les out­ils plus puis­sants de la logique épistémique. Enfin, la logique économique des antic­i­pa­tions dites « rationnelles », qui déter­mi­nent leur pro­pre réal­i­sa­tion, qui sont donc autoréal­isatri­ces, est, bien enten­du, au cœur de l’investigation. Inutile de soulign­er l’actualité de cette réflex­ion. En finance, dans les mod­èles théoriques comme dans le monde des opéra­teurs, cha­cun doit devin­er les inten­tions de l’autre : spéculer en un sens est aus­si spéculer dans l’autre sens. Et si les marchés sont beau­coup moins « effi­cients » que ce que l’on dit, c’est que les antic­i­pa­tions sont moins rationnelles (ou les spécu­la­tions moins con­clu­sives) que ce que dis­ent cer­tains mod­èles. L’apprentissage, au sens large du terme, « évo­lu­tif » ou « div­ina­toire », revient sur le devant de la scène, une scène où une atten­tion soutenue au raison­nement des agents en sit­u­a­tion sug­gère des ponts (l’économie com­porte­men­tale) entre économie et psychologie.

Voilà de très bonnes lec­tures pour tous ceux que ces sujets interpellent.

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