DOUBLES-CROCHES

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°661 Janvier 2011Par : Yves QuéréRédacteur : Yves Bréchet (81)Editeur : Éditions Le Pommier - 2010 - 239, rue Saint-Jacques, 75005 Paris. Tél. : 01.53.10.24.60

Yves Quéré n’est jamais là où on l’attendrait paresseuse­ment, et il nous amène au fil de ses ouvrages à un éton­nement per­ma­nent. Émi­nent métal­lur­giste, pro­fesseur à l’X pen­dant vingt ans puis directeur de l’enseignement, impliqué dans le mou­ve­ment de sou­tien aux « Refuseniks », chargé des rela­tions inter­na­tionales de l’Académie des sci­ences, cheville ouvrière avec Pierre Léna et Georges Charpak de « La main à la pâte », on pou­vait s’attendre, on pou­vait espér­er, qu’il écrive des mémoires rich­es, pro­fonds, tis­sés de ren­con­tres prestigieuses.

Couverture du livre : Doubles CrochesCe n’est pas à cela que nous invite son nou­v­el ouvrage, mais à une prom­e­nade, à des ren­con­tres, à des sourires, sous forme d’une col­lec­tion d’historiettes, on pour­rait même dire de fables.

Ces « frag­ments de vie » nous offrent un fes­ti­val de sourires, touchants comme l’histoire de la cou­turière de Saint-Séverin, cocass­es comme ce vieux marc­hand de vin qui lui pro­pose de repren­dre sa b o u t i q u e , saugrenus comme ce colonel altiste qui recherche fébrile­ment son rég­i­ment d’artillerie égaré en manœu­vre, courte­linesque comme le diplôme d’horlogerie de son père, amu­sant comme cet enfant qui veut jouer du vio­lon­celle, instru­ment d’homme qui a le priv­ilège d’être assis, ou franche­ment comique comme cet aspi­rant qui recy­cle une orai­son funèbre de Bossuet pour les obsèques d’un avi­a­teur entraî­nant un irré­press­ible et incon­gru fou rire, ou poignant comme ce témoignage d’un vieil homme à la mémoire d’un physi­cien dis­paru dans les geôles d’une dic­tature. Mais d’autres sont des leçons de tolérance comme ce grand-père, insti­tu­teur, hus­sard de la République et chré­tien, comme cette ren­con­tre bru­tale avec la mort et le fanatisme à la libéra­tion de Com­mer­cy, ou comme ces très belles lignes en con­tre­point d’un tableau de Corot.

Cha­cun lisant ce livre aura sa pro­pre sélec­tion de « dou­bles croches » favorites et s’apercevra en refer­mant l’ouvrage que ce ne sont pas des mémoires, mais bien une con­ver­sa­tion avec l’auteur et une leçon d’humanité partagée qui lui auront été offertes, avec l’enjouement mêlé de grav­ité d’un quatuor de Haydn.

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