Voyage à travers une vie

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°609 Novembre 2005Par : Paul Bourrières (34)Rédacteur : Philippe OBLIN (46)

Il n’est pas si fré­quent de nos jours que l’on ose par­ler de l’Afrique sans se croire obli­gé d’évoquer la mal­fai­sance de la colo­ni­sa­tion. C’est pour­tant bien en échap­pant à cet impé­ra­tif du poli­ti­que­ment cor­rect que notre cama­rade Paul Bour­rières a publié son Voyage à tra­vers une vie dans la col­lec­tion “ Gra­veurs de mémoire ” des édi­tions de L’Harmattan.

On ne sau­rait trop recom­man­der aux amis de l’Afrique, pas­sée et pré­sente, la lec­ture de ces sou­ve­nirs. Ils décou­vri­ront, sauf cer­tains des plus vieux d’entre eux qui auraient pu la connaître, ce que fut la vie, dif­fi­cile, d’un ingé­nieur char­gé de famille dans cette Afrique sub­sa­ha­rienne des années qua­rante et cin­quante. Bour­rières, ingé­nieur des Ponts et Chaus­sées, y fut suc­ces­si­ve­ment adjoint au direc­teur des Tra­vaux publics et du Che­min de fer de Côted’Ivoire, de 1942 à 1945, direc­teur des Tra­vaux publics du Daho­mey et du Che­min de fer Bénin-Niger de 1945 à 1947, enfin direc­teur du Port de Dakar de 1947 à 1952. Reve­nu en France, notre cama­rade, après un temps de pape­ras­se­ries au minis­tère de la France d’Outre-mer, se vit confier la direc­tion géné­rale du BCEOM, alors récep­tacle de Gou­ver­neurs en panne de gou­ver­nance. En quelques années, il en fit un bureau de conseil en déve­lop­pe­ment, cou­vrant aus­si bien les aspects infra­struc­tures qu’économie et finances, de renom­mée inter­na­tio­nale, fort appré­cié de la Banque Mon­diale entre autres, tou­jours flo­ris­sant aujourd’hui, tant sur le plan humain que financier.

Les fonc­tions de Bour­rières au BCEOM et sa renom­mée d’expert lui valurent en outre bien des mis­sions dans des contrées loin­taines et pit­to­resques, mais par­fois dan­ge­reuses, dont le lec­teur trou­ve­ra de savou­reuses évocations.

Il appren­dra aus­si des choses que l’on a peine à ima­gi­ner, si l’on n’a pas connu les vicis­si­tudes inat­ten­dues de la guerre et de l’occupation ger­ma­no-nazie. Il sau­ra, par exemple, com­ment deux jeunes ingé­nieurs des Ponts, dont notre cama­rade, alors fonc­tion­naires du gou­ver­ne­ment de Vichy, furent, en octobre 1941, et comme si de rien n’était, envoyés en mis­sion d’études aux États-Unis, dûment munis de tous les pas­se­ports, visas et aus­weis requis, et Dieu sait s’il en fal­lait, ain­si que d’un solide via­tique en dol­lars amé­ri­cains, com­ment ils voya­gèrent à bord d’un paque­bot de l’American Export Line assu­rant la liai­son Lis­bonne-New York, com­ment ils furent pla­cés deux mois en rési­dence sur­veillée, mais débon­naire, aux Ber­mudes par les auto­ri­tés de sa Gra­cieuse Majes­té bri­tan­nique, com­ment ils accom­plirent néan­moins leur mis­sion aux USA, alors dans toute l’effervescence de Pearl Har­bor, com­ment ils revinrent en France, dere­chef par voie mari­time, tou­jours comme si de rien n’était, por­teurs, entre autres, d’un lexique amé­ri­cain-fran­çais des termes de génie civil qu’ils avaient rédi­gés et qui, publié à leur retour, fit long­temps auto­ri­té. Ain­si allaient les choses en pleine guerre !

Voi­là donc un livre qu’il faut avoir dans sa biblio­thèque, riche aus­si de bien des réflexions infi­ni­ment tou­chantes, que l’on décou­vri­ra au fil des pages !

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