Usages et usagers de la route

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°698 Octobre 2014Par : Jean ORSELLI (62)Rédacteur : Gérard BLANC (68)Editeur : Paris – L’Harmattan – 2011 – 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris.

Il est rare qu’un poly­tech­ni­cien, ingénieur des Ponts et Chaussées, sou­ti­enne une thèse d’histoire, comme Jean Orsel­li, en 2009, qui en a tiré ce livre.

Dans une approche à la fois tech­nique, économique, sociale, admin­is­tra­tive, poli­tique et sta­tis­tique, il exam­ine l’évolution des trafics, la géo­gra­phie de la motori­sa­tion, la coor­di­na­tion des trans­ports, la répa­ra­tion des acci­dents, les réseaux routiers, l’exploitation de la route, l’industrie auto­mo­bile, la fis­cal­ité des véhicules, en ter­mi­nant par l’histoire des acteurs qui influ­en­cent l’opinion, con­struc­teurs d’au­to­mo­biles et leurs alliés indus­triels, presse et asso­ci­a­tions d’usagers.

La par­tie con­sacrée à l’époque de la trac­tion attelée et de l’apparition des trans­ports mécaniques routiers (1860–1921) se nour­rit de mul­ti­ples sources et men­tionne nom­bre de faits sou­vent oubliés ou méconnus.

Ain­si, à la fin du XIXe siè­cle, la voiture attelée était bien plus chère qu’on ne pour­rait le penser, mais la bicy­clette était bien meilleur marché qu’on ne l’imagine.

L’accident de la cir­cu­la­tion était presque tou­jours un « acci­dent à un seul véhicule », les con­duc­teurs des véhicules auteurs de l’accident représen­taient 61 % du total des tués.

L’ampleur de la crois­sance des déplace­ments routiers entre 1939 et 2009 dépend de l’indicateur util­isé : le parc a été mul­ti­plié par 14,5 ; le traf­ic routi­er par 20 ; le taux de motori­sa­tion par 10 ; la « mobil­ité tous modes » d’un indi­vidu par 7. Toute­fois, la « mobil­ité routière » d’un indi­vidu entre 1939 et 2009 a été mul­ti­pliée par 8,4 (soit un accroisse­ment de 3,1 % par an), plus lente­ment qu’au cours des vingt ans de l’entre-deux-guerres pen­dant lesquelles elle a triplé (soit 5,6 % par an).

La sécu­rité routière occupe une place de choix dans cette étude. Jean Orsel­li en mon­tre les dif­férentes étapes, les divers­es com­posantes, les doc­trines lég­isla­tives et insti­tu­tion­nelles. L’indice qu’il emploie, « usagers des auto­mo­biles tués par mil­liard de véhicule.km », a chuté de 37,8 à 10,0 entre 1960 et 2000.

Il adosse l’histoire des acci­dents de la route à l’analyse des sta­tis­tiques tenues depuis 1954. Selon lui, nom­bre de phénomènes indépen­dants du com­porte­ment des con­duc­teurs ont été nég­ligés pour expli­quer la baisse du nom­bre des vic­times, notam­ment les « fac­teurs struc­turels » : amélio­ra­tions de l’infrastructure et des véhicules, effets de l’appren­tis­sage indi­vidu­el sur « l’apprentissage col­lec­tif », diminu­tion du « taux d’occupation des véhicules », amélio­ra­tion du sec­ours aux acci­den­tés et du traite­ment médi­cal des trau­ma­tismes dus aux accidents.

Ces mécan­ismes ont été respon­s­ables de bien plus des deux tiers de l’amélioration de l’indice de sécu­rité des usagers de l’automobile depuis 1960.

L’auteur con­clut qu’il reste donc des pistes inex­plorées en France au-delà de la poli­tique actuelle de dur­cisse­ment du con­trôle-sanc­tion dévelop­pée depuis 2002.

La mise en place d’une « route qui par­donne les erreurs » par la sup­pres­sion des obsta­cles de bord de route ou leur neu­tral­i­sa­tion par des bar­rières serait cer­taine­ment la meilleure des voies pour déplac­er l’asymptote de la courbe d’apprentissage, comme le mon­tre l’exemple de la Suède.

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