Desserrer l’étreinte du déficit public et du déficit extérieur

Dossier : ExpressionsMagazine N°673 Mars 2012
Par Hubert LÉVY-LAMBERT (53)

Si la France ne veut pas suivre le che­min de l’Irlande, de la Grèce ou de l’Espagne, elle doit se reprendre, se retrous­ser les manches, comme l’a fait avec suc­cès l’Allemagne de Schrö­der et comme le fait avec cou­rage l’Italie de Mon­ti. La France doit avoir ce sur­saut pré­co­ni­sé par la com­mis­sion Cam­des­sus en 2004, rompre avec la faci­li­té de la dette, comme pré­co­ni­sé par la com­mis­sion Pébe­reau en 2005, et réfor­mer sans tabou ses struc­tures péri­mées comme conseillé par la com­mis­sion Atta­li en 2008. 

Le temps est venu de s’attaquer aux nom­breux mythes qui sclé­rosent l’économie nationale 

Il est encore temps, mais il ne faut pas tarder. 

Un modèle social périmé

La France vit dans le déni d’un modèle social péri­mé auquel s’accrochent nos hommes poli­tiques de tous bords, comme le peintre s’accroche à son pin­ceau, avec des réfor­mettes qui ne règlent rien et que beau­coup consi­dèrent pour­tant comme excessives. 

Le temps n’est plus au débat entre doux uto­pistes et réa­listes aux pieds sur terre. Le réa­liste est l’iconoclaste, pour lequel il n’y a aucun tabou et qui, du pas­sé, fait table rase. 

La crise du logement

Le loge­ment des Fran­çais consti­tue, à juste titre, un objec­tif pri­mor­dial des pou­voirs publics. Une mul­ti­tude de textes légis­la­tifs, régle­men­taires et d’organismes publics ou para­pu­blics y veille. 

La fac­ture aug­mente sans cesse, mais la crise du loge­ment per­dure. De moins en moins d’investisseurs placent leur argent dans la pierre, mal­gré les nom­breux avan­tages fis­caux y afférents. 

Pour­quoi cette situa­tion spé­ci­fique à la France ? La réponse remonte à la guerre de 14, à l’issue de laquelle les anciens com­bat­tants et vic­times de la guerre ont dû, à juste titre, être pro­té­gés contre les exi­gences des pro­prié­taires. Depuis lors, droite et gauche ont pour­sui­vi sans relâche cette poli­tique de pro­tec­tion des loca­taires, sans s’apercevoir qu’elle décou­ra­geait, par ses excès, les meilleures volon­tés des inves­tis­seurs tant pri­vés qu’institutionnels et qu’elle obli­geait, en contre­par­tie, à mul­ti­plier les inci­ta­tions fis­cales coûteuses. 

L’emploi des seniors

Dans le but, fort louable, de dis­sua­der les entre­prises de se débar­ras­ser de leurs vieux sala­riés, une « contri­bu­tion » pou­vant atteindre 12 mois de salaire avait été ins­ti­tuée en 1987. Votée par le Par­le­ment à l’unanimité, toutes ten­dances confon­dues, la contri­bu­tion Dela­lande, du nom de son ins­ti­ga­teur, dépu­té UMP, frap­pait toutes les entre­prises licen­ciant un sala­rié de plus de 50 ans. 

Le résul­tat ne s’est pas fait attendre : les entre­prises ont licen­cié par anti­ci­pa­tion beau­coup de sala­riés proches de la cin­quan­taine. Elles ont au sur­plus for­te­ment réduit les embauches de sala­riés à par­tir de 45 ans, afin d’éviter le risque d’avoir à payer cette péna­li­té quelques années plus tard si le sala­rié ne fai­sait plus l’affaire.

Il a fal­lu près de vingt ans avant que les effets néfastes de cette contri­bu­tion soient enfin recon­nus, ouvrant la voie à sa sup­pres­sion défi­ni­tive en 2008. 

Les deux déficits

On conti­nue à agir prin­ci­pa­le­ment par sub­sti­tu­tion d’un impôt à un autre 

Défi­cit exté­rieur et défi­cit public sont les deux plaies de la France. Contrai­re­ment à une opi­nion répan­due, ces deux pro­blèmes sont lar­ge­ment indé­pen­dants et doivent être trai­tés l’un et l’autre avec déter­mi­na­tion et en prio­ri­té sur tous les autres : quand la mai­son brûle, on éteint l’incendie toutes affaires ces­santes, sans se deman­der com­ment on va la repeindre. 

Le défi­cit du com­merce exté­rieur, 51 mil­liards d’euros en 2010, puis 70 mil­liards en 2011, jamais équi­li­bré depuis dix ans, est un des deux pro­blèmes. La France souffre d’un défi­cit de com­pé­ti­ti­vi­té et vit depuis des années au-des­sus de ses moyens, impor­tant beau­coup plus qu’elle n’exporte.

Le défi­cit public, près de 100 mil­liards d’euros en 2011, expri­mé en pour­cen­tage du PIB (6 %), pour faire moins peur qu’en pour­cen­tage des recettes (47 %), comme le ferait n’importe quel emprun­teur. Curieu­se­ment, il occulte le défi­cit exté­rieur aux yeux de l’opinion alors qu’il est d’une autre nature. Le défi­cit exté­rieur tra­duit un dés­équi­libre com­mer­cial, qui est com­pen­sé par des entrées de capi­taux de l’extérieur. Le défi­cit public tra­duit un dés­équi­libre bud­gé­taire struc­tu­rel des admi­nis­tra­tions publiques, finan­cé depuis trente ans par un accrois­se­ment incon­trô­lé de la dette publique. 

Insupportable et immorale

Cette situa­tion est insup­por­table et immorale. 

Insup­por­table, car elle nous met à la mer­ci de prê­teurs inter­na­tio­naux qui ne nous feront pas de cadeaux lorsqu’ils auront le moindre doute sur notre capa­ci­té à les rembourser. 

Immo­rale, car elle conduit la géné­ra­tion aux com­mandes à faire finan­cer sa consom­ma­tion par les géné­ra­tions futures. 

Le groupe X‑Sursaut a orga­ni­sé le 13 décembre der­nier un col­loque des­ti­né à exa­mi­ner les consé­quences à court et à long terme de dif­fé­rentes poli­tiques pos­sibles, dans des sec­teurs aus­si variés que les trans­ports, l’énergie, le loge­ment, l’enseignement supé­rieur, la san­té ou les retraites, tant au niveau des finances publiques que du solde exté­rieur, dont l’hémorragie doit être jugu­lée par tous les moyens, sans tabou et sans attendre. 

« Tra­vailler plus pour pro­duire plus, tel doit être notre leit­mo­tiv pour des­ser­rer l’étreinte du défi­cit public et du défi­cit extérieur. »

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