Des idées pour éclairer la reprise d’entreprise

Dossier : Entreprise et stratégieMagazine N°658 Octobre 2010
Par Hubert KIRCHNER (80)

REPÈRES Akya Consul­ting est un cabi­net de fusion-acqui­si­tion spé­cia­li­sé dans les cas dif­fi­ciles : ces­sion, avec ou sans recon­ver­sion, d’ac­ti­vi­tés et filiales indus­trielles à des par­te­naires de long terme capables de leur assu­rer un ave­nir pérenne.

Bous­cu­lés par les évé­ne­ments ou bien atti­rés par le rêve de l’en­tre­pre­neu­riat, des cadres me consultent, soit pour trou­ver un dos­sier inté­res­sant, ou plus sim­ple­ment pour faire un pre­mier tour d’horizon.

Toutes les entre­prises sont à vendre

Quelques idées simples per­mettent d’é­clai­rer leur démarche. La pre­mière idée est l’i­dée créa­trice : reprendre une entre­prise n’est pas recher­cher un emploi. Reprendre une entre­prise doit au contraire s’ins­crire dans un acte de créa­tion d’un pro­jet entre­pre­neu­rial consis­tant à appor­ter des pro­duits ou des ser­vices à des clients dans le cadre d’un modèle éco­no­mique vali­dé et por­teur d’avenir.

Une vision stratégique

Créer un tel pro­jet entre­pre­neu­rial en amont de la recherche de l’en­tre­prise à reprendre donne une vision stra­té­gique qui struc­ture cette recherche, qui englobe et dépasse l’en­tre­prise qui sera fina­le­ment reprise, qui apporte immé­dia­te­ment à cette der­nière une capa­ci­té de déve­lop­pe­ment à court et plus long terme, qui réduit signi­fi­ca­ti­ve­ment les risques inhé­rents à toute reprise, qui donne un grand confort au repre­neur lors de ses pre­miers pas, et enfin qui pré­pare les étapes sui­vantes de déve­lop­pe­ment interne ou externe. Cette approche de la reprise d’en­tre­prise, qui néces­site de réunir toutes ses appé­tences, expé­riences et connais­sances des mar­chés sur les­quels la créa­tion va inter­ve­nir, est un puis­sant moteur de réussite.

Des entreprises à vendre

La valeur sentimentale
Atten­tion aux entre­prises qui appar­tiennent à une per­sonne phy­sique, per­sonne qui serait le négo­cia­teur ven­deur : elles sont para­doxa­le­ment plus dif­fi­ciles à acqué­rir car elles béné­fi­cient très sou­vent aux yeux du ven­deur d’une forte valeur affec­tive qui vient en sus de leur valeur économique.

L’i­dée du super­mar­ché : contrai­re­ment aux idées reçues (presque) toutes les entre­prises sont à vendre. L’u­sage veut que l’on consulte les asso­cia­tions, sites Inter­net et inter­mé­diaires spé­cia­li­sés. Mais ceux-ci sont innom­brables et cha­cun n’a que peu de dos­siers à pré­sen­ter. D’où une perte de temps très impor­tante. Alors qu’en fait le super­mar­ché de l’en­tre­prise existe : ce sont les bases de don­nées des entreprises.

Ces bases de don­nées vous pro­posent plus de 90 % des entre­prises fran­çaises de chiffre d’af­faires supé­rieur à quelques mil­lions d’eu­ros. Avec beau­coup de ren­sei­gne­ments, qu’il est facile de com­plé­ter sur Inter­net. Il suf­fit donc de bâtir sa liste et de réa­li­ser une approche directe de ces entre­prises en s’ap­puyant sur l’in­ter­mé­diaire de son choix. Cha­cun sera sur­pris du taux de réponses positives.

Tenir compte de la conjoncture

L’i­dée du contre-cycle : l’ex­pé­rience montre que le prin­ci­pal cri­tère de réus­site de l’in­ves­tis­se­ment dans une entre­prise est… la date d’in­ves­tis­se­ment. Toute entre­prise est en effet bal­lot­tée par les vagues des cycles éco­no­miques de ses mar­chés. Les capa­ci­tés des diri­geants ne viennent que mul­ti­plier ou détruire les per­for­mances que le mar­ché offre natu­rel­le­ment à l’en­tre­prise. Il est donc para­doxa­le­ment beau­coup moins ris­qué d’in­ves­tir en bas du cycle éco­no­mique, lorsque les per­for­mances de l’en­tre­prise sont les moins bonnes, voire très mau­vaises, plu­tôt qu’en haut de cycle. En bas de cycle, la valeur des entre­prises est bien sûr à son point le plus bas. La bonne nou­velle est que la conjonc­ture éco­no­mique géné­rale que nous connais­sons cor­res­pond à une période très favo­rable d’in­ves­tis­se­ment. À uti­li­ser bien sûr avec dis­cer­ne­ment. De ce point de vue, inves­tir dans le sec­teur auto­mo­bile est aujourd’­hui une meilleure idée qu’in­ves­tir dans les éner­gies renou­ve­lables même si les oppor­tu­ni­tés existent partout.

Faire ressortir la trésorerie

Prix divi­sé par 3
Pre­nons une entre­prise ven­tri­po­tente dont la valeur est 5 fois le résul­tat pour un EBIT égal à 6. Si sa dette finan­cière nette est égale à 15, le prix des actions sera donc égal à 5 x 6 – 15 = 15. Après réduc­tion de la ven­tri­po­tence grâce au plan d’ac­tion immé­dia­te­ment mis en oeuvre après la reprise, le prix réel payé pour les titres aura été de 15, dont il faut reti­rer 10 de tré­so­re­rie recou­vrée par réduc­tion de la ven­tri­po­tence. Résul­tat = 5, soit un prix réel divi­sé par 3.

L’i­dée de la ven­tri­po­tence : je qua­li­fie de ven­tri­po­tente une entre­prise dont le besoin en fonds de rou­le­ment (BFR) est signi­fi­ca­ti­ve­ment plus éle­vé que celui des entre­prises com­pa­rables de son sec­teur. Pre­nons un exemple. Une socié­té de 100 de chiffre d’af­faires aura typi­que­ment un BFR com­pris entre 20 et 25 (en B to B). En cas de ven­tri­po­tence, le BFR sera com­pris entre 30 et 35. La valeur des actions d’une entre­prise est gros­so modo égale à N fois son résul­tat, moins ses dettes finan­cières nettes de tré­so­re­rie : un BFR mieux géré aug­mente la tré­so­re­rie et donc cette valeur euro pour euro. Notons que la ven­tri­po­tence touche fré­quem­ment les filiales non cœur de métier des grands groupes.

Risque maîtrisé

L’i­dée du sou­rire : il ne faut inves­tir dans une reprise d’en­tre­prise que des sommes que l’on est capable de perdre avec le sou­rire. Il est ain­si for­te­ment conseillé de ne ris­quer ni sa mai­son ni sa famille dans un pro­jet pro­fes­sion­nel de créa­tion ou de reprise d’en­tre­prise. Et donc de ne pas appor­ter sa cau­tion per­son­nelle au-delà de sa capa­ci­té à sou­rire. Il existe d’ailleurs des oppor­tu­ni­tés de reprise pour toutes les bourses, jus­qu’à l’eu­ro symbolique.

L’i­dée créa­trice doit viser un métier que l’on connaît

L’i­dée majo­ri­taire : être entre­pre­neur, c’est être action­naire majo­ri­taire de son entre­prise. Car le pou­voir ne se par­tage pas. Et, in fine, c’est le majo­ri­taire qui décide. L’ou­bli de cette évi­dence peut coû­ter très cher, même si son res­pect repré­sente incon­tes­ta­ble­ment un cer­tain mon­tant à inves­tir. Com­bien ? Les meilleurs conseils finan­ciers en acqui­si­tion réa­lisent des mon­tages majo­ri­taires avec un effet de levier de 10 : l’en­tre­pre­neur inves­tit le dixième du mon­tant de la reprise.

Mais ce mon­tage à levier de 10 est réa­li­sé avec beau­coup de sécu­ri­té, et en par­ti­cu­lier avec un mon­tant total de dettes ban­caires conso­li­dées, rai­son­nable, qui ne risque pas de mettre la tré­so­re­rie de la socié­té reprise en danger.

Ain­si, en inves­tis­sant 300 000 euros, on peut deve­nir action­naire majo­ri­taire d’une entre­prise ache­tée 3 mil­lions. Ce qui cor­res­pond à une entre­prise de 10 à 30 mil­lions de chiffre d’af­faires selon sa ren­ta­bi­li­té et son endet­te­ment. Envi­sa­geable, non ?

Se faire plaisir

Der­nière idée, l’i­dée du plai­sir : elle est essen­tielle. Il faut se faire plai­sir. Celui qui aime son métier et ses clients sera infi­ni­ment plus per­for­mant que celui qui chaque matin déprime en arri­vant à son bureau. L’i­dée créa­trice doit donc viser un métier que l’on appré­cie, que l’on connaît, et pour lequel sa moti­va­tion est forte. Une fois la stra­té­gie éta­blie deve­nue solide et maî­tri­sée, il ne reste plus que le plai­sir de la mettre en oeuvre et d’en recueillir les fruits.

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