Des financements innovants pour construire et entretenir les infrastructures.

Dossier : Les travaux publicsMagazine N°614 Avril 2006
Par Claude MARTINAND (64)

Des travaux publics aux services

Une pub­lic­ité récente affirme que “Les plus belles per­for­mances sont celles qui durent”. Ce slo­gan ramasse deux idées essen­tielles : tout d’abord, on ne par­le plus de l’in­vestisse­ment (un pneu­ma­tique en la cir­con­stance), ses car­ac­téris­tiques ou son prix mais on par­le du ser­vice en ter­mes de per­for­mances ; enfin, la per­for­mance doit s’ob­serv­er sur le long terme, elle doit être de haut niveau (belle) et con­stante (durable) dans le temps.

Ce slo­gan s’ap­plique spé­ciale­ment aux infra­struc­tures et aux travaux publics qui con­cer­nent la plu­part du temps des réal­i­sa­tions à longue durée de vie. Au tra­vers des activ­ités que mène l’In­sti­tut de la ges­tion déléguée, nous con­sta­tons et encour­a­geons une évo­lu­tion sen­si­ble des men­tal­ités, notam­ment chez les maîtres d’ou­vrages publics, vers une prise en compte des coûts com­plets de long terme des ouvrages et équipements publics, coûts en rap­port avec la durée et les engage­ments induits par les investisse­ments en ter­mes de fonc­tion­nement, d’en­tre­tien, de main­te­nance et de renouvellement.

Cette démarche est indis­pens­able pour éclair­er la pro­gram­ma­tion et le finance­ment des investisse­ments, aus­si bien que l’in­térêt de ménag­er une haute valeur résidu­elle. Des cor­re­spon­dances sont insti­tuées sur le plan budgé­taire, avec la mise en appli­ca­tion de la LOLF et la général­i­sa­tion de la compt­abil­ité en autori­sa­tions d’en­gage­ment et crédits de paiement. Ces approches méri­tent d’être appro­fondies, car elles reposent essen­tielle­ment sur les coûts. Afin de con­duire le mou­ve­ment vers la cul­ture du résul­tat en matière de ges­tion pat­ri­mo­ni­ale, un change­ment de per­spec­tive doit s’opér­er : la ges­tion des coûts doit être enrichie par celle du ser­vice ren­du, ce qui implique une approche fonc­tion­nelle fondée sur la répar­ti­tion des risques et le pilotage par la performance.

Des outils nouveaux et plus affûtés

Con­trat de partenariat Délé­ga­tion de ser­vice public
• Régime juridique au sens europé Marché pub­lic (1) Concession
•Sélec­tion de l’opérateur Dia­logue compétitif Négociation
• Financement Partenaire Partenaire
• Répar­ti­tion des risques Partage Transfert
• Rémunération Performancielle Liée aux résul­tats d’une exploita­tion inté­grant les risques
• Con­trôle sur le partenaire Indi­ca­teurs de performance Indi­ca­teurs de per­for­mance et droits des consommateurs
Inci­ta­tions principales Pénalités-bonus Gains d’exploitation
Orig­ine prin­ci­pale des paiements Administrations Diver­si­fiée : usagers,non-usagers, administrations
(1) Pour la plu­part des cas, con­ces­sion dans le cas où le risque trans­féré est impor­tant.


Les parte­nar­i­ats pub­lic-privé (PPP) fig­urent par­mi les instru­ments les plus adap­tés pour appuy­er ce change­ment. Les PPP, qui recou­vrent plusieurs mécan­ismes juridi­co-économiques, ont en com­mun de con­fi­er à un tiers une mis­sion glob­ale ori­en­tée vers le ser­vice ren­du, mis­sion qui s’in­scrit dans une durée elle-même déter­minée par un com­pro­mis entre péren­nité économique et finan­cière du ser­vice et capac­ité con­tribu­tive de l’u­til­isa­teur sous forme de rede­vances ver­sées par les usagers ou de loy­ers à la charge des col­lec­tiv­ités publiques. La prin­ci­pale car­ac­téris­tique des PPP est de trans­fér­er à l’opéra­teur tout ou par­tie des risques liés à la mis­sion qui lui est con­fiée. En tant qu’ils s’at­tachent à des mis­sions de ser­vice pub­lic qui les soumet au principe de muta­bil­ité du ser­vice, et en tant qu’ils lient sur une péri­ode plus ou moins longue deux par­ties con­trac­tantes pou­vant subir des sujé­tions imprévues ou l’in­flu­ence de fac­teurs extérieurs, les PPP sont défi­nis comme des instru­ments évo­lu­tifs et adap­tat­ifs. Le dia­logue qui s’ou­vre en amont de la rela­tion con­tractuelle se pour­suit tout du long de celle-ci et con­stitue un scé­nario con­tinu de recherche d’op­ti­mi­sa­tion entre les parte­naires à tra­vers un jeu gagnant-gagnant.

On dis­tingue générale­ment deux caté­gories de PPP : insti­tu­tion­nels et con­tractuels. Les pre­miers regroupent des acteurs publics et privés au sein d’une seule per­son­ne morale sur la base d’une prise de par­tic­i­pa­tion (cap­i­tal, droits de vote ou garanties). Les sec­onds sont, en droit français, les divers con­trats rel­e­vant de la délé­ga­tion de ser­vice pub­lic (affer­mage, con­ces­sion) et ceux créés par l’or­don­nance du 17 juin 2004 rel­a­tive aux con­trats de parte­nar­i­ats. Ces PPP con­tractuels pro­posent cha­cun une adap­ta­tion des principes néces­saires à la cul­ture du résultat.

Des opportunités conjoncturelles sources de progrès

Les PPP con­tractuels sont ain­si inspirés par une logique de résul­tats (le rôle des indi­ca­teurs de per­for­mance devient cen­tral dans la rémunéra­tion) plutôt que par une logique de moyens (de coûts). La con­cor­dance est forte entre des pos­si­bil­ités offertes par ces con­trats et les car­ac­téris­tiques des infra­struc­tures et travaux publics envis­agés sous l’an­gle du ser­vice ren­du : longue durée de vie, impor­tantes immo­bil­i­sa­tions de cap­i­tal, fortes inter­ac­tions entre la con­cep­tion, la con­struc­tion, l’ex­ploita­tion, la main­te­nance et le finance­ment (le parte­naire a notam­ment la charge d’op­ti­miser dans le temps ces inter­ac­tions entre les mis­sions et y investit tout son savoir-faire), dura­bil­ité physique de l’in­vestisse­ment entraî­nant une demande forte d’in­no­va­tion dans le ser­vice afin de main­tenir la valeur ajoutée et d’évoluer avec les attentes des usagers…

À côté de ces raisons pro­fondes, les PPP béné­fi­cient d’une fenêtre d’op­por­tu­nité qui devrait en favoris­er l’u­til­i­sa­tion. Les besoins en ter­mes de nou­veaux réseaux struc­turants à l’échelle européenne, en ter­mes de renou­velle­ment et de mod­erni­sa­tion des équipements exis­tant en France, dessi­nent une con­jonc­ture prop­ice pour ce type d’in­stru­ments qui, de plus, révè­lent l’ensem­ble des coûts évi­tant ain­si d’al­i­menter la hausse des prélève­ments publics. Alors que les con­traintes s’alour­dis­sent sur les finances publiques et que la dette fait “boule de neige”, la disponi­bil­ité à des niveaux his­toriques de l’é­pargne privée favorise la recherche d’in­vestisse­ments sûrs et de long terme. Sur les huit pro­jets des Réseaux transeu­ropéens (RTE) qui con­cer­nent la France, plusieurs devraient être réal­isés en PPP (Canal Seine-Nord, liaisons fer­rovi­aires Per­pig­nan-Figueras et Lyon-Turin…). L’époque des vœux n’est pas si loin : for­mons celui de voir s’ac­com­plir bien­tôt l’as­somp­tion de l’ou­vrage par le service.

Poster un commentaire