Délices et orgues

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°698 Octobre 2014Rédacteur : Jean SALMONA (56)

Que les orgues se voient prêter un car­ac­tère céleste, rien d’étonnant à cela : c’est dans les églis­es qu’on les trou­ve en général, alors qu’elles ont déserté aujourd’hui les grands ciné­mas qui en étaient pourvus à l’époque du muet.

Du coup, les com­pos­i­teurs ont sou­vent con­sacré leur musique d’orgue à des œuvres liturgiques ; sou­vent, mais pas tou­jours, comme on peut le con­stater dans deux enreg­istrements récents.

FRANCK, LISZT ET L’ORGUE CAVAILLÉ-COLL D’ÉPERNAY

Franck, on le sait, était organ­iste et pro­fesseur d’orgue au con­ser­va­toire de Paris, tan­dis que Liszt, pianiste, ne s’intéressait à l’orgue, avant de devenir abbé, qu’au fil des vis­ites d’églises de ses voy­ages. Tan­dis que les pièces pour orgue de Liszt sont essen­tielle­ment liturgiques, Franck, lui, a com­posé surtout des œuvres sans référence religieuse.

Liszt écrit pour l’orgue tan­tôt comme pour le piano, tan­tôt comme pour l’orchestre, sans se souci­er de la reg­is­tra­tion, alors que Franck indique avec pré­ci­sion les reg­istres à utiliser.

Un enreg­istrement récent par Odile Jut­ten présente une antholo­gie d’œuvres des deux com­pos­i­teurs1, qui étaient con­tem­po­rains, et illus­tre par­faite­ment bien la dif­férence de traite­ment de l’instrument.

De Franck, le superbe Prélude, fugue et vari­a­tions en si mineur, la Pas­torale, la Fan­taisie et le Final en si bémol majeur font appel à toutes les ressources de l’instrument grandiose de Notre-Dame d’Épernay, un des plus beaux du fac­teur Cavail­lé-Coll, instal­lé en 1869 (et classé mon­u­ment historique).

CD César Franck : Oeuvrs posthumes et inéditesDe Liszt, une œuvre étrange, Les Morts – Orai­son, un Ave Maria von Arcadelt min­i­mal­iste et séraphique, enfin Ein­leitung, Fuge und Mag­ni­fi­cat aus der Sym­phonie zu Dante Div­ina Com­me­dia, puis­sant mais austère, témoignent d’un art de l’orgue très nova­teur, peu soucieux de plaire, par­fois à la lim­ite de l’atonalité.

Les Impro­vi­sa­tions et Fan­taisies de Saint- Saëns du sec­ond disque sont de petites pièces peu con­nues, musique exquise qui ne se prend pas au sérieux et qui con­stitue un pen­dant bien­venu aux œuvres pro­fondes et sérieuses précédentes.

C’est sur l’orgue de Saint-Omer que Joris Verdin a enreg­istré un ensem­ble d’œuvres posthumes et inédites de Franck2. Il s’agit d’une quar­an­taine de pièces cour­tes, de 17 sec­on­des à 6 min­utes, presque toutes à usage liturgique cette fois.

Même mineures, elles con­stituent, pour ceux qui s’intéressent à la musique de Franck, un joli flo­rilège d’une facette mécon­nue de sa musique.

FÉLICIEN DAVID

CD : Mélodies par Félicien DAVIDAprès plus d’un siè­cle d’oubli, on redé­cou­vre aujourd’hui le com­pos­i­teur Féli­cien David (1810–1876), per­son­nage hors du commun.

Ce Provençal renonce à une car­rière de notaire pour la musique, « monte » à Paris , devient un saint-simonien act­if, se pas­sionne pour le rap­proche­ment entre les musiques occi­den­tales et ori­en­tales et par­court la Méditer­ranée dans le sil­lage du père Enfan­tin… et de Delacroix.

Son œuvre, dont une « ode-sym­phonie », Le Désert, com­prend de nom­breuses mélodies ; le ténor Artavazd Sargsyan accom­pa­g­né par Paul Mon­tag au piano vient d’en enreg­istr­er une quin­zaine3.

Le style est assez proche de celui de Goun­od : une musique car­ac­téris­tique des salons bour­geois de la deux­ième moitié du XIXe siè­cle, sans aucune recherche har­monique ou autre, mais agréable, à écouter en jouant au pharaon ou au whist, en buvant du punch – brûlant, bien entendu.

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1. 2 CD TRITON.
2. 2 CD RICERCAR.
3. 1 CD PASSAVANT.

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