Test pour le diabète

De la recherche à l’industrie biomédicale

Dossier : BiotechnologiesMagazine N°726 Juin/Juillet 2017
Par François NICOLAS (90)

La car­rière d’un cama­rade, qui en vingt-cinq ans est passé suc­ces­sive­ment par la recherche, l’ingénierie et main­tenant le man­age­ment. Il voit dans les évo­lu­tions en cours du monde du bio­médi­cal deux grands axes, la recherche de traite­ments de plus en plus per­son­nal­isés et ciblés et de nou­veaux mod­èles économiques où les acteurs sont payés en fonc­tion du résul­tat thérapeu­tique obtenu. 

Vous êtes X 90, à quoi ressemblait le plateau à votre époque ?

La vie passe vite, vous savez (rires). Il n’y avait pas ce bâti­ment-là (le Drahi X‑Novation Cen­ter), ni tous les nou­veaux labos, ni l’Ensta.

À côté, sur le plateau, là aus­si c’était très dif­férent, il n’y avait pas encore Danone, ni EDF… Mais la struc­ture générale reste la même, et le grand hall n’a pas changé lui ! 

Vous avez fait une thèse, qu’est-ce qui vous y a plu ?

J’ai beau­coup aimé la stim­u­la­tion intel­lectuelle. La démarche est d’ailleurs éton­nante : au début, j’ai lu énor­mé­ment de pub­li­ca­tions et j’ai con­tac­té beau­coup de chercheurs, je pen­sais que des solu­tions à mon prob­lème devaient déjà exis­ter et je ne voulais pas réin­ven­ter la poudre. 

“ Il fallait que j’ose trouver la solution moi-même ”

Au bout d’un moment, je me suis aperçu que la réponse n’existait pas et qu’il fal­lait que j’ose la trou­ver moi-même. Et quand j’ai finale­ment élaboré une théorie orig­i­nale, je me suis aperçu que j’étais deux­ième, après une Biélorusse qui avait dévelop­pé une théorie sim­i­laire six mois plus tôt ! 

Mais j’étais quand même fier parce qu’on n’était que deux à avoir mis en œuvre cette approche nouvelle. 

REPÈRES

Le secteur biomédical emploie plus de 575 000 personnes en Europe, pour un CA dépassant 110 milliards d’euros avec un investissement en R & D de 4 milliards par an. 95 % du secteur est composé de PME (source : MedTech Europe).

Après votre thèse, vous êtes parti dans le privé plutôt que dans l’académique.
Quelles étaient vos motivations ?

J’ai beau­coup hésité à l’issue de ma thèse, mais au bout du compte j’ai cher­ché une activ­ité à cycle rel­a­tive­ment court où on intro­duit des pro­duits sur le marché tous les deux ans env­i­ron. C’est ce que j’ai trou­vé en rejoignant GE Health­care en imagerie médi­cale, l’autre domaine qui m’intéressait à la sor­tie de l’X en plus de l’environnement.

Et puis, j’allais bien­tôt avoir mon troisième enfant et le salaire offert par le privé aidait bien pour pay­er le loy­er et les couches ! 

Est-ce qu’avoir une thèse est indispensable pour travailler dans les biotechs ?

Cela dépend du type de car­rière qu’on envis­age : une excel­lente idée et une forte per­son­nal­ité per­me­t­tent de se lancer dans une start-up sans thèse, Steve Jobs l’a fait ! 


Les « soins inté­grés » pour le dia­bète englobent tout ce qui ne con­cerne pas le médica­ment lui-même.
© KWANGMOO / FOTOLIA.COM

Une thèse est cepen­dant très val­orisée dans une struc­ture où l’innovation sci­en­tifique est au cœur de la stratégie de crois­sance, comme c’est le cas pour une biotech ou un labo pharmaceutique. 

C’est moins vrai lorsque l’on tra­vaille dans le numérique où l’innovation a ten­dance à se con­cen­tr­er sur l’apport de solu­tions orig­i­nales à une prob­lé­ma­tique d’usages.

Sinon, la thèse est égale­ment un bon atout lorsque l’on tra­vaille au con­tact des médecins comme c’est mon cas régulièrement. 

À quel moment avez-vous basculé d’un poste plus technique à un poste de manager ?

J’ai fait pas mal de tech­nique chez GE. D’abord deux ans dans la région parisi­enne, puis deux ans aux États-Unis, et jusqu’en 2008, j’étais sur des postes d’ingénieur, avec une car­rière assez stan­dard : d’abord on est con­tribu­teur indi­vidu­el, puis chef de pro­jet, puis man­ag­er d’une équipe de 20 per­son­nes, puis man­ag­er d’une équipe de 100 personnes… 

“ J’ai été très heureux que le cursus de l’X ait inclus des cours de biologie ! ”

Un gros intérêt chez GE est que même ces postes de man­agers étaient très tech­niques et opéra­tionnels sur les projets. 

Je me suis réori­en­té vers le busi­ness à par­tir de 2010. Tout d’abord, j’ai pris la respon­s­abil­ité d’une ini­tia­tive stratégique pour GE Health­care pour tout ce qui con­cerne le diag­nos­tic de la mal­adie d’Alzheimer. Il s’agissait de coor­don­ner les straté­gies des dif­férents busi­ness afin de met­tre en place une approche mul­ti­modal­ités (IRM, PET, logi­ciels de quan­tifi­ca­tion, agents de con­traste, mar­queurs san­guins, etc.). 

Au-delà de l’aspect busi­ness, j’ai dû me plonger dans la biolo­gie de la mal­adie d’Alzheimer et de ses bio­mar­queurs… et je me sou­viens alors avoir été très heureux que le cur­sus de l’X ait inclus des cours de biologie. 

Au bout d’un an, mon rôle a été éten­du et je suis allé à Lon­dres pren­dre la respon­s­abil­ité directe du busi­ness d’imagerie de neu­rolo­gie PET tout en con­tin­u­ant à men­er l’initiative stratégique au niveau du groupe. C’est ain­si que j’ai final­isé ma réori­en­ta­tion de la tech­nique vers le business. 

Et aujourd’hui au quotidien, en quoi consiste votre travail ?

Analyses médicales pour  traitements personnalisés et ciblés.
Il faut s’attendre à une très grande inno­va­tion autour de traite­ments de plus en plus per­son­nal­isés et ciblés. © PAKPOOM NUNJUI / SHUTTERSTOCK.COM

Je suis ren­tré en France en 2014 pour rejoin­dre Sanofi en tant que respon­s­able de la stratégie com­mer­ciale de ce qu’on appelle les « soins inté­grés » pour le dia­bète, c’est-à-dire tout ce qui ne con­cerne pas le médica­ment lui-même mais les dis­posi­tifs médi­caux ou ser­vices associés. 

Dans ce rôle, j’ai défi­ni la stratégie du groupe pour les soins inté­grés (au quo­ti­di­en, on doit con­va­in­cre les par­ties prenantes mul­ti­ples) et con­tribué à la mise en œuvre de cette stratégie, soit par des développe­ments internes, soit par la mise en place de partenariats. 

Par exem­ple, j’ai passé beau­coup de temps à la mise en place d’un parte­nar­i­at entre Sanofi et Google qui s’est con­crétisé par la créa­tion d’une nou­velle société appelée Onduo ; au quo­ti­di­en, on a dû dévelop­per un busi­ness plan et se met­tre d’accord sur un nom­bre impor­tant de con­trats définis­sant les rela­tions entre Sanofi, Google et Onduo… 

Il ne faut pas avoir peur de ren­tr­er dans beau­coup de détails pour faire aboutir un tel projet. 

Quels sont les grands changements dans le monde du biomédical ?

Je vois deux grands axes. D’un point de vue pro­duit, il faut s’attendre à une très grande inno­va­tion autour de traite­ments de plus en plus per­son­nal­isés et ciblés. 

On le voit par exem­ple avec l’explosion actuelle de médica­ments biologiques, ou avec les per­spec­tives incroy­ables de la géné­tique ou de la médecine régénérative. 

D’un point de vue économique, les dif­fi­cultés budgé­taires vont s’amplifier compte tenu de l’accroissement des dépens­es liées au vieil­lisse­ment de la pop­u­la­tion et à l’accroissement des mal­adies chroniques. 

BIENTÔT LA SANTÉ CONNECTÉE

Onduo est une entreprise détenue à parts égales par Sanofi et Google dont la vocation est de fournir des solutions complètes pour les patients atteints de diabète. L’idée des deux partenaires est de partager l’expérience de Verily, la filiale dédiée de Google pour la santé, en matière d’électronique miniaturisée, de techniques analytiques et de développement de logiciels grand public et celle de Sanofi dans les médicaments et la connaissance du marché.

Dans ce con­texte, sont en train d’émerger, en par­ti­c­uli­er avec beau­coup d’innovations menées par le CMS aux États-Unis (le Cen­ter for Medicare and Med­ic­aid Ser­vices, une sorte d’équivalent de notre Sécu­rité sociale pour une par­tie de la population). 

Ces nou­veaux mod­èles reposent sur l’idée qu’il faut pay­er les dif­férents acteurs (corps médi­cal, indus­triels des médica­ments ou des dis­posi­tifs médi­caux) en fonc­tion du résul­tat thérapeu­tique obtenu, c’est-à-dire fon­da­men­tale­ment qu’on ne paie que si le traite­ment marche. 

À l’extrême, les acteurs médi­caux seront payés tant que les per­son­nes res­teront en bonne san­té et non plus quand elles tombent malades ! 

C’est un peu le même principe que celui appliqué dans l’aviation où des con­trats garan­tis­sent un nom­bre d’heures de vol…, mais c’est par­ti­c­ulière­ment com­pliqué à met­tre en œuvre pour la san­té des hommes.

Poster un commentaire