Travail de valorisation de la recherche médicale

De la recherche à l’innovation : les métiers de la valorisation

Dossier : BiotechnologiesMagazine N°726 Juin 2017
Par Divya BABIN (06)

Un nou­veau métier appa­raît, celui de la valo­ri­sa­tion de la recherche. Il per­met le par­tage des connais­sances et savoir-faire à tra­vers les col­la­bo­ra­tions de recherche public-pri­vé ou vers le monde indus­triel. Ce sont des pro­fils trans­verses pour des res­pon­sa­bi­li­tés mul­tiples avec l’opportunité de ren­con­trer des acteurs à la pointe de la R&D à l’échelle mondiale. 

Au sein de la chaîne de valeur du déve­lop­pe­ment du pro­duit de san­té, les organes de valo­ri­sa­tion de la recherche se posi­tionnent à l’interface entre les indus­tries pri­vées et la recherche aca­dé­mique (ins­ti­tuts pri­vés, uni­ver­si­tés, hôpi­taux, etc.). 

“ Les métiers de la valorisation sont d’une grande diversité ”

Ils ont pour fonc­tion de per­mettre le par­tage des connais­sances et savoir-faire aca­dé­miques à tra­vers les col­la­bo­ra­tions de recherche public-pri­vé, et d’assurer le trans­fert des résul­tats de recherche vers le monde indus­triel, par exemple au tra­vers d’accords de licence. 

Ce trans­fert de savoir, savoir-faire et pro­prié­té intel­lec­tuelle s’effectue en contre­par­tie de retours financiers. 

REPÈRES

Structurellement, les organes de valorisation peuvent être internes aux organismes de recherche (cas des TTO – Technology Transfer Office) ou plus indépendants (comme les SATT, Sociétés d’accélération du transfert de technologies, ou Inserm Transfert) et sont souvent financés sur des budgets publics ou mixtes (i.e. alloués sur les fonds de l’organisme de recherche concerné).

DES PROFILS TRANSVERSES POUR DES RESPONSABILITÉS MULTIPLES

Dans cette pers­pec­tive, le rôle de la valo­ri­sa­tion de la recherche s’inscrit dans une logique éta­tique de retour sur inves­tis­se­ment pour les fonds publics – que ce retour soit d’ordre finan­cier (fonds pri­vés réin­jec­tés dans les acti­vi­tés de recherche aca­dé­mique) ou d’ordre socié­tal (bien-être des patients, avan­tages com­pé­ti­tifs des entre­prises nationales…). 

Cer­taines actions du Pro­gramme d’investissements d’avenir ont d’ailleurs ser­vi à finan­cer des acti­vi­tés de valorisation. 

Plus concrè­te­ment, les acti­vi­tés au sein des ser­vices de valo­ri­sa­tion sont d’une grande diver­si­té et couvrent : 

  • la car­to­gra­phie interne des savoir-faire et tech­no­lo­gies à licen­cier (scou­ting) ;
  • l’identification de socié­tés poten­tiel­le­ment par­te­naires de recherche ou acqué­reurs de tech­no­lo­gies (busi­ness developper) ; 
  • la ges­tion de la pro­prié­té intel­lec­tuelle – dépôt de bre­vet entre autres (ingé­nieur en pro­prié­té industrielle) ; 
  • la négo­cia­tion d’accords de licence ou de col­la­bo­ra­tion (busi­ness developper) ; 
  • la mise en place des contrats (juriste) ;
  • et pour finir le sui­vi des col­la­bo­ra­tions et des livrables ou objec­tifs asso­ciés (alliance manager). 

UNE PALETTE DE COMPÉTENCES COMPLÈTES

Très souvent, dans les services de valorisation, les chargés d’affaires endossent à la fois les responsabilités de business development et d’alliance management, et parfois même celles de scouting interne.

Dans cer­tains cas, ces ser­vices sont éga­le­ment char­gés d’accompagner les créa­tions de start-up issues de la recherche, voire de faire fonc­tion­ner un incu­ba­teur appar­te­nant à l’organisme de recherche. 

On voit d’ailleurs émer­ger de plus en plus de réflexions sur la créa­tion de fonds d’investissement appar­te­nant en propre aux orga­nismes de recherche ou à des struc­tures de valo­ri­sa­tion et dédiés à l’amorçage.

Dans ce contexte de trans­ver­sa­li­té forte, un pro­fil d’ingénieur peut repré­sen­ter un atout par sa capa­ci­té d’intégration d’un grand nombre de contraintes mul­ti­fac­to­rielles. À l’inverse, ce type de fonc­tion pré­sente aus­si un vif inté­rêt pour quelqu’un dési­rant com­bi­ner dans son tra­vail quo­ti­dien des com­po­santes stra­té­giques, busi­ness, scien­ti­fiques, inter­na­tio­nales et humaines. 

CHARGÉ D’AFFAIRES EN VALORISATION : UN INTERMÉDIAIRE « À TOUT FAIRE »

Dans la pra­tique, les équipes de valo­ri­sa­tion sont petites au vu des nom­breuses tâches qui leur incombent et sont dotées de moyens finan­ciers res­treints, comme on peut s’y attendre dans un envi­ron­ne­ment de finan­ce­ments essen­tiel­le­ment publics. 

DES RENCONTRES À L’ÉCHELLE MONDIALE

À titre personnel, ce qui m’enthousiasme le plus dans cette fonction, c’est l’opportunité de rencontrer des acteurs de pointe de la R & D en santé et ce à l’échelle mondiale.

Les acti­vi­tés du quo­ti­dien peuvent aller du déve­lop­pe­ment d’outils de com­mu­ni­ca­tion pour pré­sen­ter une tech­no­lo­gie – mar­ke­ting de l’offre – en échange direct avec les scien­ti­fiques, à la négo­cia­tion de contrats en pas­sant par tout le tra­vail de pros­pec­tion – ciblage sur bases de don­nées, prise de contact, ges­tion d’outil de CRM… – la par­ti­ci­pa­tion à des conven­tions d’affaires inter­na­tio­nales pour ren­con­trer des socié­tés phar­ma­ceu­tiques ou bio­tech­no­lo­giques, ou encore la veille technologique. 

Tout cela dans un contexte international. 

“ Faire fonctionner ensemble des entités et des individus dont les perspectives ne convergent pas ”

En effet, on échange à la fois avec des scien­ti­fiques de pre­mier plan, lea­ders d’opinion dans leur domaine, et avec des lea­ders busi­ness, dont les pré­oc­cu­pa­tions stra­té­giques se foca­lisent sur les pers­pec­tives de déve­lop­pe­ment et de commercialisation. 

Ce posi­tion­ne­ment demande donc une capa­ci­té à com­prendre fine­ment les avan­cées tech­no­lo­giques et d’en anti­ci­per les appli­ca­tions, mais offre en contre­par­tie l’opportunité de déve­lop­per une vision stra­té­gique d’ensemble, tout en conser­vant une com­pré­hen­sion ter­rain des enjeux du secteur. 

ACQUÉRIR UNE DIMENSION ENTREPRENEURIALE

Par ailleurs, tant le mode de fonc­tion­ne­ment (petite équipe flexible et indé­pen­dante, bud­get res­treint mais enjeu majeur) que le por­te­feuille de pro­jets tech­no­lo­giques inno­vants bras­sés au sein de ces ser­vices de valo­ri­sa­tion confère une dimen­sion entre­pre­neu­riale au poste. 


Les métiers de la valo­ri­sa­tion pré­sentent un vif inté­rêt pour quelqu’un dési­rant com­bi­ner dans son tra­vail quo­ti­dien des com­po­santes stra­té­giques, busi­ness, scien­ti­fiques, inter­na­tio­nales et humaines.
© ANGELLODECO / FOTOLIA.COM

Si on le sou­haite, ce peut être une occa­sion de pré­pa­rer son propre pro­jet de start-up, en construi­sant un réseau busi­ness inter­na­tio­nal, une vision stra­té­gique d’un domaine scien­ti­fique pré­cis et un style de ges­tion agile. 

Enfin, les rela­tions humaines occupent une place par­ti­cu­liè­re­ment impor­tante – et c’est peut-être ce qui peut sur­prendre le plus au début. 

Non pas que les accords se fondent prin­ci­pa­le­ment sur les rela­tions de réseau, mais plu­tôt que le nombre éle­vé de par­ties pre­nantes, dont les moti­va­tions et contraintes sont dif­fé­rentes, voire diver­gentes, oblige à trai­ter la ques­tion humaine – i.e. le mana­ge­ment des par­ties pre­nantes – de façon prioritaire. 

Cette néces­si­té de faire fonc­tion­ner ensemble des enti­tés et des indi­vi­dus dont les pers­pec­tives ne convergent pas néces­sai­re­ment laisse par­fois la sen­sa­tion désa­gréable de ne pas tou­jours pou­voir satis­faire tous les par­tis mais consti­tue un défi et une source d’apprentissage très stimulants. 

On peut s’attendre dans les années à venir à voir de plus en plus de struc­tures se démar­quer, comme déjà on l’observe au tra­vers des nom­breux modèles favo­ri­sant l’innovation ouverte et visant à trans­for­mer la chaîne du déve­lop­pe­ment du pro­duit de san­té, et les rela­tions entre les aca­dé­miques et les industriels.

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